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Prasquier : je ne serai pas l’homme du communautarisme
CRIF
Article mis en ligne le 2 juin 2007

Richard Prasquier était l’invité de l’émission « les matins de France Culture » le 31 mai. Le président du CRIF a eu l’occasion de s’exprimer très largement sur l’organisation dont il a la responsabilité depuis le 13 mai 2007 et quelques unes de ses missions en répondant aux questions sans complaisance de quatre chroniqueurs de la station culturelle de Radio France.
Nous vous proposons un résumé des principales questions/réponses du président du CRIF.

Question : Le CRIF est-il partisan politiquement ?

Richard Prasquier : Le CRIF n’a pas à prendre de position dans le débat politique en France. Il est bien évident que tous les membres du CRIF étant des citoyens français, chacun d’entre eux a son opinion qu’il exprime. Le CRIF a donné pour seule instruction lors de l’élection présidentielle, de ne pas voter pour des partis extrémistes.

Le CRIF n’est pas une organisation politique, il intervient dans le champ politique pour représenter les juifs de France.

Q : Le CRIF représente-t-il l’ensemble des juifs de France ?

RP : Je ne suis pas sûr que tous les juifs de France se sentent représentés par le président du CRIF, ce qui n’a rien d’exceptionnel. Nous avons par exemple des représentants syndicaux qui parlent au nom de l’ensemble des travailleurs alors que les travailleurs syndiqués représentent, je crois, 8% des salariés. Par ailleurs, je ne voudrais surtout pas que le CRIF soit un mouvement « des Juifs » de France car, là, nous serions en plein communautarisme et ce n’est pas du tout l’orientation que je compte donner au CRIF.

Q : La communauté juive vit-elle un repli communautaire ?

RP : Je fais une distinction assez claire entre communauté et communautarisme. Ce que l’on appelle communément le repli identitaire, le communautarisme, est souvent un phénomène réactionnel que je trouve extrêmement triste. Mais il existe chez beaucoup de parents, une crainte pour leurs enfants que l’on a parfois désigné ou agressés parce que juisf. Cependant, on constate que près de la moitié des élèves juifs inscrits dans des établissements privés l’ont été dans des établissements privés catholiques. Ce qui montre que ce phénomène, n’est pas dû uniquement à un repli sur soi communautariste.

Q : Au moment des commémorations des quarante ans de la guerre des six jours le 5 juin prochain. Quel est votre regard sur 1967 ?

RP : Pour les gens de ma génération, 1967 est un souvenir fort, le mois de mai surtout m’a plongé dans un grand désarroi. Le sentiment de solitude à cette époque m’a extraordinairement marqué et, une partie de ce que j’ai fais ultérieurement dans la vie, a été peut-être la conséquence de ce sentiment de solitude.

S’il y a des souvenirs qui restent quarante ans après, et qui ont laissé de lourdes traces dans la mémoire israélienne, c’est l’embargo que le général de Gaulle a décrété sur Israël. L’appréciation de la France par les Israéliens reste colorée continuellement par ce souvenir,.

Q :40 ans après, pourquoi Israël reste-t-il figé dans les erreurs de l’époque ?

RP : Je pense que le conflit israélo palestinien n’est clairement pas un conflit dont les clefs seraient uniquement entre les mains du gouvernement israélien. Ce serait trop simple. Pour moi le conflit israélo palestinien est un conflit en cercle concentrique. Il y a le conflit israélo palestinien et puis il y avait le conflit d’Israël avec le monde arabe et puis un troisième cercle géopolitique qui était à l’époque la guerre froide de l’URSS contre les Etats-Unis et qui était finalement l’élément constructeur de l’ensemble de ce conflit. Aujourd’hui ce troisième cercle a été remplacé par le mouvement islamiste révolutionnaire, radical, Al Qaida et les extrémismes chiites qui colorent et qui englobent l’ensemble des autres conflits. Ils ont fait notamment du conflit israélo palestinien quelque chose d’inextricable alors que les rapports entre Israël et les Palestiniens auraient pu évoluer depuis longtemps.

Q : Y a-t-il un durcissement de la position de la communauté juive de France vis-à-vis de ce conflit ?

