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Le commerce des armes entre droit et morale
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste des universités
Article mis en ligne le 14 juin 2012

Israël, comme un certain nombre de pays dans le monde, se livre, comme le lui permet le droit international, au commerce des armes, sans que cela ne pose, apparemment, de problèmes au regard de la morale internationale. Il n’en est pas de même, à l’heure actuelle, de la Russie à laquelle les Etats-Unis ont, récemment, à nouveau reproché de fournir des armes au gouvernement syrien, ce qui alimente la spirale de la violence dans le pays.

Si les conflits internationaux ont, de nos jours, heureusement, pratiquement disparu, à quelques exceptions près (le conflit israélo-arabe ou plutôt, bien que l’expression soit moins usitée, le conflit arabo-israélien en est une illustration), il n’en est pas de même des conflits d’ordre interne, car les tensions sont fréquentes dans bon nombre de pays et sont de nature à se transformer en guerres civiles, dans lesquelles des Etats étrangers sont tentés d’intervenir.

Ces conflits ne manquent pas d’être alimentés par le commerce des armes que le droit international n’a, pour l’instant, pas réussi à réglementer, au plan mondial du moins.

Certes, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la société internationale a pu, pratiquement, empêcher le commerce des armes de destruction massive (armes atomiques, bactériologiques et chimiques) voire même arrêter leur production en adoptant des conventions, dans l’ensemble largement respectées (l’Iran en étant l’illustration d’une exception), il n’en est pas de même du commerce relatif aux armes conventionnelles.

Certes, dans les prochaines semaines, à l’initiative de l’Assemblée générale des Nations Unies, qui a adopté une résolution en ce sens, en décembre 2009, une conférence internationale devrait s’ouvrir le 2 juillet prochain à New York.

Mais, il n’est pas certain (et c’est un euphémisme) que cette conférence diplomatique aboutisse à un résultat concret.

Même si une convention internationale devait être adoptée, voire signée par un grand nombre de pays, il n’est pas acquis que les principaux « marchands d’armes » du monde acceptent de se soumettre à une telle réglementation.

Or, en l’absence d’une réglementation internationale, rien ne s’oppose à ce que les armes fassent l’objet d’une commerce au même titre que d’autres produits.

Cela ne veut pas dire pour autant que l’anarchie prévaut dans ce domaine.

En effet, un certain nombre de pays ont instauré une réglementation nationale, qui permet aux autorités publiques de contrôler les flux d’armes.

Ainsi, en France une Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), permet de soumettre, en principe, le commerce des armes aux impératifs de la politique étrangère définie par le gouvernement.

Mais, comme l’affaire des « vedettes de Cherbourg » l’a prouvé, en 1969, le « filtrage » des exportations d’armes depuis la France n’est pas étanche (encore que dans l’affaire en question la France s’était engagée à l’égard d’Israël avant sa décision d’imposer un embargo des livraisons d’armes à l’égard de ce pays).

Il existe un contrôle analogue en Israël.

Ainsi, d’après La Tribune , pour la première fois, le ministère israélien de la Défense a levé, récemment, une partie du mystère qui entoure les exportations d’armes. En 2011, le département chargé d’examiner les demandes d’entreprises pour la ventes de matériel militaire a délivré 8.000 licences de ventes destinées à un total de 130 pays, dont les noms n’ont toutefois pas été divulgués et pas moins de 94 % des demandes de ventes à l’étranger ont été approuvées. Seuls 43 cas « litigieux » ont été recensés.

A côté de ces réglementations nationales, il y a, également, parfois, des contraintes internationales.

Tout d’abord, pour faire face à certaines situations de nature porter atteinte à la paix et à la sécurité internationales, le Conseil de sécurité des Nations Unies peut décider un embargo sur les livraisons d’armes à destination de certains pays et tous les Etats membres de l’Organisation sont tenus de s’y conformer.

Fort judicieusement, le Conseil a, fréquemment, considéré que la situation interne – et pas seulement une tension entre pays – était de nature à menacer la paix et la sécurité internationales et cette menace existe également lorsque le pouvoir, dans un pays, porte atteinte au respect des droits de l’homme.

Encore faut-il qu’il y ait, au moins un consensus entre les membres permanents du Conseil de sécurité, de manière à ce qu’aucun d’entre eux ne s’oppose par l’exercice de son droit de veto à l’adoption d’une telle décision.

Cela a été possible, l’année dernière dans le cas de la Libye.

Mais, cela ne l’a pas été, pour l’instant, dans le cas de la Syrie, à laquelle la Russie et la Chine apportent leur soutien.

D’une part, ces deux pays craignent que cela ne confirme un précédent de nature à les « menacer » par la suite, en cas de persistance de tensions, au Tibet par exemple, en ce qui concerne la Chine ou dans telle ou telle partie de la Russie.

D’autre part, et c’est notamment, le cas de la Russie à propos de la Syrie, le commerce des armes constitue une ressource importante, la Russie étant le principal fournisseur d’armes dans le monde (à hauteur de 31%), suivie de près par les Etats-Unis (30%).

Par ailleurs, il existe, parfois, une réglementation internationale, sur le plan régional.

C’est le cas de l’Union européenne, où, dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), une « position commune », a été adoptée en 2008, donnant valeur contraignante à un Code de conduite européen en matière d’exportation des armements, mis au point en 1998.

Ce code prend en compte un certain nombre de critères, parmi les lesquels figurent le respect des droits de l’homme, la préservation de la paix et la sécurité régionales, le comportement à l’égard de la communauté internationale (lutte contre le terrorisme par exemple), le souci de ne pas provoquer ou prolonger des conflits ou des tensions internes, ainsi que la prise en compte de la capacité économique des pays destinataires.

Le contrôle exercé par les instances communautaires empêche un dévoiement dans le flux des échanges commerciaux.

Mais dans un monde, qui repose, encore, sur le principe de la souveraineté des Etats, encore faut-il que ceux-ci acceptent soit de s’auto-limiter, soit d’accepter une réglementation internationale.

Et rien ne peut les y contraindre, comme le montre l’attitude actuelle de la Russie, dans le cas de la situation en Syrie.



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