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«La haine du Juif est une attaque contre l’humanité»
de Sir Jonathan Sacks | Publié le 21 juin 2007 sur http://www.totallyjewish.com/
Article mis en ligne le 8 juillet 2007

Parmi les avertissements sérieux concernant la montée de l’antisémitisme en Grande Bretagne et à l’étranger, un nouveau livre Antisémitisme : la Haine Générique sera publié aujourd’hui à la mémoire du célèbre chasseur de nazi Simon Wiesenthal. Voici un extrait exclusif de son chapitre, Mutations d’un Virus, le Grand Rabbin Sir Jonathan Sacks a insisté sur l’importance de la différence dans une société et insiste sur le fait que l’antisémitisme nuit aux personnes antisémites aussi bien qu’aux personnes visées par l’antisémitisme.

Pourquoi l’antisémitisme existe-t-il ? Il existe un nombre presque infini de spéculations. Certains y voient des termes psychologiques : une peur déplacée, l’externalisation d’un conflit interne, une projection de la culpabilité, la création d’un bouc émissaire. D’autres lui ont donné une explication sociopolitique : les Juifs représentent un groupe pouvant facilement être blâmé pour des ressentiments économiques ou des troubles sociaux.

Cependant, d’autres le considère par le prisme de la culture et de l’identité : les Juifs ont été des intrus stéréotypés contre lesquels un groupe peut se définir lui-même. Pourtant, d’autres, notent la concentration d’antisémitisme parmi les croyants - la chrétienté et l’Islam - retraçant la descendance de leur monothéisme à Abraham, et préfèrent une explication freudienne en terme du complexe d’Å’dipe : nous cherchons à tuer ceux qui nous ont donné la vie. Il aurait été étrange en effet, si un phénomène si complexe n’avait pas donné naissance à une multitude d’explications.

Ma propre opinion, ne contredisant pas forcément ces hypothèses, est celle stipulant que les Juifs sont haïs car ils sont différents. Chaque peuple, race et croyance est différente. Aucune, pourtant, n’a autant insisté sur le fait d’avoir le droit d’être différent, le devoir d’être différent. L’existence Juive augmente, et l’a toujours fait de sa forme la plus aigue, le problème de la différence.

Il y a quelque chose d’inhabituel, et même d’unique, dans la foi du judaïsme, la première croyance monothéiste au monde. La totalité de la foi juive est basée sur la proposition selon laquelle Dieu a fait une alliance avec toute l’humanité. C’est cette alliance, avec une insistance sur la loi de la justice et la sanctification de la vie, qui est la première insinuation de ce que nous connaissons aujourd’hui comme étant les codes universels des droits de l’homme. Pourtant, le judaïsme lui-même n’est pas, et n’a jamais été considéré, comme un code universel. C’était le code d’un peuple particulier. De là est issu un fait remarquable selon lequel le Judaïsme ne se considère pas comme l’unique chemin vers Dieu. Le paradoxe apparent peut être désigné simplement : le Dieu d’Israël est le Dieu de toute l’humanité, mais la religion d’Israël ne l’est pas, et n’a pas l’intention d’être la religion de toute l’humanité. Afin de comprendre ce phénomène, il faut rechercher une conclusion théologique concernant l’antisémitisme.

En faisant l’humanité à Son image, et effectuant une alliance avec toute l’humanité, Dieu se tourne vers une personne, une famille et un peuple, et lui demande d’être différent, enseignant de ce fait à l’humanité la dignité de la différence. Les civilisations universelles sacrifient l’individuel pour le collectif. Elles obligent l’homme à servir l’Etat au lieu que l’Etat ne serve l’humanité. Notre humanité existe, non pas en dépit, mais précisément grâce à notre unicité individuelle. Le Judaïsme est une alliance individuelle avec le Dieu universel, car c’est uniquement et à travers notre particularité que nous sommes entièrement humain, et c’est seulement par nos familles, nos communautés, nos langues et traditions que nous protégeons et soutenons notre humanité.

Donc, être Juif, c’est porter le fardeau et la dignité de la différence. La mission du peuple de l’alliance est d’être vrai envers sa propre foi tout en contribuant au bien des autres : « par vous, toutes les nations de la terre seront bénies ». Dieu a posé deux défis. Pour Israël, avons-nous le courage d’être différent ?

Pour les autres nations du monde, faisons-nous de la place pour la différence ? L’échec du premier entraine l’assimilation ; le second l’antisémitisme.

Antisémitisme - le cas type de la haine de la différence - est plus qu’une attaque contre les Juifs. C’est une compréhension défectueuse de ce qu’est un être humain. Trois conclusions s’en suivent : l’une pour les Juifs, la seconde pour les antisémites et la troisième pour l’humanité dans son ensemble.

Pour les Juifs, la réponse à l’antisémitisme est de le combattre mais de ne jamais l’intérioriser ou l’accepter dans ses propres termes. L’une des erreurs faites par les Juifs bons, honorables et réfléchis était de croire qu’étant donné que les Juifs sont l’objet de l’antisémitisme, ils en étaient aussi la cause. C’est ainsi qu’est née la psychologie torturée connue comme la haine de soi du Juif : les Juifs cessant de se définir comme la nation aimée de Dieu et se considérant plutôt comme un peuple haït des païens. C’est une erreur tragique. L’antisémitisme n’est pas causé par les Juifs ; ils n’en sont que sa cible. La haine est une chose qui peut nous arriver, mais ça n’est pas ce que nous sommes. Il ne peut jamais être la base d’une identité.

Aux antisémites, nous devons dire ceci : nous ne rendrons jamais la haine par la haine. Etre Juif signifie travailler à la paix et la justice ; la revanche appartient à Dieu, pas à nous. Pourtant, la vérité doit être dite, à savoir que l’antisémitisme est un disfonctionnement psychologique profond, une maladie masquée comme une cure.

L’antisémitisme a été l’arme du choix des tyrans, des dictateurs et des gouvernants d’états totalitaires. Il détourne les troubles publics vers la colère, la pauvreté, l’ignorance, la maladie, les inégalités économiques et la négation des droits de l’homme. Il redirige l’indignation de son réel objet vers un ennemi mythique chargé de pouvoirs supernaturels. C’est la raison pour laquelle celui pour qui la liberté, la démocratie et le régime de la loi est important, ne doit jamais cesser de nous rappeler que l’antisémitisme fait du tort à celui qui l’est autant qu’à la personne à laquelle il est destiné.

A l’humanité l’argument doit être simple et direct. L’antisémitisme - la haine de la différence - est une agression non seulement envers les Juifs mais envers la condition humaine en tant que telle. La vie est sacrée car chaque personne est différente. Chaque langue, culture et civilisation ajoute quelque chose d’unique à l’héritage collectif de l’humanité. Un monde sans place pour les Juifs est un monde sans place pour la différence, et un monde dans lequel il n’y a pas de place pour la différence est un monde dans lequel il n’y a pas de place pour l’humanité elle-même.



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