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Le marathon d’Asaf Bimro part d’Ethiopie jusqu’àIsraë l

Gilles van Kote - Le Monde

mardi 2 septembre 2003

Pour arriver vingt-septième du marathon hommes, qui a eu lieu dans les rues de Paris lors des championnats du monde d’athlétisme samedi 30 aoà»t, en battant le record d’Israë l, Asaf Bimro a emprunté des chemins étonnants.

Né dans la région de Gondar, en Ethiopie, douzième et dernier enfant d’une famille de juifs éthiopiens, les fameux falachas "rapatriés" par Israë l entre 1984 et 1991, il a "toujours eu le sentiment d’être juif" et que "-son- vrai pays était Israë l".

A l’âge de 13 ans, en 1982, il demande àses parents, agriculteurs, l’autorisation d’accompagner un oncle qui va tenter de rejoindre le Soudan en espérant un jour arriver en Terre promise.

Pendant deux mois, Asaf et environ 80 autres juifs éthiopiens -"le mot "falachas" est un terme péjoratif que les Ethiopiens nous donnaient et qui veut dire : celui qui n’est pas éthiopien", explique le marathonien - marchent la nuit et se cachent le jour.

Une dizaine d’entre eux succombent et sont enterrés en chemin. "A la frontière, nous avons dit que nous allions chercher du travail au Soudan, surtout pas que nous étions juifs", raconte Asaf Bimro.

Il passe deux ans au Soudan, dans des conditions terriblement précaires. Un jour, un Blanc l’accoste dans le restaurant où il travaille et lui demande s’il est juif. Effrayé, le jeune Ethiopien répond par la négative. Mais l’agent israélien - c’en est un - insiste. Asaf finit par lui raconter son histoire.

Son interlocuteur lui fixe rendez-vous le soir même. Un camion passe chercher le futur champion et quelques-uns de ses compatriotes, et les conduit àl’aéroport le plus proche. De là, ils sont emmenés jusqu’àKhartoum, la capitale soudanaise, où ils attendent deux jours avant de s’envoler pour Tel Aviv via Paris.

PROJETÉS DANS LA VILLE

Asaf Bimro a 15 ans quand il pose enfin le pied en Israë l. Il apprend quelques rudiments d’hébreu avant d’être placé dans une école religieuse orthodoxe. Au bout d’un an et demi, ne se sentant pas àsa place, il demande àchanger d’établissement. Il se heurte àun refus et doit cesser de s’alimenter pour obtenir gain de cause.

Dans sa nouvelle école, il rencontre sa future femme et est remarqué par une enseignante d’éducation physique qui décèle chez lui des qualités athlétiques hors du commun.

Aujourd’hui, Asaf Bimro vit àRamleh, une ville de la grande banlieue de Tel Aviv où réside une communauté éthiopienne assez importante. Pour ces "Ethiopiens", comme on les nomme dans son nouveau pays, qui appartiennent souvent aux couches pauvres de la population, il est devenu un exemple.

"En Israë l, il n’y a pas d’obstacle àl’intégration, affirme-t-il. Le problème est que la plupart des Ethiopiens viennent du monde rural et qu’ils se sont trouvés projetés dans une société urbanisée et moderne."

Les parents, frères et sÅ“urs du marathonien l’ont rejoint en 1991, profitant du pont aérien organisé par Israë l. Asaf Bimro travaille de 6 heures à14 heures dans un pensionnat réservé àdes jeunes présentant des troubles légers du comportement, avant d’aller s’entraîner.

Il est retourné une fois en Ethiopie, àAddis Abeba, pour un stage d’athlétisme. "Je m’y suis senti comme un étranger", dit-il.