![]() |
![]() |
![]() |
![]()
Personnalisé
|
Inscription gratuite à la Newsletter - cliquer ici - |
|
Instantanés d’un carnaval mortel Par nos envoyés spéciaux Sami El Soudi à Gaza et Jean Tsadik à Karni © Metula News Agency Les journalistes présents dans notre région du monde ont déjà épuisé tous les superlatifs pour parler des milliers daffrontements, dactes de terrorisme et de situations de tension qui secouent régulièrement notre paysage. Rarement cependant, avons-nous observé des conditions aussi complexes et menaçantes que celles qui prévalent ces jours dans et aux alentours de la bande de Gaza.
Nous ne dénombrons pas moins de cinq entités, dans ce minuscule territoire, impliquées dans des oppositions violentes, qui vont des manifestations acharnées aux raids aériens. Encore que tout le monde ne tire pas sur tout le monde, ce qui constitue un maigre sujet de satisfaction, nous ladmettons volontiers.
Afin de permettre aux abonnés de la Ména de comprendre les actes et les enjeux de ces bras de fer et de ne pas employer des termes généralistes et creux, du genre "cycle de violence", qui satisfont nombre de nos confrères mais qui ne font quajouter à lincompréhension des consommateurs de linformation la Ména a dépêché sur place, depuis jeudi, deux des meilleurs analystes du Proche-Orient. Il sagit de Jean Tsadik, qui observe les événements côté israélien et de Sami El Soudi, qui se trouvait ce matin dans les quartiers sensibles de Gaza.
Les organisations terroristes palestiniennes contre les civils israéliens, Tsahal contre les organisations terroristes
Le rapport que Tsadik nous a fait parvenir du passage de Karni (voir carte) est pour le moins inquiétant. Comme tout autour de la bande, on y assiste depuis trois jours à un déploiement impressionnant de forces israéliennes (1ère entité), puissamment armées, qui attendent le feu vert de leur gouvernement pour déclencher une opération de très grande envergure en territoire palestinien. En préparation de lattaque, la bande de Gaza a été hermétiquement fragmentée en trois zones longitudinales, que personne ne traverse, hormis les cas humanitaires graves. Cette fermeture a pour but de prévenir le transport darmes par les terroristes palestiniens (2ème entité) et, en cas de déclenchement de linvasion, de leur couper toutes les voies de retraite. Cette mesure de fractionnement vient sajouter au bouclage non moins étanche de la bande elle-même. La seule exception que larmée concède étant celle qui permet aux habitants des implantations (3ème entité) après un contrôle très appuyé de leur identité de rejoindre leur domicile ou de le quitter. Cette dérogation revêt un caractère dramatique presque palpable, dans le présent contexte où lon sait que ces personnes devront avoir abandonné habitations, domaines agricoles et commerces dici à un mois. Et si certaines de ces personnes ont déjà quitté leurs foyers et que dautres se préparent à le faire, une majorité dentre elles sefforce de continuer à vivre comme si de rien nétait, refusant obstinément de croire à leur déplacement.
En cas de déclenchement de lopération militaire, qui semble ici inéluctable, les soldats israéliens qui y participeront auront à accomplir deux tâches principales : faire stopper les tirs de Qassam et de mortiers par les terroristes et prendre les mesures militaires afin que le désengagement ne se déroule pas sous leur feu.
