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L’homme du siècle  
Par Paul Greenberg |Jewish World Review.  Adaptation française de Sentinelle 5767 ©
Article mis en ligne le 24 juin 2007

Kurt Waldheim est mort. Cela est rapporté dans le ‘New York Times’, et nul doute dans tous les autres bulletins officiels  - depuis son certificat de décès jusqu’à  CV complet. Ses papiers ont toujours été en ordre, sa carrière bien documentée  : diplôme de droit de l’université de Vienne  ; une succession de postes diplomatiques culminant avec sa nomination de ministre des affaires étrangères d’Autriche, de Secrétaire Général des Nations Unies  ; de président de l’Autriche...

Il n’y avait nul besoin d’aller dans les détails et de mentionner son service dans les Balkans comme officier des services de renseignements dans la tristement célèbre 714ème division d’infanterie de la Wehrmacht. Avec ses complices croates, la 714ème a mené une campagne meurtrière contre les partisans dans et autour de Kozara dans l’ouest de la Bosnie. En talentueux bureaucrate de papier dès cette époque, le lieutenant Waldheim servit aussi au Monténégro et en Macédoine, où il fit un travail identique.

Et puis il y eut sa période à Salonique. Sa communauté juive comptait environ 60.000 âmes et fut « relocalisée » à Auschwitz, mettant fin à une histoire qui remontait au temps où les Juifs s’enfuirent là pour échapper à l’inquisition espagnole. Kurt Waldheim déclara ensuite qu’il était stationné sur une colline en dehors de la ville à l’époque, et ne vit jamais rien sortant de l’ordinaire. La disparition d’un tiers de la population de la ville doit avoir été difficile à manquer, mais peut-être pensait-il que tous ces wagons de marchandises était une ligne d’émigrants.

Ce chapitre entier de son existence ne fut jamais mentionné dans le Curriculum Vitae de Herr Dr Waldheim. Pour des motifs officiels, l’histoire était que le lieutenant Waldheim avait été blessé sur le front russe en 1942, puis renvoyé chez lui pour obtenir son diplôme post-universitaire. Son service dans les Balkans fut totalement effacé. Homme modeste, il ne mentionna jamais que son nom avait été inscrit sur le bulletin d’honneur de sa division, ou la décoration qu’il reçut du régime fasciste de Croatie. Pourquoi attirer l’attention sur lui ?

Les agences de renseignement alliées connaissaient l’implication de Waldheim dans ces campagnes génocidaires. De même les soviétiques. Il figurait même sur la liste de criminels de guerre suspectés, nommée par les Yougoslaves. Mais cette distinction fut perdue dans la confusion d’après guerre. A côté de cela, un diplomate expérimenté pouvait être de quelque utilité de tous côtés au cours de la Guerre Froide. Pourquoi ne pas enterrer le passé ? Assez tôt, le Maréchal Tito conféra au Docteur Waldheim le titre de membre de « l’Ordre de la Grand Croix du Drapeau Yougoslave ».

Ce ne fut que des décennies plus tard qu’un professeur d’histoire de l’université de Caroline du Sud - Robert E. Herzstein - commença de fouiller dans les archives, et trouva la preuve des services complets de Kurt Waldheim sur les champs de meurtres des Balkans. D’abord, le Dr Waldheim ne put se souvenir d’avoir été quelque part à proximité. Puis il prétendit n’y avoir été que comme traducteur, et pas comme agent de renseignement. Plus tard, quand sa mémoire fut rafraîchie, il ne put se souvenir d’avoir été le témoin de quoi que ce soit d’anormal.

Il n’y avait rien dans les archives pour rattacher le diplomate distingué à ces atrocités, au moins jusqu’à ce qu’un « W » pour Waldheim apparût sur une demande de rapport d’un commando britannique qui avait été exécuté. Le lieutenant Waldheim avait aussi signé le texte d’un feuillet de propagande envoyé derrière les lignes russes : « Assez de la guerre juive, tuez les Juifs, allez y ».

Mais cela n’était que votre feuillet antisémite standard. Et abattre des prisonniers alliés derrière les lignes allemandes n’était pas inhabituel. Il n’y avait rien de personnel pour chacun d’entre eux. Cela ne se produisit jamais avec Kurt Waldheim ; l’impersonnalité fut sa marque de fabrique, la routine bureaucratique sa couleur de protection.

Kurt Waldheim joua purement un rôle de clerc dans ces atrocités. Il aurait pu aussi bien être une machine à écrire pour toute l’âme que le boulot exigeait. Un peu plu tard, en tant que secrétaire Général des Nations Unies, il se tiendrait prêt quand l’Assemblée Générale fit passer sa tristement célèbre résolution « le Sionisme est une racisme ». 

Quand les Israéliens conclurent leur mission de secours audacieuse à Entebbe le 4 juillet 1976, sauvant un avion plein de passagers qui avait été détourné dans l’antre meurtrier d’Idi Amin Dada, ce fut le secrétaire Général Waldheim qui objecta que le raid constituait « une sérieuse violation de la souveraineté nationale d’une nation membre des Nations Unies ».

Le Dr. Waldheim était toujours à cheval sur la procédure. L’homme n’était pas haineux ; c’était un bureaucrate. Des choses affreuses pouvaient être accomplies par la Wehrmacht, ou approuvées par l’ONU, mais il ne faisait qu’y travailler. Il ne voyait en cela que le travail administratif en bon ordre. Quels que soient les crimes qu’il rendit possibles, personne n’accusa jamais Kurt Waldheim de n’être rien moins qu’un professionnel.

Hannah Arendt, dans son étude mémorable sur Adolf Eichmann, eut un qualificatif pour ce phénomène moderne dépersonnalisé : la « banalité du mal ». La haine précédant le 20ème siècle pouvait bien être une affaire pénible, désorganisée. La technologie moderne en fit une science industrielle.

Criminel de guerre, Kurt Waldheim ? Il ne fit que signer des documents dans ses attributions officielles ; il ne les accomplit jamais. Plus tard, il serait toujours perplexe, et pas même un peu irrité, que certains pensent qu’il puisse être tenu pour responsable de chaque petite bribe de papier qu’il n’ait jamais initié. Ses accusateurs cherchaient du sang sur ses mains, et il n’y trouvèrent jamais que de l’encre. Il mourut dans son lit, à 88 ans. 

Que doit-on dire de Kurt Waldheim, à sa mort ? On pourrait aussi bien vouloir juger une machine. Et pourtant il faut y prêter attention. Parce que de grandes organisations - des armées, des gouvernements, des corporations, des agences internationales- n’ont pas de conscience d’eux-mêmes. Ils doivent dépendre d’individus pour leur en apporter. Et quand un individu doté de quelque compétence administrative ne fait pas que suivre les ordres, mais les raffine, les poursuit et les initie, en s’assurant qu’ils seront pleinement efficaces, il n’y a pas de limite au mal qui peut être accompli.


http://www.jewishworldreview.com/cols/greenberg062007.php3
 



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