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Questions de responsabilité
Par Guy Millière © Metula News Agency
Article mis en ligne le 3 novembre 2004

J’étais dimanche dernier dans la principale librairie juive de la rue des Rosiers à Paris pour y dédicacer mon dernier livre et rencontrer mes lecteurs. Au delà des témoignages touchants et des manifestations d’amitié, deux rencontres m’ont laissé un net sentiment de malaise.

La première fut celle d’un sexagénaire, d’origine juive mais pas religieux, selon ses dires. Il m’a déclaré être proche de dirigeants des services secrets français et m’a affirmé que tout le monde au Quai d’Orsay et à la DGSE « savait » que « l’organisation des attentats du onze septembre étaient connue de l’administration Bush » mais que celle-ci avait laissé faire « aux fins de justifier la guerre en Afghanistan et en Irak et de justifier un soutien excessif à Israël ». Je pourrais laisser de côté ces paroles, parler des égarements d’un simple individu. Malheureusement, depuis la parution du sinistre livre de Thierry Meyssan et des ouvrages, tout aussi consternants, d’Eric Laurent sur l’Administration Bush, force m’est de constater qu’enfle en France un engouement « conspirationniste ». Bush est nécessairement suspect : il est chrétien pratiquant et s’est entouré d’autres chrétiens pratiquants et de juifs, parfois très pieux. Je m’attends à ce qu’un jour ou l’autre, on me brandisse en pleine face les Protocoles des sages de Sion au titre de preuve irréfutable. J’ai peur, au train où vont les choses, de ne pas avoir à attendre très longtemps.

Eric Laurent a en tous cas récidivé et vient de publier un nouveau brûlot sur les attentats de 2001. Bien évidemment, Thierry Ardisson l’a aussitôt invité à « Tout le monde en parle ». Tout aussi sûr, Laurent s’est livré à une variation sur le thème : la main du Mossad israélien est partout visible dans ce qui ne fut qu’une gigantesque machination américano-sioniste, avec l’abominable Bush comme instigateur et, dans le rôle des metteurs en scène, quelques néo-conservateurs au nez et aux doigts crochus. Suivez mon regard, même si cette théorie est assurément démente, qu’il suffit de connaître un peu les faits pour s’en dissuader et qu’il est tout aussi déraisonnable, que la France médiatique adoptât ce délire comme parole d’Evangile. Le livre de Laurent cependant se vend bien. Il sera bientôt en tête de la liste des best-sellers, en tous cas il en prend le chemin. Et cela n’a rien de surprenant : Il ne se passe pas un jour en France sans que la plupart des grands médias d’information ne mettent Israël en accusation. Et maintenant qu’Arafat, l’ « ami de la France » comme dit Jacques Chirac, le « président démocratiquement élu du peuple palestinien » comme dit Michel Barnier, est hospitalisé en France, Leila Shahid dispose chaque jour d’un minimum de trois minutes dans chaque journal télévisé pour disséminer les thèses de l’OLP et traîner Israël dans la boue.

La seconde rencontre fut celle d’un couple d’avocats new-yorkais, selon les apparences à l’abri du besoin. La femme arborait un badge : « Lawyers for Kerry » (Avocats pour Kerry). L’homme un autre badge : « Jews for Kerry » (Juifs pour Kerry). Ils étaient, me dirent-ils, juifs et fiers de l’être, Démocrates et fiers de l’être aussi. Le seul nom de Bush leur faisait venir aux lèvres un rictus témoin de leur révulsion. Ils sont repartis dédaigneusement, me disant que mes idées étaient « dégoûtantes » (disgusting), qu’ils haïssaient Bush, et que Bush était le pire antisémite qu’ils aient connu durant leur existence.

