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Politique palestinienne : en avant et vers le bas
Barry Rubin , THE JERUSALEM POST | Adaptation française de Sentinelle 5768 ©
Article mis en ligne le 24 mars 2008

Un éditorial récent du ‘Washington Post’ intitulé « Aidons les bons gars sur la Rive Occidentale » a fourni ce qu’il considérait être une bonne nouvelle : « heureusement, il y a un chef intelligent et honnête parmi ces forces : Salam Fayad, économiste apolitique (avec un doctorat de l’Université du Texas) qui est premier ministre de l’Autorité Palestinienne ». A retenir ici, le mot « apolitique », qui dans ce cas signifie : manquant totalement de toute base politique ou de soutien armé et donc totalement inefficace.

Hélas, Fayad n’est pas l’avenir de la politique palestinienne. Ceux qui contrôlent vraiment le Fatah, forment l’opinion publique palestinienne et portent des armes ne sont pas impressionnés par les diplômes de Fayad.

Pour beaucoup en Occident, la modération est comme la gravité : elle est impossible à rejeter. Pourtant, c’est précisément ce que fait la politique palestinienne. Trois facteurs alimentent ce courant.
D’abord, le Fatah et l’AP continuent d’être corrompus, incompétents et incapables de se réformer.

Ensuite, étant donné le culte de la violence et de la victoire totale dominant la culture politique palestinienne, le Hamas est inévitablement considéré comme héroïque parce qu’il combat et rejette tout compromis. Fondé sur la sous-estimation d’Israël (toujours vu au bord de l’effondrement) et surestimant ses propres forces (martyrs héroïques aidés par l’histoire et la divinité), il s’attend à vaincre.

Le compromis est une trahison ; la modération est lâcheté. Voilà le prix quotidien de l’idéologie et de la politique palestiniennes, convoyées par ses chefs, ses clercs, ses media et ses écoles.

Abbas dit à son peuple et aux autres, comme il l’a déclaré récemment à un sommet islamique, que les Palestiniens sont « confrontés à une campagne d’annihilation » par Israël. Le département d’Etat qualifie cela seulement de « rhétorique politique surchauffée », ne comprenant pas qu’un tel discours d’Abbas incite au terrorisme et exclut ses propres options.

Il est facile de justifier la violence, mais difficile de rationaliser la construction de la paix avec ceux dont vous dites qu’ils commettent un génocide contre vous. Voilà pourquoi l’AP fait des choses comme laisser « s’échapper » des terroristes « emprisonnés » qui ont assassiné deux randonneurs israéliens. Chacun de ces terroristes est considéré à la fois par l’AP et l’opinion publique comme un héros.

Troisièmement, du fait de sa propre faiblesse et de la forte culture politique qu’elle n’a jamais remise en cause, la direction actuelle ne peut pas faire la paix. Elle sait, au contraire des demandes occidentales, que négocier une solution politique la détruirait, et agit en adéquation.

Même ainsi, le Fatah subit un processus de radicalisation qui peut ne pas supplanter Abbas, mais installera son successeur. L’opinion publique est aussi plus extrémiste, avec le soutien d’un terrorisme montant en flèche. Le Fatah en tient compte et alimente le courant tout à la fois.

Ahmad Dahbour, ancien haut fonctionnaire du ministère de la culture de l’AP, aujourd’hui rédacteur principal du journal officiel de l’AP, explique : « L’ennemi sioniste traître ne nous permettra jamais d’atténuer notre vengeance, ou de nous écarter de notre confrontation contre lui, jusqu’à ce qu’il soit effacé de cette terre, qui est saturée du sang des martyrs ».

Ce qui est significatif n’est pas le langage de la soif de sang, mais son utilisation ouverte par quelqu’un au cœur des institutions « modérées ». Aussi les brigades des martyrs al Aksa, et le journal de l’AP ont qualifié l’assassin de huit étudiants juifs à Jérusalem comme l’un de ces martyrs héroïques.

Bien : nous voyons maintenant la naissance d’un nouveau Fatah, mais pas celui annoncé par l’ancien Premier Ministre britannique Tony blair ou la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice. Il s’agit plutôt d’une version encore plus extrémiste, venant de ceux qui brandissent des armes, pas des stylos, à savoir les brigades al Aksa. Contrairement à beaucoup de reportages, ce n’est pas une « ramification » mais une part essentielle du Fatah. Son chef, Marwan Barghouti, serait le chef du Fatah et de l’AP d’ici deux ans s’il n’était pas dans une prison israélienne pour ses activités terroristes passées.

