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«Gaza : vérités sur une guerre». Histoire de l’école qui n’a pas été bombardée
L’Arche
Article mis en ligne le 14 mars 2009
dernière modification le 15 mars 2009

C’est un journaliste qui a découvert le pot aux roses. Il se nomme Patrick Martin, et il était l’envoyé spécial dans la Bande de Gaza du quotidien canadien The Globe and Mail. Ainsi qu’il le relate dans un article publié le 29 janvier 2009, il a fait ce que ses collègues ont négligé de faire : il a vérifié les informations.

L’article commence par un rappel de la nouvelle qui a choqué le monde entier, le 6 janvier 2009 : « Une école de l’ONU a été attaquée par l’armée israélienne ; 43 civils palestiniens ont été tués ». Trois semaines après, Patrick Martin est sur les lieux, à Jabalya, et il interroge les témoins.

Un enseignant de l’école – qui refuse de donner son nom, parce que l’UNRWA, l’agence des Nations unies à qui appartient cette école, a interdit au personnel de parler aux journalistes – témoigne que personne n’a été tué à l’intérieur du bâtiment ; il y a eu des morts, dit-il, mais c’est dans la rue, à une trentaine de mètres de là. Un autre témoin, qui était dans la rue au moment des faits, indique l’endroit précis où les obus sont tombés. Il y a eu trois tirs, dit-il, qui ont fait des victimes dans la rue. Mais ni lui, ni aucun autre témoin, n’établit de lien entre ces tirs et la présence d’une école à proximité, et nul ne prétend que cette école aurait été frappée.

Interrogé par Patrick Martin, le responsable de l’UNRWA pour la Bande de Gaza, John Ging, admet que « personne n’a été tué dans l’école ». Il l’aurait même déclaré à l’époque : « Vérifiez mes déclarations, dit-il. Je n’ai jamais dit que quelqu’un avait été tué dans l’école. Nos responsables n’ont jamais prétendu une telle chose. » Ces affirmations tardives de M. Ging sont, nous le verrons, sujettes à caution.

L’article de Patrick Martin passe presque inaperçu. En effet, le monde entier est persuadé que l’école a été « attaquée » par les Israéliens, et que cette attaque a causé plus de 40 morts à l’intérieur de l’école. Le rectificatif publié par le journal canadien est donc inaudible.

Il faut attendre un peu plus d’une semaine pour qu’un autre journaliste, Griff Witte, envoyé spécial du Washington Post, revienne sur le sujet. Son article, publié dans le grand quotidien américain le 7 février, a pour titre : « Les Nations unies disent que l’école de Gaza où il y a eu 43 morts n’a pas été frappée par des tirs israéliens ».

Un titre absurde, totalement incohérent. S’il y a eu 43 morts dans l’école (« School in Gaza Where 43 Died »), comment n’aurait-elle pas été touchée ? Le titreur, à la rédaction du Washington Post, est manifestement trop prisonnier d’un « narratif » qui, à cette date, a exactement un mois, pour voir la contradiction entre les deux informations : celle du journaliste, selon laquelle l’école n’a pas été touchée, et celle que tous les médias ont véhiculée pendant un mois. Une difficulté partagée par tous ses confrères, puisqu’à quelques exceptions près les médias ne feront pas écho à ces révélations. (La presse française observe là-dessus un mutisme quasi total, mais elle n’est pas la seule.)

On remarque encore que l’article du Washington Post se réfère à des sources de l’ONU. L’article de Patrick Martin du 29 janvier n’est même pas évoqué. Ce n’est pas très confraternel, mais c’est surtout, semble-t-il, l’expression d’une certaine gêne. Car, si le « massacre dans une école » relaté par tous les médias depuis un mois, sur la foi des déclarations de l’ONU, n’a pas eu lieu, peut-être d’autres informations de source identique doivent-elles être vérifiées elles aussi ? En attribuant la rectification à John Ging, alors que ce dernier ne s’était jamais exprimé à ce propos avant d’avoir été interrogé par Patrick Martin, le journaliste américain rassure ses lecteurs, ses éditeurs et sans doute lui-même : inutile de chercher plus loin, puisque l’ONU dit toujours l’exacte vérité.

D’autre part, John Ging déclare à Griff Witte que les victimes sont des Palestiniens qui avaient trouvé refuge dans l’école, et qu’au moment des tirs ils étaient sortis dans la rue. Le raccourci situant les morts dans l’école était donc un peu hâtif, mais, dit-il, substantiellement pas si éloigné de la réalité. Une affirmation contestable, elle aussi.

