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Israël, le droit d’exister
Elie Barnavi. Ancien ambassadeur d’Israël à Paris Professeur à l’Université de Tel-Aviv - La Libre Belgique 2006
Article mis en ligne le 10 août 2006

Non, le sionisme n’est pas une doctrine raciste. Oui, l’Etat d’Israël a le droit de vivre. Mise au point. Avec un peu de retard, je viens de lire dans « La Libre Belgique » un texte d’un certain Nico Hirtt (« C’est le sionisme qui mène à la guerre », LLB 25/07). Pourquoi un journal respectable accepte-t-il d’accueillir de telles choses dans ses colonnes ? Au nom de la liberté d’expression, je suppose. Mais aurait-il publié une « opinion » appelant au renouvellement de la traite des Noirs, par exemple ? Probablement non. On a beau vouloir « susciter le débat », il est évident qu’il y a des limites que la liberté elle-même ne saurait franchir. Par exemple appeler ouvertement à l’annihilation d’un membre de la communauté des nations.

Pour en revenir à Hirtt, je dois avouer que le bonhomme a réussi à m’étonner. En habitué de ce genre de prose, je m’estimais cuirassé contre les mauvaises surprises. Je me trompais : son pamphlet dépasse tout ce que j’ai pu lire jusque-là en Europe. On m’a pressé de toutes parts d’y répondre, ce à quoi je me suis refusé : on ne « répond » pas à ce niveau. En revanche, j’ai accédé volontiers à la demande de « La Libre Belgique » de reprendre un article publié dans « Libération » à la veille de la fameuse conférence de Durban. Ce texte était, à sa manière, prémonitoire : Durban n’aura été qu’un festival de haine anti-israélienne et antisémite, l’arène où triomphèrent le racisme et la xénophobie que la conférence était censée terrasser. Cinq ans plus tard, il me paraît être toujours d’une effarante actualité. Le contexte est différent ; l’hystérie est la même, et la haine, et la « bêtise à front de taureau ».

Bruxelles, 3 août 2006

En novembre 1975, l’Assemblée générale de l’Onu adoptait une résolution assimilant le sionisme à une forme de discrimination raciale. Ce faisant, elle oubliait que l’Etat d’Israël, enfanté par cette même idéologie qu’elle vouait désormais aux gémonies, avait été naguère fondé en vertu d’une autre de ses résolutions. Seize ans plus tard, elle abrogeait la résolution de 1975. Le sionisme avait-il changé de nature ? L’Assemblée générale s’était-elle livrée à un examen de conscience ? Ni ceci ni cela. Simplement, les rapports de force en son sein avaient changé, et, le processus de paix enfin lancé, l’atmosphère aussi

La Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance de l’Onu doit se réunir à Durban du 31 août au 4 septembre . Evénement de portée considérable, ce rassemblement est censé établir à l’échelle de la planète, dans un grand élan de fraternité humaine, une stratégie de lutte contre l’un des fléaux les plus dégradants et destructeurs que l’homme ait imaginé pour humilier et exploiter son semblable. Hélas, la Conférence est mal partie. N’ayant apparemment rien appris de la farce lamentable de 1975, les Etats arabes et leurs alliés de l’OCI (Organisation de la conférence islamique) entendent remettre ça

Voici dix vérités simples, de quoi nourrir la réflexion de ceux qui s’apprêtent à prendre le chemin de Durban et de leurs mandants :

1. Le sionisme est le mouvement national du peuple juif. Nourri par une mémoire millénaire, inspiré par le mouvement des nationalités du XIXe siècle, rendu incontournable par le génocide nazi et porté sur les fonts baptismaux par les Nations unies, le sionisme aspirait légitimement à créer un Etat-nation pour le peuple juif sur la terre qui a vu naître ce peuple. Ce qu’il a fait.

2. Ce faisant, il s’est trouvé en butte à des nationalismes concurrents, arabe d’abord, puis palestinien. Aussi bien, le conflit du Proche-Orient est un conflit national, au même titre que tant d’autres conflits nationaux qui ensanglantent notre planète. Dans chacun de ces conflits nationaux, il y a fatalement une part plus ou moins importante d’ethnocentrisme et de xénophobie. Chacun appréciera, en fonction de ses propres préférences idéologiques, de ses sympathies et de ses antipathies, la part d’ethnocentrisme et de xénophobie chez les uns et les autres dans la guerre qui déchire le Proche-Orient. Mais nul n’a le droit de dénaturer l’essence de ce conflit.