Cest que la situation que nous décrivons se déroule sous les tirs incessants des missiles artisanaux et des obus. Nous en avons compté plus dune cinquantaine durant les dernières 24 heures et dix, uniquement ce matin, sur la localité de Sdérot, située dans le Néguev occidental israélien. Nos reporters notent que les organisations terroristes, Hamas, Jihad [1] et des composantes du Fatah, ont rompu unilatéralement la trêve décrétée le 8 février dernier en Egypte. En fait, ces organisations ne lavaient jamais réellement respectée mais lassassinat collectif de Netanya cette semaine, faisant cinq morts, ainsi que le décès de Dana Glakowitz jeudi, dans le village de Netiv Ha-Assara (voir carte), situé en Israël, des suites dun tir de Qassam, ont modifié le dispositif israélien. Tsahal, constatant que la trêve nétait plus du tout respectée, a repris cette semaine les frappes ciblées quelle avait interrompues au moins de septembre de lannée dernière. Ces trois derniers jours, dans la région de Gaza, les hélicoptères dassaut, mais aussi des drones télécommandés tireurs de missiles et même la marine, sen sont pris à des ateliers servant à fabriquer les Qassam et ont intercepté des groupes de lanceurs en voie de commettre leurs méfaits. Tôt ce matin, Sami a assisté de visu à lattaque aérienne de lune de ces formations de tireurs, qui étaient en train dassembler leurs rampes de lancement de Qassam dans le cimetière du camp de Shati, dans la banlieue de Gaza.
Carte de la bande de Gaza Encadrés en jaune, les lieux cités dans larticle, en vert, les régions doù sont tirés les Qassam et les obus de mortier
Les activités de larmée israélienne se déroulent également en Cisjordanie. Cette nuit, ses commandos ont procédé à larrestation de 26 terroristes, dont 24 membres du Hamas. Seize dentre eux faisaient partie dune cellule de Hébron et six de Bethlehem. Et puis hier, lors dune opération combinée aérienne et terrestre, Tsahal a donné la chasse à quatre terroristes de la même organisation, près de la localité de Salfit, à louest de la ville dimplantation dAriel. Les Israéliens étaient sur les traces dun chef terroriste important du nom de Hussam Fahmi. Dans un premier temps, le groupe de fuyards avait trouvé refuge dans une grotte. Repérés, ils ont été soumis à une intense attaque dhélicoptères, qui se solda par le décès dun terroriste et des blessures infligées à un deuxième. Fahmi et le quatrième homme réussirent à quitter leur abri pour se réfugier dans une autre caverne des environs, où les deux individus ont finalement été abattus suite à une traque terrestre. A noter quun commando israélien est venu récupérer le terroriste blessé, qui avait été transféré dans un hôpital palestinien de la région. Les soldats lont transporté en ambulance vers le centre de Tel Hashomer où il sera soigné et ensuite interrogé.
LAutorité Palestinienne contre les organisations terroristes
Dautre part, lAP, après avoir subi des pressions extrêmement consistantes de la part des Etats-Unis mais également de lUnion Européenne afin quelle agisse immédiatement pour mettre fin aux attaques contre Israël, a croisé le fer avec les terroristes islamistes à Gaza.
Condoleezza Rice sest longuement entretenue au téléphone avec Mahmoud Abbas jeudi soir. Selon nos sources à la Moukata de Ramallah, "la Secrétaire dEtat sest montrée précise comme jamais auparavant, allant jusquà menacer notre président de le laisser tomber, sil ne prenait pas ses responsabilités". Peu avant, Madame Rice avait délégué son assistant, David Welsh, à Ramallah pour préciser ses attentes à M. Abbas de façon orale. De plus en plus, les Américains se rallient à la lecture israélienne de la situation, pour rejeter lexplication dAbou Mazen, selon laquelle il serait trop faible pour faire face aux terroristes. Madame Rice a indiqué à son interlocuteur quelle savait quil disposait de 35'000 hommes armés, dont dimportantes unités délite bien équipées, "qui nont participé à aucune opération anti-terroriste depuis que le raïs a remplacé Yasser Arafat lannée dernière".
Pour être certaine dêtre bien comprise, et pour montrer la préoccupation très sérieuse de lAdministration U.S, Condoleezza Rice se rendra personnellement dans la région au début de la semaine prochaine. Les Etats-Unis favoriseraient un plan militaire pour Gaza, selon lequel les forces de lAP interviendraient dans le sillage de lopération israélienne attendue, dans le but doccuper le terrain et dempêcher que les islamistes imposent leur loi dans le territoire de Gaza après le retrait de Tsahal. Intervenant dans le même sens, un responsable de la CIA présent à Gaza même, a confié ce matin à El Soudi, que "les forces et les moyens dont dispose lAP sur place surpassent largement ceux des islamistes et quils suffiraient à eux seul pour faire régner lordre".
