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La montée en puissance de Kadhafi et l’impuissance accrue de l’ONU
par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 8 mars 2008

De récents événements mettent en évidence le retour en force de la Libye sur l’échiquier international et la faiblesse de la société internationale (le terme de « communauté », généralement utilisé, ne nous paraît plus opportun pour évoquer un ensemble, dont les éléments témoignent d’une totale absence d’adhésion à un minimum d’intérêts communs).

Tout d’abord, à la fin de la semaine dernière, la Libye avait elle-même demandé la convocation du Conseil de sécurité, au nom du groupe des Etats arabes à l’ONU (groupe de fait, mais non institutionnalisé et la Libye est le seul Etat arabe membre du Conseil de sécurité, actuellement), pour une réunion d’urgence, après le lancement de l’opération israélienne « Hiver chaud », qui faisait suite à des tirs incessants de roquettes palestiniens sur son territoire, à partir de cette zone.

Dans une déclaration, non publiée officiellement, le Conseil, avait-on appris, condamnait ces violences, mais malgré de longues discussions, n’avait pu s’entendre sur un projet de résolution rédigé par la Libye. Le texte, qui souhaitait condamner en termes durs l’offensive israélienne, s’était notamment heurté à l’opposition des Etats-Unis.

Il faut savoir qu’une déclaration, dépourvue de toute force juridique, émanant du président en exercice du Conseil de sécurité (en l’occurrence pour le mois de mars, le représentant russe), et sensée présenter la position des membres de cet organe sur une question, suppose un consensus, c’est à dire l’absence d’opposition. En l’occurrence, l’absence de consensus explique l’absence de déclaration officielle.

Mais, de plus, la Libye ne pouvait pas espérer obtenir le vote d’une résolution, qui, certes, ne nécessite pas l’unanimité, mais seulement une majorité de 9 voix, car les Etats-Unis avaient laissé entendre qu’ils exerceraient leur droit de veto.

La Libye avait alors, fait savoir mercredi qu’elle allait amender son projet, dans le but de pousser à un vote la semaine prochaine.

C’est dans ce contexte qu’est survenu le tragique massacre de Jérusalem, jeudi soir.

C’est, cette fois, les Etats Unis qui ont demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité. Ils ont tenté de faire adopter une résolution disant que les membres du Conseil de sécurité « condamnent dans les termes les plus fermes l’attentat terroriste intervenu le 6 mars 2008 à Jérusalem qui a tué ou blessé des dizaines de civils israéliens ».

Mais, c’est alors la Libye, soutenue par plusieurs autres membres du Conseil de sécurité, qui aurait «  bloqué  » (souligné par nous) l’adoption du texte. Les Libyens voulaient inclure dans la résolution un passage condamnant la récente incursion israélienne dans la bande de Gaza. Le représentant permanent des Etats-Unis s’y serait opposé en disant que tuer des étudiants dans une école est différent de tuer des civils sans intention de le faire, comme c’était le cas à Gaza. Le représentant permanent de la Russie, qui préside, donc, ce mois-ci le Conseil, aurait approuvé.

En l’occurrence, il semble donc que la Libye était en mesure de compter sur une opposition d’au moins 7 membres du Conseil, y compris, peut-être, certains membres permanents (outre les Etats-Unis et la Russie, qui semblaient acquis à la résolution, il y avait la Chine, la France et la Grande-Bretagne) et cela même, si en l’espèce on imagine mal un de ces membres permanents faire usage du droit de veto dont il dispose pour s’opposer à l’initiative américaine. Mais l’abstention de l’un d’entre eux n’était pas exclue.

Et, parmi les membres non-permanents, si l’on peut penser que l’Italie et la Belgique auraient soutenu le projet de résolution, il n’est pas certain qu’une majorité suffisante se serait dégagée en faveur du texte. Outre l’opposition de la Libye, il y aurait eu certainement celle de l’Indonésie.

Le soutien dont bénéficiait Israël, autrefois, en Amérique latine et en Afrique ne semble plus automatique, actuellement (comme en témoignent les votes des pays de ces groupes géopolitiques à propos d’une résolution scandaleusement déséquilibrée au Conseil des droits de l’homme le jour même de l’attentat de Jérusalem), de telle sorte qu’on ne sait pas la position qu’auraient adopté Panama et le Costa Rica d’une part et l’Afrique du sud et le Burkina Faso, d’autre part. De même le soutien du Vietnam et de la Croatie n’était pas acquis.

On comprend mieux, dans ces conditions, que les Etats-Unis aient préféré ne pas courir devant un échec de leur projet de résolution, qui eut constitué un camouflet, que le président Bush préférait éviter.

Ce qui met en évidence l’impuissance de l’ONU, au niveau de son organe principal, chargé de la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Ce n’est certes pas la première fois que l’Organisation mondiale fait la preuve de cette impuissance. Il suffira simplement d’évoquer, actuellement, la crise du Darfour, dont les Nations Unies sont saisies depuis, maintenant, plusieurs années, sans être en mesure d’y apporter une solution concrète. La « force hybride », prévue, en liaison avec l’Union africaine est loin d’être opérationnelle.

Mais s’agissant du Moyen Orient, cette impuissance remonte, aux origines mêmes de la création de l’Etat d’Israël, puisque, comme nous l’avons déjà, à maintes reprises évoqué, ici même, l’ONU a été incapable d’assurer la sécurité de l’Etat d’Israël, qui, pourtant, avait été créé à son initiative.

Les « casques bleus » se sont toujours révélés inefficaces (à l’exception de la FNUOD sur le plateau du Golan) et sur le plan des initiatives de caractère juridique, le texte de la résolution 242 du Conseil de sécurité, dont la traduction en français contredit la lettre et l’esprit de la version originale en anglais, illustre sinon une certaine duplicité, du moins une faiblesse évidente.

Et pendant ce temps là, indépendamment de l’accueil chaleureux et grotesque que le nouveau chef de l’Etat français lui a réservé, celui qui est toujours, officiellement, le Guide de la grande révolution de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste se refait une « virginité » au plan international et à l’ONU, en particulier.

Les centaines de morts de Lockerbie et de l’avion de l’UTA au dessus du Niger, sont apparemment oubliées, depuis qu’elles ont été « rachetées » au prix de millions de dollars, mais, en grande partie, « récupérés » dans le cadre de l’arrangement financier lié à la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien, odieusement, maintenus en captivité pendant plusieurs années.

La Libye en vient à « damer le pion » aux Etats-Unis.

Est-ce une version moderne de « David et Goliath » ?



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