3. Stricto sensu, le racisme est une doctrine de hiérarchisation des groupes humains en fonction de caractères génétiques indélébiles. Ainsi défini, il est aux antipodes du sionisme, doctrine héritière pour l’essentiel, François Furet l’a montré en son temps, de la Révolution française interprétée par le populisme russe.

4. L’Holocauste est et doit rester dans ce qu’il a de particulier le symbole de l’horreur humaine dans ce qu’elle peut avoir d’universel. Le mettre au pluriel et le priver de capitale (« holocaustes ») n’est pas seulement un déni de justice et une insulte insupportable à la mémoire des victimes ; c’est aussi une éclipse de l’intelligence des phénomènes historiques et un affaiblissement dangereux des défenses immunitaires de l’humanité. Les mots comptent. Si CRS = SS, il n’y a plus de SS ; si une baffe donnée dans un commissariat est du fascisme, alors il n’y a plus de fascisme ; si chaque accrochage en Cisjordanie s’apparente à un génocide, alors il n’y a plus de génocide.

5. Il n’y a ni Apartheid ni nettoyage ethnique en Israël. Pas de plages séparées, ni de cinémas exclusifs, ni de places réservées à l’arrière des autobus. Les citoyens y votent selon le principe « one man one vote ». Il y a des généraux druzes, des Arabes siègent au gouvernement, à la Knesset et à la Cour suprême. On a honte de rappeler ces évidences, mais certains mots, employés à tort et à travers, n’ont plus de sens, hélas ! Est-ce à dire qu’Israël est un paradis des droits de l’homme ? Non, bien sûr. Comme partout dans le monde, du chemin reste à faire. Mais de grâce, qu’on nous épargne à Durban les souvenirs sud-africains.

6. Si le conflit du Proche-Orient n’a rien à faire à Durban, l’antisémitisme y a, lui, toute sa place. On ne m’en voudra pas de rappeler ici ce qui ne devrait plus avoir besoin d’être rappelé : inventé à la fin des années 1870 par le publiciste allemand antijuif Wilhelm Marr, antisémitisme ne signifie point je ne sais quelle hostilité contre les Sémites, mais la haine des seuls juifs. Dans cette acception raciale, l’antisémitisme est donc une invention occidentale moderne - le vieil antijudaïsme chrétien, dûment laïcisé.

Introduits dans le monde arabe à la faveur du colonialisme et exacerbés par la guerre israélo-arabe, l’antisémitisme et son frère siamois le négationnisme sont devenus avec ces derniers troubles des armes de guerre d’un usage quotidien d’une effrayante banalité

7. Le sort des Palestiniens n’est pas enviable (celui des Israéliens non plus, soit dit en passant). Mais de la Tchétchénie à la Macédoine en passant par le Timor-Oriental et le Soudan, des conflits autrement sanglants ne bénéficient guère des honneurs de la Conférence mondiale contre ceci, cela et le reste - toutes guerres, pourtant, dont les fleurs vénéneuses fleurissent en toute impunité internationale. La tentative de singulariser Israël, dans cette arène internationale comme dans tant d’autres, constitue un scandale moral.

8. La diabolisation de l’Etat d’Israël est non seulement moralement inacceptable ; elle est aussi politiquement absurde, du moins si l’on entend toujours faire la paix avec cet Etat. En effet, on ne traite pas avec le diable, on le combat jusqu’à ce que la lumière ait raison des ténèbres.

9. La diabolisation de l’Etat d’Israël et la mise au pilori de l’idéologie qui l’a fondé constitueraient un véritable assaut non seulement contre cet Etat, mais contre le peuple juif tout entier. Des juifs, je le sais, trouveront cette affirmation abusive. Libres à eux de s’en désolidariser ; mais, au-delà des pétitions de principe, je les mets au défi de me prouver qu’elle est fausse.

10. Tout cela ne veut évidemment pas dire que la critique politique du gouvernement d’Israël soit interdite à quiconque, juif ou non juif, et que toute critique du gouvernement d’Israël s’apparente à l’antisémitisme. Mais, comme en 1975 à New York, ce qui est en question vingt-six ans plus tard à Durban n’est pas telle ou telle politique de telle ou telle équipe au pouvoir à Jérusalem, mais la légitimité même et l’assise morale de la nation israélienne.

Pour conclure, l’objet de la Conférence de Durban est et doit rester la lutte contre le racisme. Son détournement serait pire qu’un crime, une faute politique majeure.



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