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L’argument de l’amalgame et son usage
Shmuel Trigano
Article mis en ligne le 6 février 2015

Il y a un prix à payer pour le discours prônant le « pas d’amalgame envers l’islam ». Il se veut une mise en garde, ce que l’on peut comprendre, mais le problème, c’est que ses effets sont profondément pervers. Tout d’abord par rapport à sa finalité déclarée. Il laisse entendre par antithèse qu’on pourrait de toute evidence pratiquer l’amalgame qu’il dénonce et qu’il met donc en œuvre en négatif, ce qui a pour effet d’encourager les esprits à une vision massifiante des musulmans propice à favoriser l’idée d’une responsabilité collective. Il induit ainsi un soupçon tout en l’interdisant. Alors qu’il prétend prémunir du racisme.

Le concept d’« islamophobie », d’invention récente, et qui est invoqué comme la raison du « pas d’amalgame », ne fait qu’accentuer cette massification car il fait de l’islam et pas uniquement des individus musulmans le sanctuaire intouchable. L’interdit s’étend ainsi à sa doctrine elle même. Et là, nous ne sommes plus dans un régime de lutte contre le racisme mais de censure intellectuelle.

Jusqu’où cet interdit va-t-il ? Telle est en fait la question. Et il n’y a pas que le blasphème. Toute l’histoire et la culture sont concernées. Faut-il aussi sanctuariser le récit de l’histoire que l’islam ou le monde arabe s’est donné ? L’occultation systématique de l’histoire de la fin dramatique des communautés juives du monde musulman a été, en France, un cas d’école de cette censure. Elle a montré qu’il y avait des vérités officielles et instituées par les médias, l’« Université », l’opinion.

Ce sont les Juifs de France qui ont payé le prix de cette chasse ambivalente à l’islamophobie. Déjà du fait que le discours sur l’amalgame est le discours qui suit chaque acte terroriste, au point d’effacer les victimes, la raison de leur massacre, l’antisémitisme, la plupart du temps déniée. Jusqu’à l’affaire Merah, l’opinion, les pouvoirs publics ont refusé de constater la réalité de l’antisémitisme parce qu’il provenait de milieux activistes de l’islam. Celà ne correspondait pas à leur « narratif ».

On a alors forgé des leurres qui impliquaient toujours la mise en accusation les Juifs, voire certains Juifs : « tensions inter-communautaires », « conflit importé ». Des excuses sociologiques (chômage, pauvreté, apartheid), puis aujourd’hui psychologiques (loups solitaires, crise d’adolescence) ont été avancées pour cacher les causes manifestes qui sont puisées dans la religion. On s’est retourné, cette fois-ci sans réserves, contre Israël, le sionisme, les colons pour ne pas reconnaître la nature de la guerre de religion menée par les djihadistes. Ce déchaînement n’a pas connu de limite. Il a atteint a culture. Je peux évoquer comme exemple un livre paru en 2003, publié par un grand éditeur, salué par des professeurs du Collège de France, deux prix Nobel, célébré dans un grand magazine français, qui épilogue sur le « droit de tuer des non Juifs » que la Tora enjoignerait. Imagine-t-on le scandale s’il s’était agi du Coran ? En ce qui concerne les Juifs, si l’on excepte le négationisme, il semble donc qu’on ait le droit de tout dire, même des mensonges. Jusqu’à leur reprocher leur départ pour Israël ou leur supposée « double allégeance » au moment même où ils sont la cible des terroristes. Aucun scandale public.

Avec Merah et Coulibaly le prétexte d’Israël s’est effondré mais rien n’a changé dans le discours et la compréhension de la situation. Il est toujours hypnotisé par son interdit. Un exemple : Aujourd’hui encore, commentateurs et stratèges nous disent qu’ils ne « comprennent » pas pourquoi des actes de terreur sont commis par des jeunes nés en France. Et pour cause !

L’ironie du sort fait qu’il n’y a que les musulmans qui se veulent « modérés » à pouvoir casser ce système idéologique retors qui manie le pouvoir de bannir et de stigmatiser, très « moralement ». Surfer sur cette vague, comme leurs représentants ont tendance à le faire aujourd’hui, pourrait réserver à tout le monde des lendemains très problématiques. Il faudrait qu’ils pensent à un aggiornamento comme le fit l’église au lendemain de la Shoah. Mais ont-ils le courage, la volonté et l’autorité pour le faire ?

  • A partir d’une tribune sur Radio J le vendredi 6 février 2015.


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