L’affaire du « mur des cons » constitue un indice extrêmement important sur le plan de la compréhension du phénomène du nouvel antisémitisme et notamment à ses débuts, qui remontent au tournant du troisième millénaire. Elle permet de corroborer des hypothèses qui avaient été émises au plus fort de sa montée en puissance.
En
quête d’une explication, nous
avions alors avancé (et Clément Weill Raynal fut de ceux-là[2]),
que la source de ce
discours, pour tous les organes de presse, pouvait remonter jusqu’à la
principale agence d’information, l’Agence France Presse, elle même en
rapport
étroit avec le Quai d’Orsay - et donc la politique d’Etat
pro-arabe du régime chiraquien – mais aussi dépendante de ses
principaux
clients, les pays arabes.
La
chose fut illustrée par de
nombreux exemples. Je me souviens notamment comment l’AFP réécrivait
les
discours de Yasser Arafat pour les rendre plus « politiquement
corrects »,
comment elle ne rapportait que la version palestinienne des faits, et
quelques
scandales de fausses nouvelles ou de photos truquées, etc…
Penser
de telles choses
constituait un choc profond pour nos âmes respectueuses de l’ordre
public, des
conventions de vérité et de l’honnèteté
intellectuelle. Plusieurs entreprises militantes avaient tenté alors de
rectifier les choses par l’analyse, la réinformation,
l’évidence des faits. On peut dire aujourd’hui qu’elles ont échoué à se
faire
entendre que le plan du grand publics. Le
pot de terre
contre le pot de fer ! Aujourd’hui, au terme de dix ans de ce
régime, une
version fabriquée de la réalité s’est installée dans les esprits au
point que
l’on ne peut même plus la contester sur la scène publique tant elle a
occulté
la réalité des faits et passe pour la vérité, à commencer dans les
cadres
universitaires.
L’affaire
du mur des cons
ajoute un nouvel élément de compréhension. Elle prouve de façon
irréfutable que
des groupes corporatifs, en l’occurrence la classe journalistique, à
laquelle
on peut rajouter le cercle des célébrités que l’on retrouve de plateau
télévisé
en plateau, et la classe juridique sont mues par des idéologies, ont un
agenda
politique et pratiquent la mise au ban d’une catégorie de personnalités
et
d’opinions, sous le couvert grandiloquent de la liberté d’expression,
de la
morale et de la justice républicaine. Ces milieux professionnels,
censés être
au service du public partagent le privilège de n’être contrôlés et
évalués par
aucune instance. Ils ne sont pas élus. Ce sont de véritables
corporations qui
cultivent et assènent une version partisane de la réalité ou jugent en
fonction
d’elle : elles font régner en leur sein une doctrine officielle[3]
qui sanctionne tout
contrevenant externe bien sûr mais surtout pouvant venir de ses rangs,
ce qui
se passe avec Clément Weill Raynal.
Du
coup, le discours dominant
sur les Juifs et sur Israël, principale source de l’animosité envers
les Juifs
tout court, prend une autre portée, bien plus grave. Il apparaît être
structurel, identifié à des pouvoirs. Ainsi s’expliquent l’immense
difficulté
des acteurs publics, dès les années 2000, à reconnaître et combattre
pour ce
qu’il est le nouvel antisémitisme, l’inimitié de principe dans les
médias
publics envers les affaires juives et israéliennes, le classement sans
suite de
nombreuses affaires d’antisémitisme, la complaisance envers des
discours
provocateurs, la diffusion de documents militants, la censure des
opinions et
des personnes qui sont hors du « mainstream »,
la permanence d’un discours d’inimitié envers les Juifs et Israël dans
les
médias...
La
société qui accueille de
tels dévoiements s’avère profondément malade et rend possible tous les
aventurismes politiques. J’ai avancé l’idée[4]
que ces deux corporations,
en compagnie de deux autres, le milieu académique et la finance
internationale,
étaient les principaux foyers d’une idéologie aujourd’hui dominante, le
post-modernisme, adepte d’une version utopique de la démocratie qui
consacre le
déclin de la nation et des droits des citoyens au profit d’un usage
dévoyé des
droits de l’homme, qui promeut la démocratie participative en lieu et
place de
la démocratie représentative, qui oppose la gouvernance au
gouvernement, le
multiculturalisme à la nation, et dont l’ambition va jusqu’à mettre en
œuvre une
nouvelle doctrine de la condition humaine (à travers la théorie des
genres).
Ces corporations agissent, à partir de leur position de pouvoir
incontrôlée, à la
façon de « raids » lancés sur le domaine public en vue de sa destabilisation : « enquêtes
d’investigation », « mises en examen »,
« sondages »
sont les armes de cette stratégie.
Le
présent blog tient la
chronique de de cette décomposition
sociale et
politique, plus spécialement pour ce qui concerne la condition juive.
Le nouvel
antisémitisme fut « le canari dans la mine » d’une crise qui
s’avère
concerner le régime démocratique, spécialement dans l’Union Européenne
et qui
annonce des lendemains qui déchantent.
[1] On peut
retrouver la chronique au fil des ans dans les publications de
l’Observatoire
du monde juif (http://obs.monde.juif.free.fr) et de la revue Controverses (controverses.fr). Cf. notamment
Bulletin de l’Observatoire du monde juif,
n° 2, mars 2002, « Les agences de presse et la couverture de la
deuxième
intifada. Déontologie journalistique et choix idéologiques face à
Israël », http://obs.monde.juif.free.fr/pdf/omj02.pdf
[2] C. Weill Raynal,
« L’agence France Presse, le récit contre les faits », http://obs.monde.juif.free.fr/pdf/omj02.pdf
[3] C’est
plutôt comique de voir le
Syndicat National des Journalistes-CGT et France Télévisions
condamner la divulgation du mur des cons par Clément Weill Raynal ("vol
d’images" !) alors
que le pseudo « journalisme d’investigation » pratiqué par la
corporation ne cesse de dénoncer, mettre en cause, dévoiler, sans doute
avec la
connivence des milieux judiciaires, des éléments couverts par le secret
d’instruction.
La
pratique de l’accusation publique, de la dénonciation d’individus est
devenu le
nec plus ultra du
« journalisme ». On comprend ainsi comment le syndicat des
journalistes vient à la rescousse du syndicat de la magistrature,
responsable
du « mur des cons ».
[4] Cf. La nouvelle idéologie dominante, le
post-modernisme, Editions Hermann,
2012, où l’on
trouvera une analyse du modèle de pensée et d’action de cette
domination qui se
présente sous une forme libertaire et dans le déni d’une volonté de
puissance,
bien au contraire : de libération.