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Rapprochement Iran - Zimbabwe
Albert Capino

La recette du “gâteau jaune”, ou comment transformer un baril de pétrole en uranium hautement enrichi.
De quoi faire paraître pâle figure aux “blood diamonds”...

Article mis en ligne le 23 avril 2010

Au-delà des discours, que peut-on retenir de la visite d’Ahmadinejad au Zimbabwe, tenu d’une main de fer depuis trente ans par le dictateur Robert Mugabe ? La raison officielle est l’installation d’une usine d’assemblage de tracteurs par les experts iraniens. Des tracteurs ? Cela me rappelle les chasse-neige dont les Russes avaient fait cadeau à la Guinée, à l’époque de la guerre froide…

Quelques chiffres suffisent à mesurer l’ampleur du désastre dont souffre le Zimbabwe. Emmanuel Gentilhomme du Blog Finance nous rappelle que dans un pays où seulement 20% de la population dispose d’un travail, où un quart de la population est séropositive et où l’inflation se situe à un niveau surréaliste (au début des années 80, avant l’euro, avec un dollar américain, on obtenait deux dollars zimbabwéens, en 2006 il fallait environ 150.000 dollars zimbabwéens pour un Euro !), les préoccupations du « président à vie » sont loin de celles de ses nationaux. Le revenu moyen d’un salarié est de 55 dollars US par mois, quand il lui faut dépenser 90 dollars pour subvenir à ses besoins élémentaires : un quart des 12 millions d’habitants du pays dépendent de l’aide alimentaire internationale.

Après avoir atteint le record mondial d’inflation, la coalition avec l’ancien leader de l’opposition Morgan Tsvangirai, à présent premier ministre, a abandonné la monnaie locale pour adopter les devises fortes telles que le $ US pour les importations et transactions.

Le principal objectif de Mugabe reste l’exploitation des ressources minières. On estime qu’ensemble, Afrique du Sud et Zimbabwe concentrent 90% des réserves mondiales de platine.
L’industrie minière ne contribue qu’à hauteur de 4% du PIB, 4,5% des postes, mais à hauteur de 44% des revenus du pays en devises étrangères.

Pour mémoire, le Zimbabwe (ex Rhodésie), coiffé par la Zambie, bordé par le Mozambique et le Botswana, se situe juste au-dessus de l’Afrique du Sud. La Rhodésie doit l’origine de son nom à Cecil J. Rhodes, fondateur de la compagnie diamantifère De Beers, un Britannique parmi les principaux artisans du développement minier du pays.

Le Times britannique relatait : « le pays est riche de nombreuses ressources minérales le long de la ceinture du Grand Dyke [une faille volcanique qui traverse le pays du Nord au Sud et riche en minéraux de toute sorte]. Il contient de l’or, des métaux de base comme du nickel et du chrome, des platinoïdes, du charbon, des minéraux industriels comme le lithium, le tantale et le graphite, en passant par les diamants et de petites quantités d’uranium ».

Dans les années 70, la présence significative d’uranium avait été découverte par des prospecteurs allemands dans le district du Kanyemba, à environ 250 km au Nord de la capitale Harare. Elle n’a jamais été exploitée en raison du prix peu élevé de la matière première.

Depuis, d’importantes traces d’uranium, ont été découvertes en 2001. En 2005, Mugabe avait approché les Chinois pour exploiter ces gisements potentiels, sans aboutir.

En 2007, le projet d’exploitation lancé par son neveu Robert Zhuwaw avec une compagnie australienne Omegacorp avorte.

Mais les tractations se poursuivent avec les Nord-Coréens et les Iraniens (deux nations totalement désintéressées dans le développement d’un quelconque programme militaire, comme le réaffirme Mugabe).

