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Une affaire très sensible, mais quand même
Par David Ruzié, professeur de droit international, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 21 mai 2007

Sur le site web de Haaretz, on apprend, aujourd’hui, qu’au cours d’une conférence donnée, à l’Université de Bar-Ilan, l’ambassadeur des Etats-Unis a qualifié de très sensible le cas de Jonathan Pollard

Cet espion de nationalité américaine, dont nous avons, déjà, évoqué le cas, ici-même, il y a un peu plus de deux ans. (www.desinfos.com/impression.php?id_article=3158)

Nous partageons, tout à fait cette façon de voir de Richard Jones sur ce que nous appelions, à l’époque « l‘énigme Pollard », mais nous sommes à la fois déçu et choqué par plusieurs considérations faites par le diplomate américain.

Déçu, tout d’abord, que Richard Jones ait dit qu’il était improbable que Jonathan Pollard, condamné à perpétuité soit un jour libéré.

Mais, surtout, choqué qu’il ait considéré que le fait qu’il n’ait pas été exécuté constituait un acte de clémence de la part de Washington.

Comme nous l’indiquions, à l’époque, la peine infligée à Jonathan Pollard était particulièrement disproportionnée par rapport aux autres peines infligées à des espions ayant agi pour le compte d’autres Etats - ces peines allant de 2 à 10 ans de prison.

Rappelons que ce scientifique juif américain fut condamné en 1987, à la détention à vie, pour avoir transmis des documents secrets à un pays étranger, en l’occurrence Israël.

Or, élément qui ne fut pas pris en compte, ni à l’époque, ni aujourd’hui, c’est que Jonathan Pollard, qui, en tant qu’analyste travaillait depuis plusieurs années pour le compte de la marine américaine, avait certes transmis directement certaines informations au gouvernement israélien, mais, cela au motif que les autorités militaires américaines omettaient volontairement de transmettre un certain nombre de renseignements relatifs aux équipements chimiques, biologiques et nucléaires, dont cherchaient à se doter l’Irak et la Syrie.

Or, en 1983, le président Reagan avait pris l’engagement de communiquer à Israël tous les renseignements vitaux concernant la défense de cet État, qui parviendraient à la connaissance des États-Unis.

Certes, on ne contestera pas qu’il n’appartient pas à un citoyen de s’ériger en censeur de la politique de son pays et de s’affranchir des lois en transmettant à un Etat étranger, même ami, certains secrets.

Mais, il y avait là, à l’évidence, une circonstance atténuante, qui ne lui fut pas reconnue.

Jonathan Pollard méritait, certainement, une sanction mais pas celle d’être privée à vie de sa liberté.

De là à dire, comme vient de le faire, le diplomate américain que Jonathan Pollard peut - nous nous permettrons l’expression - s’estimer heureux de ne pas avoir été exécuté, il y a un pas que nous estimons choquant d’avoir vu franchir par Richard Jones.

A notre connaissance, en effet, le seul cas, - depuis la seconde guerre mondiale - d’une exécution pour trahison, intervenue aux Etats-Unis, fut celle des époux Rosenberg.

Or, sans nous prononcer sur la culpabilité réelle des deux éléments du couple, ni sur la justification, dans leur cas, de la peine capitale, il y avait, en tout cas, une différence fondamentale dans les deux hypothèses de trahison.

Les époux Rosenberg étaient poursuivis pour avoir trahi au profit de l’Union soviétique qui, le moins que l’on puisse dire, n’était pas un pays ami des Etats-Unis, à l’époque de la guerre froide.

Il leur était reproché d’avoir transmis des renseignements stratégiques, dans le domaine nucléaire, à l’Union soviétique, à une époque où ce pays n’était pas encore détentrice de l’arme atomique.

Rien de tel dans le cas de Jonathan Pollard, qui crut bien faire, en se substituant à la carence des autorités américaines, qui avaient omis de transférer à Israël, des renseignements de nature à permettre à ce pays d’assurer sa défense.

Dans le cas précédent, c’était la défense des Etats-Unis qui était en jeu, dans celui de Pollard c’est celui d’Israël, un ami des Etats-Unis, qui l’était, ce qui est totalement différent.

Le fait que, selon le diplomate américain, Pollard ait été rétribué pour son activité illégale n’est pas de nature, à nos yeux, d’aggraver son cas, en quelque sorte que ce soit.

Il est - au risque de nous répéter - choquant que Richard Jones ait accusé Jonathan Pollard d’avoir vendu son pays.

A la limite, le fait d’avoir été rétribué par les Israéliens était simplement de nature à atténuer la « beauté du geste », qui consistait à venir en aide à un pays ami des Etats-Unis.

De façon ridicule, l’ambassadeur américain a estimé que le fait d’avoir aidé un ami rend encore plus sensible cette affaire pour les Américains.

On ne voit vraiment pas pourquoi.

Eut-il été préférable d’aider un ennemi des Etats-Unis ?

Apparemment, Richard Jones a mal assimilé la maxime, souvent citée : « protégez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge ».

En fait, c’est un écrivain français du XVIIIème siècle, travaillant, par ailleurs, au ministère de la guerre, qui avait fait dire à un de ses personnages : « Garantissez-moi de mes amis....je saurai bien me défendre de mes ennemis ».

Et nous avouons ne pas comprendre pourquoi, selon Richard Jones, ses compatriotes seraient d’autant plus sensibles au fait qu’un ami aiderait quelqu’un à trahir son pays.

Quel rapport avec le calvaire enduré par Jonathan Pollard depuis plus de 21 ans ?

Cette sanction nous paraît, de fait, infâmante et attentatoire à la dignité humaine, pour avoir, sans doute, au pris d’une trahison, seulement cherché à aider un ami de son pays.



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