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Israël et la situation politique libanaise
par David Ruzié, professeur émérite des universités et spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 27 mars 2008

A première vue, on ne voit pas en quoi Israël, certes voisin du Liban, est concerné par la crise politique, qui agite ce pays depuis plus d’un an et qui a conduit à la tenue d’une réunion au sommet de la Ligue arabe, le week-end prochain, à Damas.

Avant de répondre à cette question, il n’est pas inutile de rappeler les divers éléments du problème principalement marqué, par l’absence de chef d’Etat au Liban, depuis le mois de novembre 2007.

Tout d’abord, on s’étonnera que ce Sommet se tienne à Damas, alors que la Syrie est la principale responsable de la persistance de la crise libanaise. Le principe de la rotation ne justifiait pas un tel choix, car l’implication de la Syrie aurait dû conduire à une réunion dans une autre capitale (rappelons que la Ligue arabe compte 21 Etats et la « Palestine »).

D’ailleurs, ce Sommet risque d’échouer, non seulement du fait du boycott par le Liban, mais également en raison de la bouderie de l’Egypte et de l’Arabie saoudite, qui ne seront pas représentés au plus haut niveau.

En effet, le Liban estime ne pouvoir être représenté, en l’absence de chef d’Etat et les deux autres pays arabes soutiennent le gouvernement libanais. Ils déplorent que la Syrie fasse obstacle au règlement global de la crise libanaise, élaboré sous les auspices de la Ligue arabe et craignent que le déroulement du Sommet de l’Organisation, à Damas, ne facilite les manœuvres syriennes.

De fait, l’élection d’un nouveau président libanais a été reportée, lundi, pour la 17ème fois, depuis septembre dernier et une nouvelle tentative de réunion du Parlement libanais à cette fin n’est prévue que le 22 avril prochain.

Or, il est évident que c’est la Syrie qui se trouve à l’arrière plan des manœuvres du président chiite du Parlement libanais, qui trouve tous les prétextes pour ne pas faire procéder à cette élection.

Comme on le sait, depuis plus d’un an de profondes divergences existent entre la majorité parlementaire antisyrienne, soutenue par l’Occident, et l’opposition, emmenée par le Hezbollah chiite et appuyée par Damas et l’Iran.

Il n’est pas inutile d’expliquer cet appui, par le fait que l’Iran est, majoritairement, chiite et que la famille Assad s’est toujours appuyée, en Syrie, sur la mouvance alaouite, proche des chiites, dans un pays, certes à majorité sunnite. Mais, au Liban, les chiites sont majoritaires (35%) et selon les accords de Taëf, signés, entre les différentes factions libanaises, dans cette ville saoudienne, en 1989, en vue de mettre fin à la guerre civile, qui durait depuis 1975, le président de l’assemblée doit être chiite.

Et l’équilibre confessionnel prévu par ces accords - le premier ministre devant être sunnite (25% de la population) et le président de la République chrétien maronite (les chrétiens représentant encore 40% de la population contre 60% il y a quelques décennies) -s’est trouvé rompu avec le dernier président Emile Lahoud, dont le mandat venait à expiration en novembre. En effet, celui-ci avait pris position pour la Syrie qui, bien que contrainte d’évacuer ses troupes en 2005, n’a jamais renoncé à exercer une tutelle sur le pays, sans parler des assassinats (premier ministre Hariri et plusieurs parlementaires) opposés à ses prétentions, qu’il a très certainement commandités.

Dans un premier temps, dès septembre 2007, antisyriens (sunnites et majorité des chrétiens) et prosyriens (chiites et certains chrétiens menés par le général Aoun) se sont opposés sur la désignation d’un candidat à la présidence.

Si finalement, un accord s’est fait sur le nom du chef d’Etat-major de l’armée Michel Souleïmane, les divergences subsistent sur la composition du gouvernement (dont les membres chiites ont démissionné en novembre 2006) et sur une nouvelle loi électorale, dont chaque partie espérant tirer profit.

Depuis plusieurs mois, le secrétaire général de la Ligue arabe, l’égyptien Amr Moussa (par ailleurs farouchement anti-israélien) tente, en vain une médiation et c’est ainsi qu’est prévu ce Sommet de l’Organisation, auquel l’Iran, pourtant, non membre semble s’être invité (la réunion devant se tenir à Damas, cela lui a été facile....).

Et Israël, dans tout cela ?

Nous y voilà....

Au lendemain des accords d’armistice de 1949, la frontière avec le Liban était considérée, dans un premier temps, comme la « bonne frontière », eu égard, notamment, au caractère pacifique de la majorité de la population libanaise.

Mais, au début des années 70, la situation devait radicalement changer, avec l’arrivée des bandes de l’OLP, chassées de Jordanie et déclarées indésirables en Syrie par Hafez el Assas, qui, profitant de la passivité des autorités politiques libanaises, transformèrent le Liban-sud en « Fatahland », base d’actions terroristes contre Israël.

Ce furent alors les deux interventions militaires israéliennes, en 1978 et 1982, et la présence - inutile de la FINUL - puis, le retrait israélien en 2000.

Cette fois, ce sont les milices chiites du Hezbollah qui, soutenues et, surtout, approvisionnées en armement, par la Syrie et l’Iran, qui se servirent du territoire libanais comme base d’agressions, sous forme de lancements de roquettes vers le territoire israélien, « au nez et à la barbe » des casques bleus. Et cela entraîna, après une embuscade meurtrière et une prise d’otages de militaires israéliens, les opérations de l’été 2006.

Les activités meurtrières du Hezbollah ont été grandement facilitées par le fait que fort de la présence de troupes syriennes sur le territoire libanais, ce mouvement s’est implanté dans le paysage politique, obtenant 14 députés (sur 128) et plusieurs portefeuilles ministériels.

Et il est évident que l’équilibre confessionnel introduit par les accords de Taëf, qui, nous l’avons vu a été rompu ces dernières années, n’était pas de nature à renforcer l’effectivité du pouvoir politique libanais.

L’armée libanaise est hétérogène, avec des éléments issus des différentes communautés libanaises, disposant d’équipements vieillissants, et n’ayant, généralement, pas de directives précises provenant du conseil des ministres libanais - l’opération menée, en mai 2007, contre le groupe islamiste Fatah Al-Islam, dans le camp de Nahr Al-Bared, constituant une exception notable.

Dans ces conditions, il est évident que la vacance du pouvoir politique laisse les mains libres au Hezbollah, qui, de fait, a très certainement, reconstitué son potentiel militaire, ce qui augure mal de la sécurité au frontières-nord d’Israël.

C’est pourquoi, ce pays, sans être en mesure, bien évidemment, d’intervenir, de quelque manière que ce soit, dans la solution de la crise politique libanaise, ne peut que se préoccuper de la persistance de la crise, sous l’œil vigilant et inamical de la Syrie.



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