Une erreur n’est pas un crime de guerre

Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international

mercredi 5 décembre 2012, par Desinfos

D’après une information diffusée par Guysen.Israel.News , Nabil Chaath, haut responsable palestinien, aurait menacé Israë l de poursuites pour crimes de guerre, si la construction juive dans les Territoires disputés ne cesse pas : ’’Israë l continue àconstruire dans les colonies. Il s’agit d’un crime de guerre. Ce faisant, il nous pousse àsaisir la Cour pénale internationale’’, a-t-il affirmé.


Voilàle type même d’affirmation saugrenue que les médias particulièrement complaisants pour la cause palestinienne ne manqueront pas de répandre.

Certes, l’éditorial du journal «  Le Monde , daté du 5 décembre, n’est pas tendre pour Israë l.

Si l’on ne peut guère s’en étonner, il faut, cependant, admettre que, du point de vue juridique, il n’est guère possible, cette fois, de contredire les journalistes.

Mais, làn’est pas notre propos aujourd’hui.

Nous voudrions « tordre le cou  » àune contre-vérité, largement répandue.

Sans doute, il est vrai que la reconnaissance par l’AG des Nations Unies d’un (non) « Etat de Palestine  », dépourvu de territoire, voire même de gouvernement, va, toutefois, lui faciliter l’entrée quasi-automatique dans le « système des Nations Unies  », voire àla Cour pénale internationale (CPI).

Mais de lààimaginer que cela faciliterait la mise en accusation d’Israë l devant cette juridiction il y a – heureusement – un fossé quasiment infranchissable.

La « reconnaissance  » en tant qu’ « Etat  » de la « Palestine  » lèverait certes [les objections soulevées au printemps dernier par le Procureur auprès de la Cour. (Voir : La Cour pénale internationale et la « Palestine  » )

Toutefois, il faudrait, en premier lieu, que les Palestiniens (ou un quelconque Etat) puisse assigner Israë l devant la CPI.

Ce qui, en l’état du droit, est pratiquement impossible.

Dans le cas général, un Etat ne peut être assigné devant la CPI que s’il est partie au Statut de la Cour, ce qui n’est précisément par le cas d’Israë l,, qui n’a pas adhéré àla convention e Rome..

Et s’il est vrai que la saisine de la Cour est, également, possible àla demande du Conseil de sécurité de l’ONU, cette hypothèse est hautement improbable, du fait que les Etats-Unis, seul véritable Etat-ami d’Israë l, jusqu’àprésent du moins, ne manquerait pas de faire usage de son droit de veto.

Ainsi, contrairement àl’opinion erronée que nous avions émise dans notre point de vue ci-dessus rappelé, le changement de statut international de l’entité palestinienne, par le vote du 29 novembre dernier, sera sans incidence, sur le plan de la recevabilité àassigner Israë l devant la CPI.

Encore faudrait-il ensuite, que, sur le fond, Israë l puisse être, effectivement, accusé de crime de guerre, àpropos du développement des constructions dans les Territoires disputés et àJérusalem-Est.

Or, la méthode Coué n’étant toujours pas applicable en droit international, il n’en est rien.

L’accusation de « crime de guerre  » est, par elle-même, grotesque, dès lors que cette incrimination suppose, généralement, des atteintes portées àl’intégrité de personnes physiques, voire des destructions de biens.

Or, rien de tel n’a jamais été allégué àpropos de ces constructions, dont nous persistons, cependant, àdéplorer le développement, dans des territoires, qui ne sont pas dotés d’un statut définitif (ce qu’Israë l admet lui-même).

En cas de litige entre deux propriétaires voisins, généralement, l’un et l’autre doivent s’abstenir de toute initiative de nature àgêner le règlement du litige devant un juge.

Ici, aucun juge n’étant susceptible d’être saisi (en l’absence tout àfait invraisemblable d’accord de l’une et l’autre des deux parties), le sort définitif de ces territoires ne peut résulter, comme le souligne àjuste titre Israë l, qu’àla suite de négociations entre les deux parties.

Et dans l’attente – certes interminable – de négociations, il n’en demeure pas moins que toute initiative de nature àpeser sur ces négociations devrait être évitée.

Ne pas le faire constitue tout au plus une erreur, mais non un crime et encore moins un crime de guerre.

Ce n’est pas parce que les Palestiniens ont l’habitude d’employer les « grands mots  » (rappelons l’accusation de « génocide du peuple palestinien  » reproché àIsraë l, qui a été, parfois, inconsidérément avancé…) qu’il faut tolérer cet abus de langage.

Ce n’est même pas une violation du droit international, bien que cette accusation soit répétée àl’envi par certains gouvernements, qui se présentent, pourtant, comme « amis  » d’Israë l, tel le gouvernement français.

Nous mettons au défi quiconque de citer une quelconque disposition de droit international (y compris de la 4ème convention de Genève) qui serait violée par les « implantations  » israéliennes.

Il ne suffit pas d’affirmer – de crier « au loup  » -, encore faut-il prouver.

Mais, en conclusion, au risque d’indisposer certains internautes, nous nous permettons de rappeler qu’en droit international, « tout ce qui n’est pas interdit n’est pas nécessairement permis  ».

Car, il faut tenir compte des droits présents ou àvenir d’autres Etats.


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