À ce stade, un bref retour en arrière s’impose. 

Lorsque la nouvelle fait les gros titres des médias du monde entier, début janvier, il y a déjà des centaines de victimes palestiniennes. Mais cette nouvelle-là fait sensation, à cause du mot d’« Ã©cole ». On imagine des enfants dans les salles de classe, pris sous les bombes. Or il s’agit là d’un bâtiment qui, en temps normal, sert effectivement d’école, mais qui en ces temps de guerre n’est rien d’autre qu’un lieu où des civils se sont rassemblés pour fuir les combats. Parler d’« Ã©cole », c’est induire – sciemment ou non – dans l’esprit des lecteurs et des auditeurs l’idée d’un massacre d’enfants. Une idée fausse, en tout état de cause.

De plus, préciser qu’il s’agit d’une « Ã©cole de l’ONU », c’est conférer au bâtiment une sorte de dimension extra-territoriale, quasiment diplomatique, accentuant ainsi le caractère choquant de l’attaque. Or il s’agit tout simplement d’une école de l’UNRWA, institution certes onusienne mais établie depuis des lustres à Gaza où elle emploie des personnels locaux, et qui ne se distingue guère que par son financement.

La manière dont est rapporté l’événement joue ici un rôle déterminant : une frappe israélienne aurait « visé » l’école. Même si l’intentionnalité n’est expressément affirmée que dans les médias arabes et, chez nous, dans les milieux les plus militants, elle est partout sous-jacente. Tsahal aurait, dit-on ou croit-on, délibérément attaqué l’école. N’est-ce pas la preuve que l’État juif s’acharne à tuer les enfants de Gaza ?

À l’origine de tout cela, il y a (contrairement à ce qu’affirmera M. Ging au journaliste canadien) des affirmations en provenance de l’ONU. Le 6 janvier 2009, le très officiel Service d’information des Nations unies publie un communiqué intitulé « Gaza : Le bombardement d’une école de l’ONU par Israël fait au moins 30 morts », et dont voici les premières lignes :

« L’explosion d’obus de mortier israéliens tombés mardi sur une école de l’ONU près de camp de Jabalya à Gaza a fait au moins 30 morts et 50 blessés, une attaque qui a été fermement condamnée par le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon. “Trois obus de mortier sont tombés sur l’école de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) qui servait de refuge à des Palestiniens du camp de Jabalya”, a précisé mardi John Ging, responsable humanitaire de l’UNRWA, lors d’un point de presse vidéo depuis Gaza. »

Aucun doute, donc : il s’agit d’une « attaque » (et non d’une frappe accidentelle), et les obus, selon M. Ging, « sont tombés sur l’école » (ce qui signifie qu’elle a été touchée de plein fouet). L’ONU, supposée impartiale, ayant elle-même diffusé cette version, les médias et les hommes politiques la reprendront spontanément.

Dès le 6 janvier, l’Agence France Presse publie une dépêche qui commence par ces mots : « Le président français Nicolas Sarkozy a estimé mardi soir que l’attaque israélienne contre une école de Gaza qui a provoqué la mort d’une quarantaine de personnes qui s’y étaient réfugiées ne faisait que “renforcer” sa “détermination à ce que tout ceci s’arrête” ».

On ne sait pas si l’affirmation qu’il s’agit d’une « attaque israélienne contre une école de Gaza » est attribuée par l’AFP au président français. En tout cas, l’agence croit pouvoir ajouter : « Au moins 40 personnes qui s’étaient réfugiées dans une école gérée par l’ONU dans le nord de la bande de Gaza ont été tuées mardi dans une attaque israélienne dans le périmètre de l’établissement, selon des sources médicales palestiniennes ».

Tous les médias français reprennent cette version des faits, ainsi que leurs confrères internationaux – y compris la presse israélienne. Certains en rajoutent, comme l’édition électronique du JDD qui, reprenant une dépêche de l’AFP, annonce « Gaza : Carnage dans une école » et souligne, citant John Ging, que « que le drapeau des Nations unies flottait au-dessus du bâtiment quand celui-ci a été frappé ».

La palme, au sein de la presse française, revient sans aucun doute au quotidien communiste L’Humanité. Celui-ci, dans son édition du 7 janvier, décrit l’attaque israélienne contre l’école dans pas moins de cinq articles différents. Et il ne se contente pas de rapporter l’information brute : il enjolive, il ajoute des adjectifs, il crée une véritable dramaturgie autour de l’événement.

