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Abbas trouve soutien politique et millions à Paris
Hélène Keller-Lind
Article mis en ligne le 9 juin 2012

Un mois à peine après son élection à la présidence de la République, François Hollande reçoit Mahmoud Abbas le 8 juin, après avoir reçu le 6 juin Yaakov Amidror, Chef du Conseil de Sécurité Nationale d’Israël. La veille de cette rencontre, Laurent Fabius recevait le dirigeant palestinien, lui donnant un satisfecit pour sa conduite des affaires et un chèque de 10 millions d’Euros, comme premier acompte de versements à venir. Pourtant, la corruption palestinienne et les détournements des fonds versés, entre autres, par les pays européens font l’objet d’enquêtes et la direction palestinienne en place sans mandat est très contestée...

« L’un des principaux conflits dans le monde »

On sait que depuis son arrivée au pouvoir François Hollande a rencontré et rencontre une grande partie des dirigeants de ce monde. Il a également consacré du temps à des acteurs de ce qui est qualifié, à tort d’ailleurs, de conflit israélo-palestinien et par Laurent Fabius de « l’un des principaux conflits dans le monde » lors d’une conférence de presse le 7 juin. La France leur ayant tenu le même langage, selon le ministre, à savoir que « la négociation est le bon moyen d’avancer, encore faut-il évidemment que chacune des parties ait réellement la volonté d’entrer dans la négociation ».

Côté israélien, ce n’est pas le Premier ministre de l’Etat hébreu qui a été reçu, le Chef de l’État exprimant toutefois le « souhait de rencontrer prochainement M. Nétanyahou », mais un émissaire et personnage clef, puisqu’il s’agissait de Yaakov Amidror, Chef du Conseil de Sécurité Nationale d’Israël. Celui-ci était d’ailleurs porteur d’un message personnel de Benyamin Netanyahou pour le Chef de l’État Français.

Leur entretien a été résumé ainsi par l’Elysée : « Le chef de l’Etat a exprimé la volonté de la France d’engager avec Israël l’approfondissement de notre relation bilatérale et de développer les nombreux liens existant entre les sociétés israélienne et française dans tous les domaines. Ce partenariat confiant devra intensifier le dialogue politique sur les sujets d’intérêt commun et renforcer encore la proximité qui unit les peuples français et israélien ».

Yaakov Amidror était également reçu par Laurent Fabius et le Quai d’Orsay nous apprend que « cet entretien a permis de souligner la qualité des relations bilatérales franco-israéliennes et d’aborder les grandes questions de l’actualité internationale.
Le ministre a notamment souligné devant M. Amidror l’engagement de la France en faveur d’une solution de paix au Proche-Orient et sa détermination sans faille sur le dossier nucléaire iranien – sujets sur lesquels nous menons un dialogue permanent avec Israël ».

Rencontre Abbas Fabius : entente parfaite affichée, millions d’euros versés et quelques coups de griffe à Israël.

Autre tonalité pour la visite de Mahmoud Abbas à Paris dont on constate la grande satisfaction au début de la vidéo mise en ligne par le Quai d’Orsay Rencontre décrite ainsi par le ministère des Affaires étrangères français : « M. Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, est à Paris ce jeudi 7 et vendredi 8 juin. A cette occasion, il s’est entretenu avec le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères.
Cette visite, la première d’un dirigeant palestinien depuis le début du quinquennat, est l’occasion pour la France d’affirmer son engagement en faveur d’une paix juste et durable au Proche-Orient, qui passe par la création d’un Etat palestinien viable et souverain vivant aux côtés d’Israël en paix et en sécurité.
Ces entretiens permettront également de faire le point sur la situation politique et économique des Territoires palestiniens ainsi que sur nos relations bilatérales, qui se caractérisent par un important appui de la France à la mise en place des institutions du futur Etat palestinien ».

Mahmoud Abbas n’est pas reparti les mains vides. En effet, une convention était signée entre le dirigeant palestinien et Laurent Fabius, avec un versement de 10 millions d’Euros comme premier acompte. Ce que le ministre des Affaires étrangères expliquait ainsi, rappelant au passage les largesses antérieures de la France envers les Palestiniens et donnant au dirigeant palestinien un satisfecit pour sa conduite des affaires : « J’ai le plaisir aujourd’hui de signer en compagnie du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, une convention qui va permettre le transfert dans les jours à venir de dix millions d’euros à l’Autorité palestinienne. Il s’agit là de la première tranche de notre aide budgétaire au titre de 2012.
Cette aide est le signe de la confiance que nous accordons à l’Autorité palestinienne dans son remarquable travail de réformes et de transparence depuis 2007. Les résultats obtenus permettent aujourd’hui d’affirmer que l’Autorité palestinienne est prête à établir un Etat fonctionnel et viable, comme l’ont à juste titre souligné les organisations financières internationales et la communauté des bailleurs.
La France n’a cessé de soutenir le travail mené par le président Mahmoud Abbas et le Premier ministre Salam Fayyad. Avec cette contribution, elle aura versé 105 millions d’euros à l’Autorité palestinienne pour la seule aide budgétaire depuis la conférence internationale des donateurs pour l’Etat palestinien organisée à Paris en décembre 2007. Elle entend poursuivre son appui budgétaire à la consolidation des institutions palestiniennes. Les parties française et palestinienne sont convenues qu’une petite partie de la première tranche de l’aide budgétaire 2012 serait affectée à des priorités de l’Autorité palestinienne à Jérusalem-Est et en zone C.
Par ailleurs, la France met en ?uvre de nombreux projets de développements en Cisjordanie et à Gaza, via l’Agence française de développement (88 millions d’euros depuis la conférence des donateurs) et l’action de coopération de son Consulat général à Jérusalem.
La France saisit cette occasion pour appeler de nouveau l’ensemble des donateurs, à faire davantage pour soutenir l’Autorité palestinienne, à l’heure où celle-ci connaît une situation financière très délicate. Israël doit également faire plus pour aider l’Autorité palestinienne en permettant à celle-ci d’augmenter ses recettes propres et de diminuer ainsi sa dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure, et en levant les contraintes existantes au développement économique palestinien, tant en Cisjordanie qu’à Gaza ».