Sur le terrain, justement, les combats entre la police de lAP (4ème entité) et les terroristes du Hamas et du Jihad se multiplient. Hier, dans le quartier de Zeitoun, on a assisté à des scènes de guerre entre les protagonistes palestiniens. Une trentaine de combattants ont été blessés, alors que deux civils, qui assistaient à la bataille, ont été tués par des balles perdues.
Dans la même journée de vendredi, les hommes du Hamas attaquaient des postes de lAP au missile antichar et mettaient le feu à trois jeeps et à un blindé des forces nationales. Ces actes font suite aux déclarations du ministre de lIntérieur Nasser Youssouf en charge des forces de sécurité, qui a affirmé avoir reçu des instructions claires de la part de Mahmoud Abbas "duser de toutes les mesures nécessaires, y compris la force, pour empêcher les tirs de roquettes et de mortiers (contre les agglomérations israéliennes)".
Tôt dans la matinée de vendredi, les hommes de lAP avaient effectivement intercepté une camionnette du Hamas en route pour tirer des Qassam sur des agglomérations israéliennes. Lors de lincident, six membres du Hamas ont été blessés, dont deux étaient dans un état critique.
Lors dune conférence de presse tenue peu après, des représentants cagoulés du Hamas ont appelé à la démission de Youssouf, déclarant quil "mettait en danger lunité du peuple palestinien et que les évènements de Gaza constituaient un crime contre le peuple palestinien".
Ce samedi, la situation entre les islamistes et lAutorité est au bord de lexplosion générale. Chacun des deux camps protagonistes les loyalistes et les islamistes invitent leurs partisans à se montrer dans les rues, dans un exercice dintimidation très palestinien. A noter que les hommes des forces de lordre qui participent à cette démonstration de force ont le visage masqué, de crainte de représailles contre leur personne ou contre leur familles.
LAP a déclaré létat durgence dans lensemble de la bande de Gaza. La détérioration de la situation est à mettre sur le compte du non-respect de laccord passé la semaine dernière à Damas entre Mahmoud Abbas et Khaled Mashal, lun des chefs du Hamas, dune part, et Ramadan Shalakh, un dirigeant du Jihad de lautre. Aux termes de cet accord, les deux organisations terroristes sengageaient à respecter la trêve, en échange de la constitution de "comités nationaux de surveillance du désengagement israélien", dans lesquels les organisations terroristes auraient siégé aux côtés de lAP. Dans les faits, le Jihad avait rompu ses engagements avant même le retour dAbou Mazen en Palestine et les Qassam pleuvaient sur les Israéliens, tant dans les implantations en voie dabandon, que dans les agglomérations situées en territoire israélien.
Le non respect de lentente de Damas a amené le président de lAP à se soustraire également à ses propres engagements. Dimanche soir, une rencontre dite de la "dernière chance" devrait réunir à Gaza M. Abbas et les représentants des groupements islamiques armés. On sattend à ce que le président de lAP exige cette fois la soumission des terroristes, sous la menace dintervenir militairement contre eux en cas de refus.
Le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, a promis de donner à M. Abbas lopportunité de prendre le contrôle des organisations terroristes par ses propres moyens. Cela semble signifier que le gouvernement de Jérusalem attendra de constater les mesures opérationnelles prises par le chef de lAP à la suite de sa réunion avec les terroristes.
Manifestants édennistes du Grand Israël contre Tsahal, la police et les gardes-frontières
Retour au point de passage de Karni pour conclure cet instantané de la situation à Gaza. Pour y décrire cette étrange perspective visuelle, constatée par Jean Tsadik durant les journées de jeudi et vendredi : présentant leur dos à leurs camarades qui fourbissent leurs machines de guerre en préparation dune intervention à Gaza, dautres soldats et policiers, non armés, subissent les quolibets, les insultes et les provocations de centaines de manifestants. Des hommes, des femmes et de très jeunes enfants du courant juif religieux, venus pour la plupart des implantations de Cisjordanie (5ème entité) font face à la troupe.
