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Point de vue de Francine Kaufmann
Primo
Article mis en ligne le 8 janvier 2009

Chers amis dont certains ont pris la peine de m’exprimer leur solidarité en ces jours difficiles. Je voudrais vous faire part de mon regard sur le conflit actuel, soit pour vous informer, soit pour vous permettre de dire àvos propres amis et connaissances ce qu’une Israélienne éprouve en cette période si cruelle. Je fais partie des Israéliens qui croient que la seule solution au conflit dans la région réside dans une négociation politique courageuse avec des concessions douloureuses des deux parties. J’appelle de mes vÅ“ux la création d’un Etat palestinien qui accepterait l’existence de l’Etat d’Israë l àses côtés.

Cela permettrait au peuple palestinien de vivre dans la dignité et l’indépendance. Je n’ai aucune confiance dans une action militaire (qui ne peut avoir que des résultats partiels avec des effets parallèles catastrophiques).

Je suis fermement opposée àtoute punition collective. Je crois que le peuple juif possède une tradition éthique qui exige de lui un comportement moral particulièrement exigeant.

Cela dit, je vis ici et m’informe au quotidien et je sais bien que nous avions atteint un point de non retour et qu’il fallait que l’armée entre en action : face aux tirs permanents de missiles sur des villes et villages, avec des portées sans cesse croissantes (aujourd’hui un rayon de 40 kms), de plus en plus d’Israéliens avaient perdu confiance dans leur Etat et disaient àvoix haute que nos dirigeants les avaient abandonnés àleur triste sort.

Le sud d’Israë l se sentait sacrifié pour que le centre et le nord puissent prospérer et vivre normalement. Depuis huit ans, les jardins d’enfants, les écoles et les institutions d’enseignement supérieur du sud du pays ne peuvent plus étudier normalement, les affaires tournent au ralenti ou ferment, les récoltes pourrissent sur pied faute de pouvoir être traitées de manière régulière.

Quand elles en ont la possibilité, des familles entières quittent le pays pour ne plus vivre dans l’angoisse quotidienne de devoir fonctionner entre deux alertes. Mais les prix des appartements ont tellement chuté que les habitants les plus pauvres ne peuvent trouver acheteur ou locataire pour choisir de vivre ailleurs, làoù ils seraient plus àl’abri.

Les traumatismes sont profonds et irréversibles (énurésie, cauchemars, états de choc devenus permanents).

Les abris d’il y a dix ans (déjàen nombre insuffisant) ne sont pas adaptés aux perfectionnements technologiques des missiles « Grad ». Circuler dans la rue (trottoir et chaussée) est devenu un risque que beaucoup ne peuvent pas courir et handicapés, personnes âgées restent murés chez eux àproximité d’un abri ou d’une chambre protégée s’ils en ont une.

Ce sont des bénévoles venus de tout le pays qui se mobilisent pour faire leurs courses et s’occuper d’eux, entre deux alertes, ou pour offrir une animation aux enfants et adolescents terrés des jours durant dans les abris.

Et pourtant, il est difficile de faire comprendre cette situation aux téléspectateurs de l’étranger, face aux terribles images qui viennent de Gaza. On leur dit que les Israéliens sont « soudain » devenus fous et se livrent àun massacre programmé de la population. On ose parler de Shoa ! On parle de réaction « disproportionnée ».

Lorsque du côté israélien des missiles détruisent tout (maisons, voitures, animaux dans les fermes, routes, jardins d’enfants) mais qu’il n’y a pas de « victimes » parce qu’une grande partie des habitants vivent une partie du temps (et depuis des années) dans leurs familles ou chez des amis plus au nord d’Israë l, ou parce qu’ils n’étaient pas momentanément sur place, que les conducteurs d’autobus et de taxis ont accéléré en début d’alerte et poussé leurs passagers vers le premier abri, leur véhicule explosant ou les vitres et les portes volant en éclat quelques secondes àpeine après la chute du missile... peut-on mesurer la peur, la cruauté, la souffrance des uns et des autres ?

Qui peut nous donner des leçons sur la meilleure manière de défendre une population civile contre un ennemi qui considère que notre seule existence en tant qu’Etat juif est une « occupation », une infraction aux lois de l’Islam qui veut qu’un territoire ayant appartenu aux musulmans (« Dar el islam ») ne puisse plus être souillé par un régime non musulman : le ’hamas ne peut se contenter de rien moins que de la disparition de l’Etat d’Israë l (sa charte est claire àce sujet, ainsi que les déclarations de ses dirigeants).

Que nous ayons évacué militairement la bande de Gaza ainsi que les localités juives de la région (avec leurs habitants) depuis des années n’a servi àrien.

Toute aide humanitaire d’Israë l aux populations civiles de Gaza n’est pas rapportée. La confiscation des fonds internationaux destinée àla population au profit de la classe dirigeante du ’hamas est passée sous silence. Les bénéfices rapportés par les tunnels de contrebande creusés depuis plus d’une dizaine d’années (et non depuis le début du siège israélien en septembre 2008) rapportent des millions aux trafiquants d’armes et de biens...

Israë l est un pays tenu par le droit international et par son éthique àrespecter les règles de la guerre : ses soldats sont en uniforme et concentrés dans des bases militaires. A part de terribles erreurs de tir (dont nos propres soldats sont souvent aussi victimes), l’armée israélienne met un point d’honneur àdistinguer combattants armés et civils.

Le ’hamas est une organisation protéiforme, sans foi ni loi, qui utilise le terrorisme pour désorganiser la vie quotidienne des civils de la société dont ils veulent la perte : ses combattants sont en civil et vivent délibérément mêlés aux civils. Ils n’hésitent pas (nous en avons souvent la preuve) àutiliser hôpitaux, ambulances, mosquées, écoles pour y entreposer armes, quartier général, sachant qu’ils placent ainsi Israë l devant des choix impossibles : respecter le droit d’asile ou se défendre en attaquant des lieux symboliquement marqués.

Je ne suis pas très optimiste pour la suite des combats car j’ai peu d’illusions sur le sort des armes. Mais je ne suis pas suicidaire et je suis certaine de notre bon droit. Nous ne pouvions pas rester plus longtemps les bras croisés face aux attaques quotidiennes de fanatiques prêts àmourir en martyrs pour que leur vision de l’islam triomphe...

S’ils prennent en otage leur propre population, cela ne doit pas nous empêcher, après tant d’années de mises en garde, de tenter d’affaiblir leur puissance de tir et leur conviction qu’ils l’emporteront contre not re Etat réduit àl’impuissance par des considérations éthiques.

Prendre les armes pour se défendre implique d’être prêts àmourir mais aussi àtuer d’autres êtres humains et àdétruire leur environnement. C’est le prix àpayer pour ne pas nous laisser peu àpeu détruire.
Puisse Dieu nous protéger et puisse la communauté internationale comprendre les enjeux véritables de cette lutte « disproportionnée » parce que la désinformation présente les agresseurs comme des victimes innocentes et les agressés (qui ont choisi de se défendre par les armes) comme des génocidaires.

Demain, je pars enseigner àl’université sans savoir qui de mes étudiants ou de mes collègues sera mobilisé ou absent parce que la circulation est impossible.

Bien àvous
Francine Kaufmann
Professeur àl’Université de Bar Ilan