Je n’ai pas pu leur répondre. Je n’ai pas pu me situer avec eux sur le terrain des faits et de la logique. Je ne les place pas sur le même plan que les conspirationnistes français, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’ils ont certains points en commun avec eux. Comme les conspirationnistes français, ils semblent inaccessibles à la rationalité. Leurs certitudes sont ancrées comme autant de croyances et qui ne les partage pas est nécessairement un ennemi immoral. Comme les conspirationnistes français, ils voient des mensonges, des complots, des vérités occultes chez leurs adversaires. Force m’est de dire, que la plupart des Démocrates que j’ai pu rencontrer aux Etats-Unis ou en Europe, au cours des six derniers mois, présentaient des similitudes avec ce couple d’avocats. En rage. Pleins d’animosité. Sans cohérence. Lors de la convention démocrate à Boston, le mot d’ordre était, pour ceux qui se trouvaient à l’intérieur de l’enceinte officielle : pas de vagues, pas de propos excessifs, patriotisme ! A l’extérieur de l’enceinte officielle, dans les salles de réunions des hôtels de la ville, l’atmosphère était très différente : tonitruante, excessive, furieuse. Ces trois adjectifs peuvent tout aussi bien décrire les foules anti-Bush réunies un mois plus tard à New York aux alentours du Madison Square Garden lors de la convention républicaine.

Nous vivons pourtant objectivement dans un monde excessivement dangereux. La Corée du Nord dispose d’armes nucléaires et Kim Jong Il présente les caractéristiques du dictateur fou et prêt à tout pour survivre. Dans la même région, la Chine se développe économiquement mais continue à fonctionner politiquement comme un régime autoritaire, impitoyable, pour qui l’armée reste une priorité absolue. L’islam radical monte en Indonésie et en Malaisie. Le Pakistan est une poudrière prête à exploser. En Afghanistan, la liberté a fait de grands pas en avant, mais la situation reste précaire. Les résidus d’al Qaida se terrent dans les zones tribales, autour d’un Bin Laden, placé dans l’incapacité de se déplacer et de communiquer directement vers l’extérieur, mais toujours vivant et toujours à même, comme on l’a vu, de diffuser des cassettes audio ou vidéo sulfureuses. L’Iran des mollahs cherche à se doter de l’arme atomique et en disposera, dans quelques mois, si nul n’agit avec résolution. En Irak, la situation s’apaise peu à peu, un assaut se prépare contre les derniers bastions terroristes à Falloujah et Samarra mais rien n’est définitivement acquis là encore. Grâce à la construction de la barrière de sécurité, les attentats de suicidaires arafatiens et islamistes fanatisés ont fortement diminué en Israël. Lorsque la barrière sera achevée, ils seront devenus presque impossibles mais la situation de crise ne sera pas réglée.

Si l’Iran se nucléarise, si l’Irak devient un bourbier, ce qu’il n’est pas aujourd’hui, si les islamistes voient la pression exercée sur eux se relâcher, le pire est à craindre. Que dans ce monde excessivement dangereux, de nombreuses personnes en France en soient encore, comme ce sexagénaire rencontré dimanche, comme Eric Laurent ou Thierry Ardisson, à agiter des théories du complot américano-sioniste me semble tout à la fois stupide, dangereux et suicidaire. Un vieux proverbe chinois datant de bien longtemps avant le communisme dit : « Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ». Je n’irai pas jusqu’à dire que, tandis que les dirigeants israéliens et américains essaient de montrer le danger islamo-terroriste aux Français, ceux-ci regardent le doigt israélo-américain et l’accusent de tous les maux, tout en évitant soigneusement de regarder le danger islamo-terroriste, mais je ne serais pas loin de le penser. Qu’il s’agisse de bêtise pure, comme dans le proverbe chinois, de calculs sombres et myopes ou, plus trivialement, d’une volonté de se suicider, je suis incapable de le dire.

Que dans ce même monde, de nombreux Démocrates américains trépignent de rage en pensant à Bush, que les candidats constituant le ticket démocrate pour la présidence changent de discours chaque semaine, concernant l’Irak et le terrorisme, me semble préoccupant et consternant.

Il y a des explications au trépignement démocrate. Les Démocrates se sont auto persuadés, malgré toutes les analyses et les enquêtes réalisées, qu’on leur avait « volé » l’élection de 2000. Ils se sont auto persuadés que Bush avait menti sur tout, qu’il menait la guerre pour le pétrole ou, poussé par le lobby ultra sioniste, pour faire plaisir à Israël. Ils pensent même que Bush veut confisquer la démocratie américaine.

Ils pensent aussi qu’il n’aurait pas fallu renverser Saddam Hussein, que l’Onu, qui a organisé la conférence antisémite de Durban et qui a voté voici quelques années une motion disant que le sionisme est un racisme, est la source légitime du droit international.