Israël tancé sur les « contraintes » imposées sans que les raisons en soient mentionnées, conditions et menaces palestiniennes, apparemment soutenues par la France

Nous avons souligné la dernière partie de l’intervention car elle n’a rien d’anodin, Israël étant directement mis en cause pour expliquer les difficultés financières palestiniennes. On notera également qu’au cours de cette signature le mot « sécurité » n’est guère utilisé. Il n’est pas dit une seule fois que si des « contraintes » existent, elles sont dues à d’incontournables et vitales considérations de sécurité de la part d’Israël...

D’ailleurs lors de leur conférence de presse commune, Mahmoud Abbas, indique qu’il est prêt à reprendre les négociations avec Israël, méthode qu’il dit privilégier, à condition, toutefois, qu’Israël accepte de « cesser la colonisation et accepte les frontières de 67 » - qui n’en ont jamais été, d’ailleurs. Faute de quoi, dit-il, les Palestiniens n’auront d’autre choix que de s’adresser à nouveau aux Nations unies, non pas pour délégitimer Israël, mais parce que c’est leur droit. Paroles prononcées avec un aplomb étonnant dès lors que l’on sait que l’Autorité palestinienne s’emploie justement à délégitimer l’État hébreu de mille et une manières, que ce soit dans ses médias, ses manuels scolaires, les campagnes de boycott qu’elle initie, etc. Et que des fonds versés, entre autres par la France, sont utilisés à ces fins.

Le lendemain de cet entretien fructueux pour lui, Mahmoud Abbas déclarait à l’issue de sa rencontre avec le Président de la République, que si les négociations ne reprenaient pas, alors il serait prêt à accepter un statut d’État non membre à l’ONU, à l’instar du Vatican ou de la Suisse, ce que lui avait conseillé de faire Nicolas Sarkozy qui n’avait pas voté en faveur de l’admission de « la Palestine » à l’Onu en septembre dernier. Admission qu’avaient alors réclamé les groupes socialistes au Sénat et à l’Assemblée nationale.

Lors de la rencontre au Quai d’Orsay, des allusions fines étaient d’ailleurs faites à la rencontre entre Laurent Fabius, alors envoyé du candidat Hollande, et Mahmoud Abbas et au soutien apporté par ce dernier, sans le dire ouvertement, à la candidature socialiste. De plus, il est clair que Laurent Fabius, très souriant, approuvait chaque mot prononcé par le dirigeant palestinien au cours de son intervention. Il faut voir la vidéo de cette conférence de presse pour en apprécier le climat...

Les réalités du terrain palestinien : corruption endémique et Droits de l’Homme bafoués

La confiance manifestée par la France à Mahmoud Abbas en matière de gestion et de « remarquable travail de réformes et de transparence » relève de l’illusion. Ou, comme l’écrit le journaliste Khaled Abu Toameh, à propos de l’affaire Mohammed Rashid, de la naïveté. Celle des Européens et des Américains qui déversent des millions sur des Palestiniens dont seuls les dirigeants en voient la couleur...Dans son article le journaliste pose cette question : « Combien vaut Mahmoud Abbas ? » Et il donne cette réponse : « Essayez donc 100 millions de dollars » Guère étonnant qu’il ait eu l’air hilare lors de sa rencontre avec Laurent Fabius...

Khaled Abu Toameh explique comment des millions de dollars ont été volés sous le règne de Yasser Arafat, « ce que sait tout enfant palestinien » et comment l’Autorité palestinienne vient de le « découvrir »...Découverte due en réalité au fait que l’un des aides de Yasser Arafat, Mohammed Rashid, vient de menacer de révéler les scandales financiers dont s,est rendue coupable cette Autorité...ce journaliste qui gagnait 1.000 dollars par mois est devenu milliardaire sous Yasser Arafat et s’est empressé de quitter les Territoires palestiniens à la mort de son mentor en 2004. Et l’Autorité palestinienne se réveille aujourd’hui, ayant déposé un mandat d’arrêt contre Mohammed Rashid après que celui-ci ait menacé de faire des révélations dans une interview à la télévision saoudienne et demandé une enquête sur la fortune de Mahmoud Abbas. Qui, selon lui, aurait détourné avec sa famille plus de 100 millions de dollars à ce jour.