Et c’est l’Iran qui l’emporte sur le poteau. Le Kanyemba uranium-vanadium mine project, demeuré longtemps en sommeil, peut voir le jour :
Taille potentielle : 1800 tonnes U
Pourcentage d’extraction : 0,6% U

Au cours actuel du marché, le prix de la livre d’uranium revient à environ 43 $, soit la moitié de celui d’un baril de pétrole.
Pour un partenariat à 50-50 (*), l’Iran devra investir dans les infrastructures permettant l’extraction et la purification du minerai. En gros, le coût d’extraction d’une tonne d’uranium au Zimbabwe devrait équivaloir à une journée de la capacité iranienne d’exportation de pétrole brut (soit 4 millions de barils) !

Est-il utile de préciser qu’il s’agit d’un deal cousu d’or pour le régime des mollahs, désormais en mesure de s’assurer à l’avenir l’équivalent de centaines de tonnes d’uranium exploitable dans leurs centrales d’enrichissement, à un prix défiant toute concurrence ?

[Du plutonium enrichi à 3% suffit pour faire tourner une centrale nucléaire « civile ». La qualité militaire requiert une concentration nettement plus élevée (90%), mais une bombe peut être fabriquée avec des concentrations dès 15% variant jusqu’à 50% et avoir l’efficacité dévastatrice de celles qui ont détruit Nagasaki et Hiroshima en 1945. NDLR]

Dès 2004, l’Iran annonçait ses projets d’extraire plus de 40 tonnes par an des propres réserves dont il dispose. De quoi fabriquer en théorie environ 100kg d’uranium hautement enrichi (HEU), quantité suffisante pour confectionner cinq armes nucléaires. Une théorie largement confirmée à présent après l’installation de plusieurs centaines de centrifugeuses de nouvelle génération livrées par la Chine, fonctionnant en cascade et pouvant produire de deux à six fois plus d’uranium hautement enrichi que la génération précédente, selon la cadence de fonctionnement et la concentration souhaitée.

L’Iran est implanté au Zimbabwe depuis 2005, date à laquelle la société étatique Farab, filiale du ministère de l’énergie iranien, avait obtenu un contrat de 200 millions $ pour le développement de la centrale hydroélectrique de Kariba.
Entre Mugabe et Ahmadinejad, au-delà de leur élection contestée, les intérêts convergent : le président iranien diversifie son approvisionnement direct d’uranium et le maître du Zimbabwe met la main sur une nouvelle source de devises étrangères.

Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer un extrait du communiqué de la Commission conjointe Irano-Zimbabwéenne déclarant que « les deux nations consacraient leurs efforts à la promotion de la paix et de la stabilité dans leur régions respectives et accueillaient avec bienveillance la proposition iranienne de tenir prochainement un sommet international du désarmement nucléaire à Téhéran »

« Soyez assuré, camarade président, du soutien continu du Zimbabwe à la juste cause iranienne sur la question nucléaire », a notamment déclaré Robert Mugabe.

Le premier ministre Morgan Tsvangirai n’a pas souhaité participer à la cérémonie de bienvenue d’Ahmadinejad.

A.C.

Sources :
http://www.wise-uranium.org/uoafr.h...

et Emmanuel Gentilhomme du Blog Finance :

Aux termes d’un plan sur 7 ans concocté par Mugabe en 2006, l’Etat détiendra à terme une part de 51% du capital minier du pays. L’opération sera réalisée en deux temps : tout d’abord, dès l’adoption de la loi, les mines existantes sur les zones visées devront céder sans aucune contrepartie de l’Etat 25% de leurs parts sociales. Cadeau ! Puis durant les cinq années suivantes, le solde des parts sera transféré à l’Etat suivant une contrepartie ;
qu’un Etat s’assure le contrôle de l’exploitation des matières premières que recèle son sol n’a rien d’extraordinaire ni de spécialement blâmable. Vladimir Poutine n’a pas réagi autrement quand la pétrolière russe Yukos a failli être acheté à hauteur de 40% par des majors américaines. Et n’était-ce pas ce qu’ont fait les Saouds quand, dans les années 70, ils nationalisèrent les parts qu’ils ne détenaient pas encore de la compagnie Aramco ?


(*) Pour les nouvelles mines, l’Etat ou des compagnies du Zimbabwe devront dès le départ posséder la moitié des parts.



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