Cela commence par un article de Hassan Zerrouky intitulé « Gaza. L’école de l’ONU bombardée », avec pour sous-titre « Plus de 40 civils réfugiés dans l’établissement ont été tués par les tirs de chars israéliens », qui commence ainsi :

« Deux obus tirés hier par des chars israéliens sur une école administrée par l’ONU à Jabalya au nord de la bande de Gaza ont fait un carnage : plus de quarante personnes ont été tuées et plusieurs dizaines ont été blessées dont un grand nombre d’enfants. »

L’envoyé spécial du journal, Pierre Barbancey, indique pour sa part : « au moins quarante personnes ont été tuées dans un raid aérien israélien à Gaza, dans une école de l’UNRWA », et dans un second article il évoque « la mort de plus de 40 Palestiniens, réfugiés dans une école de l’ONU et fauchés comme on coupe de la viande par quatre roquettes israéliennes » (le lendemain, M. Barbancey soulignera que « l’émotion causée par le massacre de quarante civils dans une école de l’ONU, mardi, n’a pas vraiment ébranlé les volontés destructrices des dirigeants israéliens »). On observe au passage que la confusion règne dans les colonnes de ce journal, puisqu’un article attribue la frappe israélienne à une attaque de chars et un autre à un raid aérien (les deux explications sont d’ailleurs inexactes).

Pour faire bonne mesure, un autre article de L’Humanité du 7 janvier rappelle que « 43 personnes ont été tuées et plus de 100 blessées dans une attaque israélienne contre une école de l’ONU ». Enfin, l’éditorial de ce jour, signé Patrick Apel-Muller, précise que « des dizaines de morts ont été relevés dans les ruines d’écoles gérées par l’ONU ».

Que s’est-il passé réellement passé, ce 6 janvier 2009 à Jabalya ? Deux choses sont certaines : il y a eu des tirs israéliens, mais ceux-ci n’ont pas touché l’école. En réponse aux questions des journalistes, le porte-parole de Tsahal a déclaré, ainsi qu’il le fait toujours en pareil cas, qu’une enquête interne est en cours. Cependant, des informations parallèles ont fait état d’une riposte israélienne à des tirs palestiniens.

Une confusion s’est alors créée dans les esprits. Les tirs palestiniens provenaient-ils de l’école ? Certaines sources – y compris, semble-t-il, des porte-parole israéliens – auraient d’abord soutenu cette thèse. Une thèse d’autant plus crédible que des films aériens datant de 2007, communiqués par Tsahal à des journalistes (parmi lesquels notre collaborateur Bernard Edinger) bien avant le déclenchement de l’offensive israélienne sur la Bande de Gaza, montraient clairement des miliciens palestiniens tirant des obus de mortiers sur le territoire israélien depuis la cour intérieure d’une école.

En réponse, les porte-parole de l’ONU déclarèrent qu’aucun tir n’avait été effectué, ce jour-là, depuis l’école de Jabalya. Ils avaient raison sur ce point précis. Cependant, la manière même dont ils présentaient leur argumentation revenait à perpétuer dans les esprits la version (fausse) selon laquelle c’est l’école elle-même qui avait été touchée.

Prenons par exemple cet entretien avec « John Ging, responsable de l’ONU à Gaza », mis en ligne le 7 janvier sur le site internet du Monde. À la question « Vous avez demandé l’ouverture d’une enquête internationale après le bombardement d’une école gérée par l’ONU. Que s’est-il passé exactement ? », John Ging répondait : « Il y avait 350 familles de réfugiés à l’intérieur, et des tirs tout autour de l’école. Quarante personnes ont trouvé la mort, cinquante-cinq ont été blessées, presque exclusivement des civils. Il faut déterminer ce qui s’est passé. Israël affirme que des militants tiraient depuis l’école. Mais nous, aux Nations unies, sommes convaincus que ce n’est pas le cas car ces écoles sont sous notre contrôle. » Tout en démentant que des tirs aient été effectués ce jour-là depuis l’école, John Ging entérinait la version, contenue dans la question de l’interviewer, selon laquelle les Israéliens auraient procédé au « bombardement d’une école ».

Pendant ce temps, l’enquête interne – qui est de règle pour tout incident ayant causé des victimes – se poursuivait au sein de Tsahal. Selon les premiers résultats de cette enquête, rapportés dès le 11 janvier par le quotidien israélien Haaretz, trois obus de mortier avaient été tirés par une unité israélienne de parachutistes, suite à des tirs de roquettes effectués non pas depuis l’école mais depuis la cour d’une maison proche de l’école.

