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Café Jénin-Jénin

Par Jean Tsadik © Metula News Agency

Nous venions de quitter la résidence de l’un de nos hôtes, et nous dirigions à pied vers un café de la Casbah, à la demande des visiteurs venus d’Europe, qui voulaient « prendre la température de la rue arabe ». Il était 8h environ, lorsqu’un concert cacophonique de klaxons et de haut-parleurs a retenti, dont les contenus superposés étaient difficiles à saisir pour qui ne pratique pas l’arabe journellement. Se dégageait cependant une remarquable intonation commune d’exaltation et d’émotion scandées, un peu comme dans le prêche de certains imams

J’eus à peine le temps de remarquer la gêne qui s’inscrivait sur les visages de nos amis palestiniens, que nous nous retrouvions au centre d’une authentique fantasia. Des gens criaient en l’air pour remercier le ciel, d’autres déchargeaient des Kalachnikov surgies de nulle part contre l’éther, tandis que des jeunes gens nous couvraient de bonbons et de baklavas, de même que les autres passants

Les Européens arboraient de larges sourires, persuadés qu’ils étaient tombés, par hasard, dans une sorte de kermesse spontanée, pendant que nos camarades arabes et moi-même commencions, au milieu du vacarme indescriptible, à appréhender la raison de ce débordement de joie

Assez rapidement, en l’espace d’un quart d’heure environ, les esprits se calmèrent. Il y eut, un peu plus tard, un bref sursaut de festivités de cinq minutes, une réplique en somme, lorsqu’à un haut-parleur on annonça « qu’au moins une chienne de sioniste avait été tuée dans l’attentat de l’Avenue Har-Zion à Tel Aviv ». L’annonce du meurtre de la jeune Maayan Naïm, âgée de 19 ans, fut ponctuée d’une incantation à la gloire d’Allah

la meute de chacals qui se réjouit de l’assassinat de la vie. (voir sa photo en pièce jointe) J’avoue que sur le moment, je fus pris d’un grand sentiment de désespérance, à me dire que nos efforts permanents de maintenir un dialogue sensé avec nos camarades intellectuels arabes étaient inutiles. A voir cette foule compacte se congratuler à l’annonce de l’assassinat de civils innocents, mon instinct prenant le dessus, me disait qu’il serait impossible à jamais de vivre en bonne intelligence avec ces « cannibales » et ma raison me disait que je n’avais pas de raison ni d’obligation de rechercher cette bonne intelligence et de tenter de partager quoi que ce fut avec ces adeptes de Moloch

La logique de ma présence à Jénin, le risque que je prenais à me trouver, sans défense, au milieu d’une foule qui me déchiquetterait sans le moindre doute ni la moindre hésitation, si elle connaissait mon identité me semblaient à ce point sans commune mesure avec l’horreur à laquelle je venais d’assister, que j’envisageai de rentrer chez moi. D’interrompre ce dialogue, au moins pendant quelques jours, jusqu’à ce que ma dialectique d’analyste et de professeur d’histoire me fasse y retrouver un sens

Je restais silencieux pendant que Fadi expliquait aux invités les raisons de la féria improvisée à laquelle ils venaient tout juste d’assister. Fadi faisait aux Européens un compte rendu sobre et factuel de ce qui s’était passé une heure et des poussières plus tôt près d’un arrêt de bus à Tel Aviv, selon le peu d’informations qui nous étaient parvenues. Il était évident, à l’écoute de ce compte rendu, que notre camarade palestinien rejette de toutes ses forces les assassinats collectifs d’Israéliens et qu’il était honteux du comportement de ses compatriotes

Les Européens accusèrent visiblement le coup, étonnés d’avoir constaté de leurs yeux une commémoration euphorique de la mort aveugle et raciste administrée à autrui. En entendre parler, par la bande, avec toute la pudeur que mettent les journaux européens à décrire ces actes contre-nature, lorsqu’ils sont le fait de Palestiniens est une chose, y participer en est une autre. Je crois aussi que ce qui a terrassé les invités, c’était qu’ils avaient cru véritablement assister à une fête et que tout d’un coup, brutalement, ils réalisèrent qu’il s’agissait d’un enterrement

« These guys are animals, they are silly ! » [1] décréta celui qui venait de Londres. « Moi aussi, » renchérit Giovanni, un analyste stratégique italien de Modène, « si j’avais des voisins de ce genre, je voudrais les cacher derrière un mur »

