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Enseignement de la Shoah
Josette GUIGUI Professeur de Lettres Classiques
Article mis en ligne le 18 février 2008

Avant de commencer je voudrais citer les termes exacts employés par le Président de la République : « Mais c’est d’abord à la mémoire et à la transmission de la Shoah vers les jeunes générations que la France doit consacrer toute son attention et toute son énergie. Nous le devons aux victimes. C’est surtout notre meilleure arme contre le racisme et l’antisémitisme, et notre seule protection contre la réitération des faits et le réveil de la bête immonde... »


« ... Mais cette éducation doit être suffisamment précoce pour toucher aussi les cœurs. C’est dans les premières années de l’éveil de sa conscience qu’un enfant doit être élevé dans le rejet absolu du racisme. En même temps, je sais qu'il n'est guère facile d'initier des enfants de primaire à la complexité de la seconde guerre mondiale et de la solution finale. C’est pourquoi j’ai demandé au gouvernement, et plus particulièrement au ministre de l’Education nationale, Xavier DARCOS, de faire en sorte que désormais, chaque année, à partir de la rentrée scolaire 2008, tous les enfants de CM2 se voient confier la mémoire d’un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah. Rien n'est plus intime que le nom et le prénom d'une personne. Rien ne touche autant un enfant que l'histoire d'un autre enfant de son âge, qui avait les mêmes jeux, les mêmes joies, et les mêmes espérances que lui, mais qui, à l'aube des années 40, avait le malheur de répondre à la définition de juif. 

A Paris, au mémorial de la déportation, chacun verra donc le nom de l'enfant dont le souvenir lui aura été confié. Et pas un seul de nos enfants ne pourra oublier qu'en dehors de cette inscription, ce n'est qu'entre ses mains que subsiste un petit fragment de mémoire de cet enfant. »


Extrait du discours prononcé le Mercredi 13 février à l’occasion du Dîner annuel du C.R.I.F.


Je tiens à rappeler ces paroles avec précision et non utiliser ce que les médias ont bien voulu retenir.


Ma première réaction sera d’ailleurs à propos des médias et notamment des blogs de « réactions » ou de « commentaires » que tous les journaux ont cru bon d’ouvrir pensant ainsi appliquer la fameuse maxime de la liberté d’expression

Eh bien j’ose le dire tout haut : Le résultat est un véritable gâchis !


Depuis « Libération » jusqu’au « Figaro », on trouve dans ces messages anonymes bien sûr, un déferlement de haine, d’insultes, de propos injurieux à l’égard du Chef de l’Etat, et malheureusement un antisémitisme plus ou moins implicite.

Evidemment mes messages dénonçant cela n’ont été publiés dans aucun journal : c’est la preuve de l’objectivité du soi-disant médiateur !

Alors je m’exprime dans cet article qui sera diffusé largement.


Je vais reprendre les principales objections à ce projet, qui, rappelons-le, a été annoncé par le Chef de l’Etat mais dont l’application sera confiée aux spécialistes de l’Education Nationale.


1 : On demande souvent « pourquoi les enfants juifs et pas les autres enfants victimes des guerres ? »


Faut-il rappeler que le Président de la République a parlé des 11000 enfants FRANÇAIS victimes de la Shoah : il s’agit là donc d’enfants qui ont été déportés avec la complicité de la police de Vichy, c’est donc un épisode de l’Histoire de France et rappeler ces événements, c’est dans la droite ligne du devoir de mémoire de la France.


2 : on met en avant les réactions négatives de personnalités juives : notamment Elie WIESEL et Simone VEIL : leurs réactions à vif peuvent s’expliquer par le choc émotionnel provoqué par le souvenir de ce qu’elles ont vécu enfants.

Cela s’explique aussi par le silence qu’ils ont voulu garder longtemps après ces moments dramatiques : ils ont commencé à parler très tard et avec pudeur, cette annonce a été peut-être trop brutale pour eux.


Mais quand j’entends d’autres réactions (principalement celle de l’UEJF toujours vigilante à l’enseignement de la Shoah et aux manifestations d’antisémitisme) je me dis qu’on a saisi là encore une occasion de transformer cette annonce en affaire politique et électorale : ce qui est tout à fait scandaleux !


3 : On a peur de « traumatiser » les enfants : ne le sont-ils pas par des images d’actualité ou même par des films qu’on leur propose ?

Par ailleurs j’ai toujours eu le souvenir d’avoir vu dans les conseils officiels de lectures de l’Education Nationale 

« Le journal d’Anne Franck » ou dans les documents d’histoire le film « Nuit et brouillard » : ces documents sont tout aussi « durs » que l’histoire d’un petit français juif déporté

Enfin en tant qu’enseignante, pendant « la semaine d’éducation contre le racisme » j’ai reçu des Déportées qui sont venues témoigner avec réalisme de ce qu’elles ont subi : elles n’ont rien occulté, tout a été dit, entendu et commenté avec dignité et émotion : tous les élèves quelle que soit leur religion, quelle que soit leur communauté ont écouté avec respect et ensuite nous avons pu TIRER UNE LECON DE TOUT CELA en élargissant le problème.


Car voilà ce que l’on oublie : il y a là une démarche pédagogique qui doit amener les enfants à la réflexion.


Un autre exemple me vient à l’esprit : combien de fois pour sensibiliser les enfants à une collecte humanitaire (téléthon, famine en Afrique, enfants soldats) leur a-t-on montré des images très dures (j’en veux pour preuve le journal distribué dans les écoles primaires avec le consentement de tous « Le Petit Quotidien »)

Nous n’avons jamais entendu ce tollé et nous n’avons jamais vu des enfants traumatisés comme ils le sont parfois par la violence des jeux vidéos ou autres films qui les poussent à l’imitation des « folies » des héros.


Donc encore une fois il y a une mauvaise foi évidente dans l’argumentation présentée contre ce projet.


Je n’ose avancer une explication mais pourtant il faut y penser : n’est-ce-pas parce qu’il s’agit des « enfants juifs » ?


4 : Dernier point de mon argumentation : on a peur des réactions en classe : mais a-t-on si peu confiance dans l’honnêteté intellectuelle des enseignants ?


Ne les croit-on pas capables d’intégrer cette démarche dans tout un contexte qui amènera l’enfant à devenir lui aussi un témoin de cette période horrible puisque les témoins disparaissent peu à peu.


Je peux garantir que toute mesure de ce genre s’accompagne d’un appareil pédagogique qui permet à l’enseignant d’intégrer cela dans une suite ; c’était d’ailleurs aussi le cas pour la Lettre de Guy Mocquet : une dizaine de textes (lettres et textes littéraires) accompagnaient le document à lire et permettait un véritable travail (historique, moral littéraire et …politique si on le souhaitait)


Alors je vous dirai en conclusion que cette mesure ne me choque pas, que je serai très fière d’entendre mon petit-fils se pencher sur ces tragiques moments de notre histoire, de même que je suis très émue lorsque je vois de jeunes élèves tenir une pancarte avec un nom d’enfant déporté lors de la cérémonie de commémoration de la Rafle du Vieux Port ou que j’entends un élève lire la dernière lettre d’un déporté à la cérémonie de la Place Daviel.


Cela découle de la même démarche et n’a jamais été contesté !


Alors pourquoi aujourd’hui ?

Parce qu’on veut l’institutionnaliser ?


Il faut croire justement que tout se relâche tellement qu’on doit avoir recours à ce moyen.


Josette GUIGUI Professeur de Lettres Classiques

Secrétaire Générale de Judaïsme & Liberté Région Provence



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