Ce mode d’intervention était une faute, disent les officiers interrogés par Haaretz, car bien que les obus de mortiers israéliens aient un guidage par GPS ils sont trop imprécis pour être utilisés dans une zone densément peuplée. En fait, il était prévu que l’armée de l’air attaquerait la source des tirs ; mais, pour des raisons opérationnelles non indiquées, cette action aérienne n’a pas été possible et les parachutistes ont eu recours aux mortiers.

Les conclusions définitives de l’enquête ne seront connues qu’à un stade ultérieur. Il est déjà établi, cependant, qu’à aucun moment le bâtiment de l’école n’a été visé par les tirs israéliens.

Un événement tragique, donc, comme il en survient dans toutes les guerres, et qui en l’occurrence semble bien avoir été déclenché par une activité militaire du Hamas au sein d’un quartier d’habitation. Cela était lisible dès le 11 janvier dans le quotidien Haaretz. Mais on n’a pas voulu le lire, parce qu’on ne voulait pas savoir autre chose que ce qui avait été dit et répété à satiété : les Israéliens tirent sur les écoles.

Un autre sujet d’interrogation est le nombre des victimes. Les premiers chiffres, de source palestinienne et aussitôt relayés par tous les médias internationaux ainsi que par les services de l’ONU, font état de plus de 40 morts. Dans l’article du Washington Post évoqué plus haut, un porte-parole palestinien maintient le chiffre d’« au moins 43 morts ». Aucune investigation n’a été faite pour vérifier ces chiffres – tout comme, il est vrai, nul n’a vérifié, avant Patrick Martin, si l’école avait effectivement été touchée.

Selon le colonel Moshé Lévy, qui, en tant que commandant du Service de coordination et de liaison, est responsable des relations de Tsahal avec la Bande de Gaza, 12 personnes ont été tuées dans l’incident du 6 janvier. Un article de Yaakov Katz, paru le 15 février 2009 dans le quotidien israélien anglophone The Jerusalem Post, cite les propos du colonel Lévy : « Dès le début, le Hamas a affirmé que 42 personnes avaient été tuées. Mais nous pouvions voir, par nos moyens de surveillance [il s’agit sans doute des drones israéliens qui survolaient la Bande de Gaza tout au long de l’opération, ndlr], que seules quelques civières avaient été apportées pour évacuer des gens. »

Ensuite, dit Moshé Lévy, le Service de coordination et de liaison a contacté le ministère palestinien de la santé pour obtenir les noms des morts. « Ils nous ont dit que le Hamas cachait le nombre des morts. » En fin de compte, Tsahal a établi une liste nominative de toutes les victimes de l’opération de Gaza. Selon Moshé Lévy, cette liste comprend 12 personnes tuées ce jour-là à proximité de l’école de Jabalya : neuf miliciens du Hamas et trois non-combattants.

Il faudra attendre quelques temps encore, avec la publication de divers rapports et contre-rapports, pour que l’on ait une idée un peu plus précise de ce qui s’est passé dans la Bande de Gaza tout au long de l’opération, et en particulier le 6 janvier à Jabalya. Une chose semble certaine : l’école n’a été ni visée ni touchée. Quel que soit le nombre des victimes (43 ou 12), et quelle que soit leur identité (combattants ou non-combattants), le « massacre de l’école » n’existe pas. Et cela, on aurait pu le savoir assez tôt si les médias n’avaient été induits en erreur par les communiqués des Nations unies.

Il est vrai que, pour certains organes de presse, l’argument de l’école palestinienne est venu à point nommé pour étayer une diabolisation des Israéliens. On a vu ce qu’il en était de L’Humanité, le 7 janvier. Au Monde diplomatique, on n’a pas tardé à emboîter le pas. Dès le 8 janvier 2009, le directeur adjoint du mensuel, Alain Gresh, évoquait dans son blog « l’école bombardée par l’armée israélienne le 6 janvier ». Dans l’édition « papier » du journal (février 2009), c’est son directeur, Serge Halimi, qui rappelle qu’« une école palestinienne transformée en refuge des Nations unies » a été « bombardée ». Le 6 février, le blog du Monde diplomatique consacré à l’information, tenu par Marie Bénilde, continue à parler du « bombardement d’une école de Jabalya administrée par l’ONU ».

Emporté par cette vague, il n’est jusqu’au ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner qui n’ait évoqué, dans une tribune publiée le 29 janvier 2009 par le quotidien International Herald Tribune, « les bombardements ayant visé le 6 janvier 2009 des écoles de l’UNRWA ». Le mot « visé » est ici lourd de sens : M. Kouchner, ou le fonctionnaire qui a soumis ce texte à sa signature, a-t-il bien songé à ce qu’il y a d’infamant dans l’accusation selon laquelle l’État d’Israël aurait « visé », donc délibérément cherché à frapper, une « Ã©cole » en tant que telle ?

