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Vers un décollage des accords agro technologiques Israël-Pays du golfe ?
Par Bertrand Ramas-Muhlbach
Article mis en ligne le 23 juillet 2022

Le 14 juillet 2022, les États-Unis, Israël et les Émirats arabes unis ont annoncé un plan de coopération dans le secteur alimentaire. La question portait, notamment, sur le développement de « parcs alimentaires » en Inde au moyen d’investissements des Émirats arabes pour un montant de 2 milliards de dollars.
. Pour Abraham Yehouda (directeur d’India-Israel Initiatives, chargé d’approfondir la coopération entre Israël et l’Inde dans le domaine de l’agro-technologie), « cette annonce est un coup de fouet pour la coopération régionale

En réalité, ce rapprochement en augure certainement d’autres, toujours dans le domaine des techniques agro alimentaires (parfois à la traîne) : ceux d’Israël et des pays du Golfe », boostés par la visite du Président américain Joe Biden à Jeddah, le 15 juillet 2022.

Israël est leader dans le domaine de la technologie agricole et pionnier dans l’utilisation de technologies peu consommatrices d’eau (telles l’irrigation au moyen du système de goutte à goutte ou encore de cultures hydroponiques). Par ailleurs, et sur un plan géographique, l’Etat juif et les pays du Golfe sont confrontés au même climat aride et partagent les mêmes préoccupations s’agissant de la culture de terres désertiques. Or, compte tenu de ce que les pays du Golfe sont grandement demandeurs des techniques agro technologiques israéliennes, les accords devraient incontestablement décoller dans les mois à venir.

Rappelons que, dès avant la visite de Joe Biden à Djeddah, les relations commerciales entre Israël et les pays arabes dans le domaine des techniques agro alimentaires ne se portaient pas si mal. Agrint Sensing Solutions, entreprise israélienne qui utilise des capteurs pour identifier les arbres fruitiers (pommiers, poiriers, oliviers, amandiers avocatiers cerisiers, manguiers, dattiers…) infectés par des chenilles, commercialise depuis de nombreux mois ses outils technologiques aux Émirats arabes unis, mais également au Koweït ou en Arabie saoudite (biens que ces deux derniers n’aient pas encore établi de liens officiels avec Israël).

De même, la société israélienne BioFishensy (qui a développé un système automatisé pour le traitement des étangs de pisciculture industrielle) travaille sur le gigantesque projet saoudien, Neom (dirigée par le prince héritier d’Arabie saoudite dans le cadre du plan « Vision 2030 ») pour construire la plus grande ferme piscicole de la région moyennant un coût de 500 milliards de dollars.

Enfin, Nirit Ofir (experte en agro technologie et chercheuse au centre Ezri de l’Université de Haifa) a fait part de son optimisme concernant les liens entre Israël et les pays arabes (y compris ceux qui n’ont pas encore normalisé leurs relations diplomatiques avec l’Etat juif) : « L’industrie agro technologique est un excellent exemple de la façon dont les liens entre Israël et le Golfe se développent en dehors des pays de l’Accord d’Abraham, même dans des pays sensibles comme le Koweït, le Qatar et l’Arabie saoudite, qui n’ont pas établi de liens ».

Il n’est donc pas surprenant que les relations économiques entre Israël et les EAU soient en pleine essor : le commerce bilatéral non pétrolier entre les Émirats et Israël a dépassé 2,5 milliards de dollars de septembre 2020 à mars 2022. D’ailleurs, au cours des trois premiers mois de 2022, il a même atteint 1,06 milliard de dollars, soit cinq fois plus que le chiffre atteint au cours de la même période en 2021.

C’est donc logiquement que, le 31 mai 2022, Israël et les Émirats arabes unis ont signé un accord historique de libre-échange pour supprimer les droits de douane (d’un montant de 96 % sur le commerce bilatéral). Les responsables politiques ont même annoncé une augmentation des transactions commerciales d’un montant supérieur à 10 milliards de dollars dans les cinq ans à venir.

Il n’en demeure pas moins vrai que depuis la signature des accords d’Abraham de 2020, les entreprises israéliennes regrettent la longueur des délais pris pour passer les accords avec les pays du Golfe.

L’agronome israélien, Yaron Drori (associé de la société de Conseil Etza Agriculture) s’est exprimé sur les délais pris pour la signature de contrats avec les pays signataires des accords d’Abraham depuis 2020 : « les industriels israéliens se sont rendus à Dubaï pour évoquer les perspectives résultant des nouveaux accords » déplorant : « ils ont du faire face à de nombreuses difficultés pour les lancer ».

Pour sa part, Ofer Sachs, PDG de Herzog Strategic Group (ancien directeur général de l’Israeli Export Institutes), qui conseille les multiples entreprises israéliennes désireuses de commercialiser leurs outils (hydroponiques, dans la conservation de l’eau ou la pisciculture) au sein des pays du Golfe, a récemment fait part de la lenteur du développement des relations industrielles entre Israël et les pays du Golfe : « Les entreprises israéliennes voulaient voir une mise en œuvre rapide et des retours sur investissement. Nous pouvons maintenant dire que les choses ont évolué beaucoup plus lentement que prévu », ajoutant, « Faire des affaires dans le secteur agricole n’est pas aussi facile que prévu ».

De même, Ronen Redel, vice-président du développement commercial de la société Vertical Field, Green Walt basée à Rahanna (technologie intelligente de culture verticale des aliments frais) a annoncé (début 2021) la signature d’un protocole d’accord avec une entreprise émiratie pour installer ses équipements agricoles aux Émirats Arabes Unis. Il entendait d’ailleurs utiliser les Émirats arabes unis comme centre de réexportation de ses inventions.

Or, un an et demi plus tard, il a admis : « Pour diverses raisons, le protocole d’accord ne s’est pas concrétisé » reconnaissant : « Une chose que nous apprenons, c’est que les choses bougent beaucoup plus lentement dans le Golfe par rapport à Israël ; nous nous adaptons à la culture d’entreprise ».

Redel reste toutefois confiant, persuadé de la pénétration prochaine par Vertical Field du marché des pays du Golfe. Il est d’ailleurs en cours de finalisation de nouveaux protocoles d’accord avec d’autres entreprises, « y compris certaines dans des pays qui n’ont pas adhéré aux accords d’Abraham ».

Actuellement, et compte tenu de l’absence de normalisation officielle des relations entre Israël et l’Arabie saoudite, les industriels israéliens ont recours à des sociétés enregistrées à Chypre, aux États-Unis ou en Europe pour travailler dans le Royaume. Lorsque les deux auront normalisé leurs relations, les flux économiques seront nettement plus fluides.

Les intérêts communs entre Israël et la pays du Golfe dans le domaine des agro technologies sont évidents : Israël a la technologie et le savoir faire, alors que les pays du Golfe ont les besoins et les finances. Pour autant, les entreprises israéliennes découvrent que les pays de Golfe sont plus frileux qu’ils ne l’imaginaient, et c’est bien logique : Israël a été diabolisé par ses voisins arabes depuis 74 ans. Les relations ne peuvent donc se nouer sur un claquement de doigts. Le contexte peut toutefois laisser raisonnablement optimiste. Il convient juste, pour Israël, de gagner la confiance de ses partenaires arabes du Golfe.



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