Il y a des raisons au trépignement démocrate, certes. Ou plus exactement des explications, des circonstances atténuantes. Mais tant que les Démocrates n’auront pas cessé de regarder le doigt de Bush plutôt que la réalité du terrorisme islamique, tant qu’ils n’auront pas vu le danger qu’incarnait Saddam Hussein, tant qu’ils n’auront pas compris que nous sommes en situation d’affrontement avec un nouveau totalitarisme fanatique, tant qu’ils choisiront pour candidat des hommes qui ne comprennent pas que ce nouveau totalitarisme nous place dans une dialectique de guerre mondiale, des hommes qui ne comprennent pas qu’Israël fait face à l’un des pans de ce nouveau totalitarisme, des hommes qui pensent que les Etats-Unis peuvent se rapprocher de l’Onu, lui faire confiance et renouer des liens proches avec la France, qui s’obstine à ne pas voir le danger islamo-terroriste, ils mériteront d’être battus, très démocratiquement, comme ils le seront vraisemblablement ce soir.

Que des juifs new-yorkais, comme le couple plus haut cité, ne voient pas les réels dangers qui pèsent sur la planète aujourd’hui et s’en prennent, avec des mots excessifs, à celui qui mène le combat contre lesdits dangers ne me surprend guère. « The loony left exists everywhere  », me disait voici peu David Frum. La gauche folle existe partout. Que 70% des juifs américains s’apprêtent à voter Kerry me surprend davantage, comme cela surprend mes amis David Horowitz et Daniel Pipes. Même des Démocrates endurcis tels Ed Koch, ancien maire de New York, disent que cette fois, l’enjeu est trop important et qu’il faut un homme lucide à la Maison Blanche… La population israélienne, qui est en première ligne voterait, elle, si elle le pouvait, à 70% pour Bush, selon les sondages. Quand on fait face au danger concret et qu’on risquevraiment pour sa vie, on regarde le danger, on ne regarde pas avec récrimination le doigt qui montre le danger et qui le pointe pour le faire reculer.

Jamais les Etats-Unis n’ont changé de commandant en chef au milieu d’une guerre, si l’on excepte le Vietnam, et la guerre contre le terrorisme n’est pas la guerre du Vietnam, j’y reviendrai ultérieurement. Jamais les Etats-Unis n’ont élu un homme indécis et sans plan précis en temps de guerre. Jamais, surtout, les Etats-Unis n’ont élu Président un homme qui a le passé de Kerry : quatre mois au combat suivis de plus de deux années d’action pacifiste, parfois violente et de témoignages gravement diffamatoires contre l’armée américaine, opérés en temps de guerre, et de rencontres avec l’ennemi (le Vietcong et le Nord Vietnam à Paris en 1970 et 1971). Vingt ans passés au Sénat et, parmi des centaines de votes, un seul en faveur d’une action défensive américaine. Un seul.

Si Kerry était élu, une page majeure de l’histoire des Etats-Unis serait tournée : ce serait une défaite pour les valeurs de l’Amérique et pour l’Amérique profonde et une victoire pour l’Amérique de la gauche folle. Ce serait une défaite pour les alliés des Etats-Unis dans la guerre contre le terrorisme : Tony Blair, le gouvernement italien, le gouvernement polonais, le gouvernement japonais, Israël aussi, et de nombreux autres bien évidemment. Ce serait une victoire pour Chirac, Arafat, Bin Laden, Zarqawi, les mollahs iraniens, Kim Jong Il. Ce serait une défaite pour le gouvernement provisoire irakien et Iyad Allawi, que Kerry a traité voici peu de « marionnette ». Je ne puis me résoudre à l’imaginer. Je me pose juste une question : Comment les Démocrates font-ils pour choisir d’aussi mauvais candidats ? En ce cas, un examen de conscience s’impose d’urgence aux Démocrates, et le thème est tout trouvé : comment en sommes-nous arrivés là ?

Si de la victoire probable de Bush pouvait sortir un parti démocrate remis sur pieds et recentré, ce serait très bien. Si, entre temps, Bush a pu infliger au terrorisme islamiste des défaites majeures rendant le monde en général et le Proche-Orient en particulier plus habitables, ce sera presque parfait.



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