Les ‘Brigades’ exigent le départ de Fayad et son remplacement par un “nouveau gouvernement qui n’abandonnerait pas la lutte armée ». Comme d’autres au sein de la direction palestinienne, sa stratégie n’est pas de combattre le Hamas, mais de s’allier avec. Malgré l’expulsion sanglante du Fatah de Gaza par le Hamas, tuer des Juifs efface tous les autres pêchés dans la politique palestinienne. C’est le mode de pensée qui rend totalement impossible de faire changer ce mouvement ou de le faire évoluer vers la paix.

Tant Barghouti que l’homme politique à la tête du Hamas, Ismail Haniyeh, surpassent Abbas dans les sondages.

La principale chose qui maintient Fayad à son poste n’est pas l’honnêteté ou la modération, mais le fait que le chasser signifierait dire adieu à la plus grande part de 7 milliards de $ d’aide occidentale, qui sera sans aucun doute dilapidée, ou pire. Pire signifie que beaucoup d’argent, comme les armes américaines abandonnées par le Fatah en fuyant Gaza, pourrait finir dans les mains du Hamas. Ou bien il passera au successeur d’Abbas.

L’une des raisons pour laquelle beaucoup d’Occidentaux se méprennent sur le conflit, et des pays adoptent des politiques ridicules et inadaptées, c’est l’ignorance de la façon dont l’extrémisme est attractif de son propre fait. Après tout, raisonnent les Occidentaux, si les gens sont tous semblables et universellement pragmatiques, les Palestiniens doivent vouloir mettre fin au conflit pour obtenir un Etat indépendant par la négociation et le compromis. Pourquoi souffrir ? Aucune personne « rationnelle » n’agirait de cette façon.

De là, beaucoup en Occident parviennent à l’une de ces deux conclusions :

1. Les chefs palestiniens veulent agir rationnellement mais ne peuvent pas faire la paix et parvenir à une vie meilleure pour leur peuple, parce que Israël ne leur permettra pas.C’est la position anti-Israël.

2. Ils désirent profondément y parvenir, et si l’Europe et l’Amérique y mettaient seulement beaucoup d’efforts et d’argent, la paix pourrait être vite obtenue. C’est la position « impartiale », qui se termine toujours en exigeant d’Israël des concessions dans l’espoir de cultiver la modération palestinienne.

Ce sont les articles d’une profession de foi inébranlable, imperméable à l’évidence et à l’expérience. Quand les chefs palestiniens rejettent la paix, ce doit être parce qu’on ne leur en a pas assez offert. Les Occidentaux pensent que le Fatah et l’AP ont simplement besoin d’augmenter les standards de vie palestiniens et d’obtenir un Etat pour montrer à leur peuple que le Hamas est un échec, et l’AP une réussite. Naturellement chacun préfère le succès.

Bien, cela dépend de la façon dont vous mesurez le succès. Aussi horrible que cela paraisse, selon la politique palestinienne, le succès est toujours mesuré par le nombre d’Israéliens tués, et par qui n’abandonne jamais la chance d’une victoire totale et la disparition d’Israël un jour. Triste, regrettable, mais vrai aussi.

Lors de sa dernière visite, la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice a dit à Abbas : « Nous devons garder en vue ce que nous essayons d’atteindre ». Dans les cercles diplomatiques aux USA, cela est passé pour un discours dur. Mais ce qu’Abbas essaie d’atteindre est très différent de ce que veut Rice.

Suivant les réalités stratégiques, Israël doit traiter avec l’AP et essayer de conserver le Fatah au pouvoir sur la Rive Occidentale. Mais il ne doit pas y avoir d’illusions. Il n’y aura pas de résolution du problème. Le placer au sommet des agendas des gouvernements occidentaux, blâmer Israël du fait de l’intransigeance palestinienne, et idéaliser le Fatah et l’AP est une faute lourde.


L’auteur est directeur du “ Global Research in International Affairs Center” au Centre Inter Disciplinaire d’Herzliya et rédacteur de « Middle East Review of International Affairs ».


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