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Frappera, frappera pas ?
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 3 novembre 2011

Telle l’Arlésienne ou le Monstre du Loch Ness, on reparle d’une éventuelle frappe israélienne sur les installations nucléaires iraniennes, à l’exemple de la destruction de la centrale nucléaire irakienne d’Osirak, en 1981, sans parler de la mystérieuse destruction d’une installation secrète en Syrie, en 2007.

Notons, au passage – pour la déplorer à nouveau - la cacophonie dans les milieux officiels israéliens : entre un soutien à une telle entreprise apporté par le ministre de la défense Ehoud Barak, des déclarations controversées de l’ancien chef du Mossad et une enquête des services du Premier ministre sur des fuites, qui entraveraient une initiative israélienne.

Ce n’est pas parce que, dans le monde actuel, la liberté d’expression n’a plus de limites au risque de mettre en péril la sécurité nationale, qu’Israël se doit de « coller à la réalité ».

Mais laissons de côté cet aspect des choses, de même que n’étant pas un spécialiste des questions militaires nous nous abstiendrons de traiter des aspects techniques d’une éventuelle intervention israélienne à plus de 1 000 Kms des bases militaires du pays.

Toutefois, nous noterons que si la distance entre l’Iran et l’Irak d’une part et Israël d’autre part est sensiblement la même, en revanche, il s’agirait cette fois d’atteindre, non pas une cible unique, mais plusieurs centrales disséminées sur tout le territoire iranien.

Contentons-nous, donc, d’évoquer uniquement les aspects juridiques et politiques du problème.

Au plan juridique, l’Iran viole manifestement ses obligations internationales : étant liée par le traité de non-prolifération (TNP) de 1968, ce pays n’a pas le droit de chercher à se doter de l’arme nucléaire.En dépit des dénégations de ses dirigeants, l’Agence internationale pour l’énergie nucléaire (AIEA) – aujourd’hui dirigée par un japonais – n’a pas manqué d’établir, depuis plusieurs années déjà – que l’Iran conduit bien – en violation de ses engagements au regard du TNP – des recherches nucléaires dans le domaine militaire.

Relevons que cette fois, à la différence de ce qui s’est passé durant près d’une décennie avec l’Irak, l’AIEA, à l’époque dirigée par l’Egyptien El Baradei (dont on risque de reparler prochainement à l’occasion des élections présidentielles en Egypte), n’a pas failli à sa mission de contrôle du respect par l’Iran de ses obligations internationales.

Ahmadinejad, à la différence de Saddam Hussein, ne bénéficie pas de la même mansuétude de la part du Directeur général de l’AIEA.

Malheureusement, cette Institution internationale – apparentée aux institutions spécialisées, gravitant autour de l’ONU – ne dispose pas de moyens permettant de faire respecter effectivement leurs engagements par les Etats parties au TNP.

Toutefois, sur la base des rapports successifs établies par l’Agence, le Conseil de sécurité de l’ONU, qui, lui, dispose, d’un pouvoir de coercition, a été saisi de la question et a pris des décisions..

Et, de fait, depuis 2006, cet organe principal des Nations Unies, chargé principalement de veiller au maintien de la paix et de la sécurité internationales a pris quatre séries de sanctions contre l’Iran en vue de lui faire abandonner son programme nucléaire à des fins militaires.

Sans entrer dans le détail des mesures adoptées, on citera : l’interdiction d’exportation de matériels, équipements et produits susceptibles de contribuer aux activités de recherche liées à l’enrichissement de l’uranium, l’interdiction de fournir une aide et des services financiers dans ce secteur, le gel des avoirs financiers dans ce secteur également et l’interdiction de voyager pour certaines personnes désignées comme participant au programme nucléaire.

De fait, il ne semble pas que ces sanctions se soient révélées efficaces, mais il y a peu de chances de voir d’autres sanctions être adoptées, eu égard à l’appui que la Russie et la Chine – pour des raisons politiques et économiques – apportent à l’Iran, comme elles le font à la Syrie (d’où leur récent veto au Conseil de sécurité).

Et pourtant l’arrêt des importations de pétrole iranien et/ou d’exportation d’essence vers l’Iran ou encore l’interdiction de voyager des dirigeants iraniens, y compris de son président, se révèleraient autrement plus efficaces.

Devant cette carence de la société internationale, quelle peut-être l’attitude d’Israël ?

Certes, les « bonnes âmes » ne manqueront pas de rappeler qu « nul ne peut se faire justice à soi-même ».

Et, cependant, plus encore que dans le cas de l’Irak, où Saddam Hussein versait des primes aux familles des terroristes palestiniens, mais n’avait jamais appelé à la destruction d’Israël, ce pays peut être tenté de se prévaloir de son droit de légitime défense face aux affirmations maintes fois répétées par le président iranien de voir l’Etat hébreu « éradiqué » de la carte.

Bien que contesté (toujours par ces « bonnes âmes » attachées à une conception passéiste du droit international), on doit admettre que , depuis la Guerre de Six jours, en 1967, il peut exister un droit de légitime défense à titre préventif.

Car, encore plus que dans le cas d’une menace d’agression par le moyen d’armements classiques moderne (notamment par voie aérienne), on ne peut guère soutenir sérieusement que face à une menace d’attaque nucléaire la victime potentiellement désignée ne peut réagir avant d’avoir été effectivement atteinte.

Certes, Israël risque de provoquer à nouveau des tonnerres d’imprécations et de condamnations tant de la part des Etats que de l’ONU, ce qui fut déjà le cas en 1981 (François Mitterrand ne fut pas le dernier à condamner le raid sur Osirak).

Toutefois, pas plus qu’en 1967, où les dirigeants israéliens furent bien inspirés de ne pas s’incliner devant l’oukase du Général de Gaulle (« Ne tirez pas les premiers »), Israël risque de ne pas pouvoir attendre indéfiniment une réaction efficace de la société internationale devant le danger évident que constitue la poursuite des recherches nucléaires iraniennes.

Mais, après tout, pourquoi les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ne se sentiraient-ils pas autant concernés par la menace iranienne que dans le cas de l’Irak, voire de l’Afghanistan, il y a quelques années ?



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