Mohammed Rashid vient, en effet, à être condamné par contumace par un tribunal anti-corruption palestinien à rendre 15 millions de dollars et à 15 ans de prison. D’autres personnages étant également condamnés à de la prison et à rendre 8 millions de dollars pour l’un et 5 millions pour l’autre...

Réponse de Rashid sur Al Jazeera : c’est une condamnation politique et si je n’ai pas assisté au procès, c’est que l’environnement juridique est peu sûr...On notera que la Commission anti-corruption palestinienne n’a été établie qu’il y a deux ans et que le dossier Rashid ne lui a été transmis que début mai...

Le Rapport 2010 de l’organisation AMAN sur la corruption palestinienne est édifiant...Si quelques progrès étaient constatés, il n’en restait pas moins que « il y a une absence d’un désir fort et effectif parmi les partis politiques et les factions de combattre la corruption compte tenu de leurs luttes pour le pouvoir qui résulte de leurs divisions intérieures ». On trouve aussi une liste impressionnante de tous les facteurs qui rendent impossible un combat contre la corruption, l’un d’entre eux, et non des moindres, étant le fait que personne ne doive rendre de comptes, à quel niveau que ce soit...Autre facteur : « wasta » ou népotisme endémique...Bien entendu, au passage, « l’occupation » est rendue responsable de tous ces maux. Passage obligé. Mais la réalité de l’étemdue de la corruption à tous les niveaux, dans tous les ministères est bien là... Le tableau est bien sombre.

Et ne pensez pas que le Rapport 2011 soit meilleur...même si la pratique du népotisme semble avoir un peu régressé...Il y a toujours un énorme gaspillage des fonds publics, avec des salaires versés pour des emplois fictifs, un manque de transparence dans le nombre de fonctionnaires, etc.

Autre point intéressant qui est soulevé : le manque d’information du public, compte tenu de l’auto-censure pratiquée par les journalistes... Il faut dire que les journalistes palestiniens qui osent critiquer le pouvoir en place prennent de gros risques... La liberté d’expression n’étant pas un concept admis par l’Autorité palestinienne

Quant au syndicat des employés de la fonction publique palestiniens,établi il y a six ans, Mahmoud Abbas vient de le faire déclarer illégal par une Commission pro domo pour avoir critiqué l’Autorité palestinienne.

Par ailleurs, une dizaine de membres des services de sécurité palestiniens et 22 civils ont été arrêtés par les autorités palestiniennes début sans que l’on en sache grand chose, à la suite des tirs ayant visé le gouverneur de Jénine. Celui-ci étant décédé d’une crise cardiaque attribuée à sa frayeur lors de cet attentat. Un commissariat a également fait l’objet de tirs nourris dans un village du district de Jénine, ce qui serait lié à un trafic d’armes. . Il y a eu nombre d’arrestations dans le secteur pour stopper trafiquants de drogue et voleurs ainsi qu’officiers de police ripoux, nous apprend l’agence de presse Maan News. Les personnes arrêtées sont retenues dans des conditions faisant fi de la loi... la prison de « Jéricho étant devenue comme Guantanamo », selon un témoignage...

Un autre analyste de renom, Barry Rubin, souligne que « les dirigeants palestiniens ont recu plus d’aide financière par personne que quiconque d’autres dans l’histoire et pourtant les résultats sont remarquablement peu impressionnants. Ces dirigeants ont pillé cet argent et l’ont utilisé pour des pots-de-vin politiques pour acheter des soutiens. Soutiens signifiant des forces de sécurité énormes qui gardent l’Autorité palestinienne et des emplois et autres avantages pour ses partisans politiques ».

Barry Rubin note que bien que ne travaillant pas, les fonctionnaires de l’Autorité palestinienne dans la Bande de Gaza coninuent à percevoir des salaires, ce qui profite également au Hamas. Par ailleurs il souligne que « l’Autorité palestinienne ne peut fournir du travail pour la plupart des Palestiniens ou construire de bonnes institutions. Des appartements de luxe sont construits mais pas des hôpitaux, des écoles et les infrastructures ne sont pas améliorées ».

Quant à Salam Fayyad, qui est raisonnablement honnête, il fait ce qu’il peut, note Barry Rubin, mais est contesté à la fois par le Hamas et des dirigeants du Fatah qui veulent se débarrasser de cet empêcheur de tourner en rond. Il n’est encore en place, et dans une capacité réduite, que compte tenu des pressions occidentales. Qui devraient exiger un contrôle plus strict sur l’utilisation de ces fonds...

Au vu de tout ceci, l’Autorité palestinienne est-elle donc vraiment « prête à établir un Etat fonctionnel et viable » comme l’affirme Laurent Fabius ?



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