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Les habitants de Sderot crient leur exaspération
Par Haviv Rettig | Jerusalem Post édition française
Article mis en ligne le 5 mars 2008

Nitai Shreiber est fatigué. « Cet endroit cumule cinq fois plus d’anxiété et de privations que nous ne pouvons supporter », affirme, à voix douce, le directeur exécutif de Gvanim, l’un des plus grands centre de sevices sociaux pour les quartiers les plus défavorisés de Sderot. Le centre vient en aide aux immigrants pauvres venus du Caucase qui représentent 35 % de la population de la ville, aux handicapés mentaux et à ceux qui souffrent de traumatismes liés aux fortes tensions de la ville.

Shreiber est un « entrepreneur social », installé à Sderot depuis 1990 et a créé Gvanim, une association à but non lucratif, en 1994.

150 de ses 280 employés, dont Shreiber lui-même, habitent à Sderot. Un tiers d’entre eux, dont Shreiber également, suivent une thérapie.

« Je préserve ma force grâce à cet endroit où je me permet d’être faible », explique Shreiber, ancien réserviste de l’une des plus prestigieuses unités de Tsahal.

Selon Shreiber, cet aspect de la crise est méconnu par le reste du monde et la majeure partie d’Israël, dont le gouvernement. Sderot est l’épicentre d’un véritable traumatisme. Durant notre conversation d’une heure, nous nous sommes précipités, à deux reprises, à l’intérieur de la pièce adjacente dont les murs en ciment épais peuvent résister aux débris des bombes qui se sont d’ores et déjà abattues sur la petite ville - 50 sont tombées le 28 février - depuis sept ans.

Lorsque l’alarme résonne dans toute la ville, 10 à 15 secondes s’écoulent avant que les roquettes ne tombent. Il y a presque trois semaines, Oshri Touitou, âgé de huit ans, a perdu sa jambe gauche à cause d’un éclat de bombe. Il arrive que les roquettes s’abattent sur la ville avant même que la sirène n’ait eu le temps de retentir.

Doux comme un travailleur social et nerveux comme un père de quatre enfants, Shreiber porte en lui la ténacité d’un soldat ainsi qu’une profonde amertume à l’égard de l’irresponsabilité du gouvernement.

« Je n’ai jamais soutenu la politique d’Ariel Sharon, mais Arik prendrait ses responsabilités », explique-t-il. Les résidents pensent que le gouvernement méprise leurs souffrances. Malgré la certitude de voir les bombardements se prolonger, l’état refuse de protéger une pièce de chaque habitation de Sderot.

Alors que la situation s’intensifie dans l’ouest du Néguev - les roquettes Kassam pèsent aujourd’hui cinq fois plus qu’il y a sept ans, les Grads atteignent le nord d’Ashkelon et chaque mois, les Palestiniens précisent leurs tirs - les résidents se sentent abandonnés. Près de 20 % de la population, souvent les plus aisés, a quitté la ville. Par manque d’alternatives, la plupart des autres sont contraints de rester.

Devant l’effondrement de l’immobilier, ils sont dans l’impossibilité de quitter Sderot pour les villes voisines du Neguev, telle Netivot. Ils sont coincés sur la ligne de front.

Shreiber fait parti d’un groupe non insignifiant de résidents de Sderot qui restent alors même qu’ils disposent des moyens nécessaires pour partir. « Je me bats pour garder ma maison », dit-il. Son habitation relativement neuve possède une pièce renforcée.

Depuis ces quatre dernières années, toute la famille dort dans cette petite chambre équipée d’un lit superposé et de matelas posés à même le sol. « Les statistiques jouent en notre faveur », explique Shreiber d’un ton grave. Durant ces sept dernières années, « seulement » six roquettes sont tombées à moins de 50 mètres de sa maison. Le dernier Kassam a traversé le mur de son voisin il y a deux semaines.

« Mon fils veut jouer au football, mais le stade se trouve à un demi kilomètre de la maison. Que dois-je faire ? Cela dure depuis toute son enfance mais ne le préoccupe pas », poursuit-il. « Insouciant, il me dit ?si la sirène se met à sonner, je me précipiterais à l’intérieur du migounit’ », une structure en ciment comprenant de multiples ouvertures pour permettre aux enfants de se mettre rapidement à l’abri.

Les deux filles adolescentes de Shreiber « dorment dans un état d’alerte permanent » et se réveillent dès que les sirènes retentissent.

Selon Shreiber, le pays et tout particulièrement le gouvernement ignorent cette réalité. « Tout le monde crie à l’aide lorsqu’il y a un mort ou un blessé, mais les cicatrices émotionnelles s’entassent et s’amoncèlent. »

« Les habitants de Sderot persévèrent », discerne-t-il, « mais sont privés de l’aide qu’ils pensent mériter. Un journaliste m’a demandé si nous nous sentions abattus. Non. Nous sommes frustrés », affirme-t-il.

Shreiber remercie tous ceux qui les soutiennent, notamment les Communautés juives de diaspora, le Comité juif américain et le Comité international d’Amitié judéo-chrétienne (IFCJ).

Cette semaine, suite à la mort d’un étudiant du collège Sapir provoquée par l’explosion d’une roquette, l’Agence juive a distribué 1 700 bourses d’étude au millier d’étudiants de Sapir, soit 1,7 million de dollars. Les abris anti-bombes ont récemment été restaurés grâce à de massives subventions de donateurs privés. Shreiber est reconnaissant pour cette aide.

Il est toutefois déçu d’apprendre que le ministre des Affaires sociales, Isaac Herzog, a pris la décision, la semaine dernière, d’augmenter les salaires, de renforcer les bâtiments et d’ajouter des heures de travail aux services sociaux surtaxés de Sderot.

« Nous n’avons pas besoin d’un renforcement des services sociaux. Cela ne représente que 20 personnes, soit moins de 10 % de mes employés. » Ce qu’il souhaite, c’est avant tout le renforcement d’une pièce à l’intérieur de chaque habitation.

« Nous avons tous besoin de nous sentir en sécurité la nuit afin de pouvoir vivre nos vies le lendemain », affirme Hezi qui travaille avec Shreiber. « Le gouvernement n’a pas de solutions pour la bande de Gaza ? Très bien ! Mais dites-le et renforcez nos maisons ! »

« Je ne me plains pas de la situation », convient Shreiber. "J’ai choisi de vivre ici et nous sentons que les Israéliens nous soutiennent ainsi que les Juifs américains qui viennent nous visiter et nous aider.

Mais« , dit-il en s’adressant au gouvernement, »donnez-nous les outils qui nous permettent de vivre sur la ligne de front. Aidez-nous à dormir la nuit. Pourquoi devons-nous vous implorer ?"



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