Quant à l’ONU, qui fut la première à diffuser la fausse information, elle attend début février pour publier un rectificatif. Dans le bulletin du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (plus connu sous son nom et son acronyme anglais : Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, ou OCHA) qui couvre les événements à Gaza durant la période du 30 janvier au 2 février, on trouve une « clarification » selon laquelle l’école n’a pas été touchée. De manière pas très honnête, les fonctionnaires onusiens affirment qu’ils ont publié une information correcte le 6 janvier, et que leur langue a fourché le 7 janvier. Or il suffit de lire le communiqué du Service d’information des Nations unies, daté du 6 janvier, pour y trouver, déjà, la fausse information. Qui donc a « désinformé » le Service d’information ?

Au risque de nous répéter : l’important ici n’est pas que les journalistes et les autres acteurs de la communication aient su ou non, en temps réel, ce que publiait Haaretz le 11 janvier, et ce que publiait le Globe and Mail le 29 janvier. L’important est qu’à partir de données lacunaires ils ont tous « brodé » dans le même sens, de sorte qu’une possible erreur de tir a pris la forme d’un « bombardement ».

Le 12 février encore, l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur publie une correspondance de Gaza, signée Christophe Boltanski, qui rappelle comme un fait avéré le « bombardement d’une école de l’ONU ». Si ces mots ont pu paraître deux semaines après l’article du Globe and Mail établissant que l’école n’a pas été bombardée, cela signifie que la cause est entendue : le mythe de « l’école bombardée » survivra à l’épreuve de la réalité. Et, avec lui, le mythe selon lequel les Israéliens s’en sont pris délibérément aux écoles de Gaza.

Or, qui dit « Ã©cole » dit « Ã©coliers ». Voilà donc les Juifs israéliens renvoyés, dans un imaginaire collectif qui est plus fort que les démentis des enquêteurs, à leur fonction ancestrale de dévoreurs d’enfants.


Un « témoignage » pour le moins étrange

Dans cette affaire, l’erreur de la plupart des journalistes est compréhensible (dans un premier temps du moins), car ils sont tous alimentés par les mêmes sources. Mais il est des erreurs qui, rétrospectivement, peuvent paraître étranges. 

Ainsi, le journaliste palestinien Radjaa Abou Dagga, correspondant de France 24 à Gaza. Radjaa Abou Dagga est également correspondant du quotidien régional Ouest France. Le 7 janvier, Ouest France publie le « témoignage exclusif » de son correspondant. 

Après une introduction où on lit que « deux obus de chars israéliens ont détruit un local de l’Onu dans lequel une centaine de personnes avaient trouvé refuge », le journal donne le témoignage de son correspondant, qui « Ã©tait sur place avec des ambulanciers quelques minutes après le drame ». Voici ce que dit Radjaa Abou Dagga :

« J’étais en reportage depuis le matin avec des ambulanciers. Nous nous trouvions à l’hôpital de Kamel Adwan. (…) En début d’après-midi, on s’est dirigé vers le quartier de Jabaliyah parce qu’une colonne de fumée s’élevait de cette direction.

On est arrivé dans une boucherie.

Des bombes ou des obus, on ne savait pas alors qu’il s’agissait de deux obus de chars, avaient désintégré une école gérée par l’Onu dans le quartier de Fakhoura.

Dans ce bâtiment, des civils des villages du nord avaient trouvé refuge. C’était la panique. (…) »

La scène était sans aucun doute épouvantable, et on ne saurait tenir rigueur au journaliste de parler d’« obus de chars » alors que nous savons aujourd’hui que c’étaient des obus de mortiers. Mais comment expliquer, s’agissant d’un témoin oculaire, son affirmation selon laquelle ces obus avaient « désintégré une école » ? Il se trouvait, dit-il, juste devant l’école. Il ne pouvait donc pas ne pas voir que, non seulement l’école n’avait pas été « désintégrée », mais qu’elle était absolument intacte, puisqu’elle n’avait pas été touchée par les obus (seuls des éclats isolés ont volé dans la cour de l’école, blessant quelques personnes).

Un témoignage « exclusif », vraiment…


Extrait du dossier « Gaza : vérités sur une guerre » paru dans L’Arche, le mensuel du judaïsme français (numéro spécial 609-610, daté de février-mars 2009).

On peut recevoir un exemplaire gratuit du journal en envoyant son adresse postale à info arche-mag.com.



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