RP : La communauté juive de France est très proche d’Israël. Mais je parlerais d’une désillusion plutôt que d’un durcissement. Comme beaucoup, j’ai espéré dans les accords d’Oslo en 1993, j’ai cru qu’une nouvelle époque allait survenir. Et comme beaucoup, j’ai été profondément déçu lorsque je me suis rendu compte que ces accords n’empêchaient pas l’éducation palestinienne de rester sur les mêmes stéréotypes et sur les mêmes discours de haine qui avait été les siens. Or, l’éducation est un élément fondamental parce que c’est elle qui construit les nouvelles générations.

Q : Pensez-vous comme votre prédécesseur Roger Cukierman qu’il y a une incompatibilité entre la politique étrangère de la France et sa politique de lutte contre l’antisémitisme ?

RP : La politique étrangère de la France se fait en France. Nous n’avons pas à indiquer quelle sera la politique étrangère de la France. Mais en tant que citoyens français, nous devons nous exprimer sur ce sujet et je le ferai. Nous avons eu le sentiment pendant de nombreuses années qu’il y avait effectivement une sorte de distorsion entre d’une part la politique de la France, du gouvernement français et du Président de la République Jacques Chirac, dans leur refus total de compromission avec l’antisémitisme et leur désir de faire vivre la mémoire et d’autre part dans la politique étrangère de la France.

Q : Nicolas Sarkozy a dit vouloir « en finir avec la culture de la repentance » qu’en pensez-vous au regard des discours que prononçait Jacques Chirac en 1995 sur la responsabilité des crimes de Vichy ?

RP : Le discours de Jacques Chirac en 1995 est fondateur et a permis ultérieurement d’insister sur ceux parmi les Français qui ont aidé les Juifs à se sauver pendant la guerre puisque plus des deux tiers de la communauté juive de France a pu échapper à la déportation. Ce discours a permis plus tard, cette magnifique cérémonie de janvier 2007 au Panthéon où les justes de France ont été honorés. De ce point de vue, la France a fait un travail remarquable, complet, progressif qui a pris beaucoup de temps et qui a commencé très en retard.

La mémoire de la Shoah et l’enseignement de la Shoah doivent continuer impérativement. Il faut réfléchir sur la meilleure façon de former les jeunes dès maintenant, surtout depuis que les jeunes générations se modifient et que le nombre de survivants capables de parler se réduit. Nous devons également réfléchir à ce que cette mémoire se traduise en comportement.

Le plus important est de sauvegarder la culture de l’Histoire, le goût pour la vérité des faits. Je pense qu’un pays qui reconnaît la vérité, se grandit dans tous les cas, même s’il reconnaît qu’à un certain moment de son histoire son comportement n’a pas été à l’intérieur des limites de la morale telle que nous la désirons.

Par ailleurs, je suis personnellement très attaché à ne pas englober sous le terme de responsabilité l’ensemble d’une population. On commet toujours une faute en généralisant. Cependant si on ne le fait pas, on ne trace plus la ligne entre le bien et le mal. Personnellement, je ne suis pas victime de la Shoah, nous ne sommes pas victimes de père en fils. Mon rôle à moi est de faire vivre l’Histoire.

Q : Est-ce que le négationnisme aujourd’hui vous semble encore représenter un danger en France ?

RP : Le négationnisme est une variante de l’antisémitisme. Le négationnisme n’a aucune justification ni aucun sens historique. Il n’y a pas un seul historien sérieux qui puisse défendre les thèses négationnistes. Le négationnisme est une façon particulièrement perverse d’exprimer sa haine des juifs. Comme toutes les formes d’antisémitisme, il représente un danger. Il s’agit en fait d’un problème de psychologie humaine. On entre ici dans des domaines qui devraient être davantage étudiés et peut-être même dans l’enseignement de la Shoah. Il faudrait avoir une réflexion plus poussée sur cette facilité qu’à l’individu, d’une part à obéir à l’autorité, à se laisser porter par l’autorité et par le groupe et d’autre part, cette facilité qu’à l’individu de croire à des mythes qui lui permettent de conforter la façon dont il voit le monde.

Pour écouter l’intégralité de l’interview : http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/matins/fiche.php?diffusion_id=53373 (France Culture)



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