Une femme, un bonnet en tricot sur la tête, avec une longue jupe noire qui lui descend jusquaux sandales, bouscule un jeune soldat en le traitant de "nazi". Tandis quil la repousse pour ne pas perdre pied, la manifestante se met à hurler, comme prise dhystérie : "ne me touche pas, tu nas pas le droit de toucher une femme !". Un peu plus loin, un étudiant hilkhatique présente à Jean Tsadik son avant-bras, sur lequel il a écrit son numéro didentité à lencre orange (la couleur du mouvement anti-désengagement). "Ils (les soldats) nous traitent comme les Allemands traitaient les Juifs", ose ladolescent, ignorant tout de ce qui sest passé à Auschwitz et à Maidanek.
Une scène du même genre de celle décrite par Jean Tsadik
Encore un peu plus loin, un colonel, venu inspecter les troupes en vue de lintervention à Gaza, est littéralement agressé par la foule démente. Pendant quil tente de parlementer poliment avec ses assaillants, ils le "collent" à son véhicule et le molestent, pendant que dautres lui poignardent ses quatre pneus. Un groupe de gardes-frontières qui a heureusement observé la scène, intervient fermement afin de secourir lofficier.
Ces altercations durent toute la journée ; "ils veulent nous user", affirme un jeune appelé, Moshé, qui porte lui aussi la kippa, "cest très dur dêtre insulté de la sorte, sans arrêt". "La décision de Sharon de fermer la bande les rend ivres de colère", poursuit-il, "ils comptaient avoir le temps de sinstaller par dizaines de milliers dans les implantations, pour nous empêcher de déloger les habitants. Sharon les a pris de vitesse et ça les fait dire et faire nimporte quoi".
Tsadik fait remarquer au jeune soldat sa kippa et lui demande quels sont ses sentiments personnels. "Dès que je revêts mon uniforme, je nai plus de sentiments personnels, ou plutôt, il ne men reste plus quun seul : des soldats israéliens qui refusent dexécuter les ordres et il ny a plus darmée et plus dIsraël ; et moi, jaime mon pays", termine Moshé, presque timidement. Il montre sans se retourner deux tanks dans son dos : "cest ça le combat dIsraël, leur ennemi, ce sont les terroristes qui veulent nous détruire, ça nest pas nous".
Lundi, les orange ont prévu une énorme marche sur les points dentrées de la bande. Ils se réuniront dans la ville de Nétivot (voir carte) et avanceront, rabbins anti-désengagement en tête, jusquau contact avec la troupe. Les organisateurs espèrent 100'000 manifestants.
Et si lopération militaire commence avant cela, on ferait du funambulisme sur une réserve de dynamite. Les terroristes palestiniens et lextrême droite israélienne opposés, chacun pour ses raisons, au désengagement. LAP et Tsahal oeuvrant peut-être dans le même sens, et le tout, sur un territoire grand comme un confetti, sur lequel vivent 1.3 millions dArabes et 7'500 Juifs.
On pourrait appeler cela la Semaine de tous les dangers !
Notes :
[1] Le Jihad Islamique Palestinien avait refusé de signer la trêve du Caire.
Retourner à l'article Instantanés d’un carnaval mortel |
Vous allez pouvoir personnellement participer à l’enrichissement éditorial de Vos textes seront publiés dans la mesure du possible dans la rubrique « courrier des lecteurs de Pour la publication, votre anonymat peut être respecté et votre courrier selon votre demande sera « anonyme » ou ne sera signé que de vos initiales ou de votre nom de plume ou d’un pseudonyme . Vous pouvez aussi nous préciser pour publication en plus de votre identité, vos titres, adresses et email. Nous respectons votre vie privée et vos coordonnées personnelles ne seront en aucun cas diffusées sans votre accord préalable. desinfos.com ne conserve aucune donnée personnelle sur le site. |