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Amjad Rafeeq Shihab, de l’ Université Al-Kuds : « Le gouvernement d’Union Nationale risque de ne pas durer longtemps ».
Interview exlusive de IsraelValley par Mati Ben-Avraham
Article mis en ligne le 14 février 2007

Amjad Rafeeq Shihab, est professeur de sciences politique à l’université Al-Kuds, situé à Abbou Diss, dominant Jérusalem. C’est un proche de l’ancien premier ministre Abbou Allah. Il a fait la majeure partie de ses études universitaires à l’université de Bordeaux. Sujet de sa thèse La construction de l’Etat palestinien.” Signe particulier : de 2000 à 2003, il a fait partie de l’équipe d’Alain Juppé à Bordeaux.

Mati Ben-Avraham : Votre regard sur l’accord interpalestinien de la Mecque ?

Amjad Rafeek Shihab : Une rétrospective s’impose. Il s’agit de la 3ème tentative du genre. Il y a eu Le Caire, puis Damas, sans résultats positifs. Le roi Abdallah d’Arabie saoudite a pris l’initiative d’une nouvelle conciliation. Celle-ci intervenait à un moment critique, c’est-à-dire une impasse totale entre le Hamas et le Fatah qui, dans la bande de Gaza, s’est traduite par une escalade de la violence. Il fallait donc trouver une issue qui permette un cessez-le-feu entre les différents mouvements palestiniens, une relance du processus de paix et, d’une certaine manière, de sauver la face.

MBA : Et pourquoi cela a marché à Le Mecque et non pas au Caire, à Damas, ou même sur place, à Ramallah ou Gaza ?

Amjad Rafeeq Shihab : Parce que le roi d’Arabie saoudite y a mis le prix : un milliard de dollars d’aide financière à l’Autorité palestinienne en cas d’accord. Il y a eu aussi une forte pression exercée par les pays arabes modérés, l’Egypte et la Jordanie en particulier. Les liens entre les saoudiens et les américains ont également joué un rôle. Maintenant, cet accord entre dans le cadre de la nouvelle stratégie du Hamas, à savoir parvenir à une trêve de longue durée avec Israël afin de pouvoir asseoir son pouvoir dans la bande de Gaza, sans passer par une confrontation frontale avec le Fatah. Il s’est aussi agi, pour ce mouvement, d’arriver à ménager le Fatah tout en gardant les avantages obtenus après sa victoire aux élections du 25 janvier de l’année dernière.

MBA : L’impression qui se dégage est que les négociations à la Mecque n’ont porté que sur des questions d’intendance - la répartition des portefeuilles, mais que l’essentiel a été évité. Ce que d’aucuns interprètent comme un signe d’affaiblissement de la position de Mahmoud Abbas.

Amjad Rafeek Shihab : Je ne crois pas. Sur le fond, certes, le porte-parole du Hamas a rappelé à plusieurs reprises que les accords de la Mecque ne signifiaient en rien une reconnaissance de l’Etat d’Israël. Il faut comprendre : la stratégie du Hamas vise à assouplir certaines de ses positions sans que cela implique une reconnaissance officielle de l’Etat d’Israël. Prenez, par exemple, Khaled Mechal, le chef politique du Hamas, qui a souligné - c’était avant la rencontre de Damas - qu’il a reconnu implicitement Israël en déclarant qu’Israël était un fait. Qu’il n’avait pas à reconnaître Israël puisque la Ligue arabe l’a fait en 1991 et que l’OLP a suivi en 1993 avec les accords d’Oslo. Pour lui, le problème n’est pas la reconnaissance de l’Etat d’Israël, mais la fin de l’occupation israélienne. Aussi, pour revenir à votre question, à La Mecque, le Hamas a fait des concessions non pas à Israël, mais au Fatah, au plan du partage du pouvoir. Il a accepté que, outre les six sièges concédés directement au Fatah, trois portefeuilles importants - les Finances, l’Intérieur et les Affaires étrangères - soient confiés à des personnalités indépendantes. Je ne vois pas en quoi cette redistribution affaiblit le président Abbas. Mais encore une fois, en ce qui concerne Israël, la position du Hamas est ambiguë, aucun de ses dirigeants n’a proclamé officiellement : nous reconnaissons l’Etat d’Israël. Implicitement oui, directement non !