Suleiman essaya de plaider les circonstances atténuantes pour ses frères : « Ils pensent agir en situation de légitime défense contre les assassinats ciblés de nos dirigeants politiques », tenta-t-il. Cette remarque eut la propriété de retourner tout le forum contre son auteur. Giovanni rappela toute la différence qui existait entre le fait d’assassiner le plus grand nombre possible de civils, du seul fait de leur nationalité et de leur confession présumées et celui d’éliminer ceux qui commanditent ces crimes et se pâment de leur réalisation

"Pour eux, chaque mort en vaut une autre, il ne font pas la distinction

C’est ainsi qu’ils expriment leur espèce de vengeance contre les souffrances qu’ils subissent et contre l’humiliation", compléta Suleiman

Richard, le Londonien, demanda : « Etes-vous bien certain qu’il s’agisse d’une haine de réaction aux agissements israéliens et pas d’une haine causale des décisions de sécurité qu’ils sont amenés à prendre ? » Suleiman entama une réponse mais c’est Fadi qui lui coupa rapidement la parole : « Cesse, Suleiman, je te prie. Tu sais très bien qu’il s’agit d’une haine offensive et pas d’une haine de victimes. Ils sont éduqués à détester tout ce qui n’est pas arabe, de même que les leaders des pays arabes qui trahissent leurs peuples et qui nous abandonnent à notre sort ». Suleiman baissa la tête et Fadi s’adressa à tout le petit groupe : "Vous auriez du voir ce qui s’est passé ici à l’annonce des attentats du 11 septembre, ce furent deux jours d’extase.

Et lorsque Saddam Hussein lançait ses Scudds sur Tel Aviv, nos gens étaient ivres de bonheur. A l’époque, Cheikh Yacine et El-Rantissi étaient en vie et aucun Israélien n’avait encore eu l’idée du mur« , termina Fadi. »Nous avons un immense problème avec cela, inutile de s’en cacher,« admit-il encore, »la majorité des Palestiniens n’a toujours qu’une idée en tête, celle de détruire Israël et de massacrer ses habitants. Et chaque fois qu’un Israélien meurt, n’importe quel Israélien, cela constitue un sujet de grande satisfaction pour ces imbéciles, surtout si c’est un arabe qui les a tués"

Les péripéties de cette visite et la prise de position claire de Fadi me transportent à celle d’un arabe-israélien de Jaffa, répondant au nom de Sami Massarah. Massarah se trouvait dans l’autobus qui a été atteint par la bombe à l’ancienne gare centrale des autobus de Tel Aviv. Bien que blessé aux jambes par des boulons qui enrobaient la charge, Massarah a couru vers les autres blessés afin de leur prodiguer les premiers soins

Les terroristes n’avaient pas l’intention de n’assassiner que des juifs « Les terroristes n’avaient pas l’intention de n’assassiner que des juifs » a-t-il déclaré sur son lit d’hôpital, « ils voulaient tuer le plus de monde possible. Avant j’étais contre le mur mais maintenant je suis pour et je vais créer une fondation pour en soutenir la construction. Les Palestiniens sont stupides dans ce qu’ils font, ils n’obtiendront rien ainsi, à part de nous retourner, nous les arabes-israéliens, contre eux » conclut Sami Massarah

Avec à peine un jour de recul, je réalise que le sentier étroit et battu par toutes les tempêtes, qui mène à une coexistence pacifique entre les habitants de cette région est plus indispensable que jamais. Laisser aux fêtards de la mort que j’ai vus hier à Jénin la liberté de faire ébouler la montagne sur ce passage ténu équivaut à condamner toutes les générations à venir à la souffrance et au deuil. Sami Massarah, Fadi, Sami el-Soudi, Sari Nusseibah et ses 140.000 signataires, Mahmoud Abbas sont les gardiens du sentier. Il est absolument indispensable de faire l’effort, pas toujours évident en présence de l’horreur, de les distinguer de la meute de chacals qui se réjouit de l’assassinat de la vie

Ne pas lever les bras, en signe de reddition devant les terroristes, ne pas les baisser, par dépit face aux difficultés, voilà le lot peu enviable de ceux qui s’efforcent de construire la paix, tout seuls, dans leur minuscule atelier


Notes : [1] Ces gars sont des animaux, ils sont stupides !



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