MBA : Comment la rue palestinienne réagit-elle à cet accord ? En dehors des manifestations de joie, ici et là.

Amjad Rafeek Shihab : C’est vrai que dans la bande de Gaza, il y a eu des démonstrations de joie, quelques minutes après l’annonce de l’accord intervenu. Il y a eu des défilés communs, Hamas et Fatah réunis. Des embrassades. Mais il ne faut se garder de tout optimisme. Neuf accords de cessez-le-feu ont été conclus entre les deux mouvements, et aucun n’a été respecté. La tension est toujours là. Le moindre incident peut déclencher de nouveaux affrontements. L’accord de la Mecque, qui porte sur un gouvernement d’union nationale, tente en fait de renforcer un cessez-le-feu. Cependant, à mon avis, ce gouvernement d’Union nationale ne va pas durer longtemps.

MBA : Pourquoi ?

Amjad Rafeek Shihab : Il ne va pas durer longtemps parce que l’idéologie du Hamas est incompatible avec celle du Fatah. Et non seulement en ce qui concerne le processus de paix avec Israël. Au plan intérieur, si le Hamas ne fait pas de concessions pour faciliter la vie des palestiniens, le gouvernement d’union nationale ne durera pas. Il faut le savoir : les espoirs du peuple, suite à cet accord, portent sur la levée de l’eMBArgo, le retour des aides financières internationales, la relance du processus de paix et la concrétisation des aspirations nationales. Si ces espoirs ne se concrétisent pas rapidement, les conflits internes repartiront de plus belle.

MBA : Et qu’en est-il du rapport des forces sur le terrain ? Et des ingérences étrangères ? L’Iran ? El Qaïda ?

Amjad Rafeek Shihab : L’Iran oui. El Qaïda, je ne pense pas. Sur ce plan, j’estime que les européens, en particulier, ont commis une erreur d’appréciation en isolant le Hamas , ce qui a rapproché ce mouvement de l’Iran qui lui assure un soutien financier et de la Syrie au plan logistique. Une erreur dont sont convenus des parlementaires britanniques venus s’informer de la situation. Le rapport des forces, dites-vous ? Dans la bande de Gaza, le Hamas l’emporte sur le Fatah. Un fait : au cours des derniers affrontements à Gaza, la majorité des tués sont des membres du Fatah. Sur le plan du nombre des militants, le Fatah est en tête, mais ceux du Hamas sont mieux armés, mieux entraînés, plus disciplinés. Dans un certain sens, on peut même dire que le Hamas adopte un profil bas, se retient d’infliger une déroute à son adversaire pour ne pas provoquer une intervention extérieure, des pays arabes, d’Israël. Le Fatah, on le sait, reçoit déjà des fournitures militaires de l’extérieur, y compris Israël. En Cisjordanie, par contre, le Hamas n’a pratiquement pas d’assise militaire. Là, la supériorité du Fatah est manifeste.

MBA : Un dernier point : cet accord de La Mecque va-t-il amener une libération rapide du soldat israélien Guilad Shalit ?

Amjad Rafeek Shihab : Le gouvernement d’union nationale peut, en effet, rapprocher les points de vue des deux mouvements sur ce sujet. On sait que l’homme fort du Fatah dans la bande de Gaza, Mohamed Dahlan, avait promis aux israéliens de localiser le lieu de détention du soldat et de le libérer. Ce plan n’a pas marché. A mon sens, le gouvernement d’union nationale va négocier la libération du soldat contre celle des ministres et députés du Hamas emprisonnés en Israël, avec en prime d’autres détenus. Il faut rappeler que près de 10000 palestiniens sont actuellement dans les prisons israéliennes. Les dernières tractations indirectes entre le Hamas et Israël - via l’Egypte - portaient sur la libération de 1000 palestiniens contre le soldat Shalit.



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