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Interview de Roger Cukierman
Propos recueillis par Hélène Keller-Lind
Article mis en ligne le 12 mai 2007

A quelques jours de la fin de son second mandat Roger Cukierman a accepté de dresser un bilan de ses deux présidences successives pour Téléj. Un bilan extrêmement positif, même si Roger Cukierman a exprimé quelques regrets.

TéléJ : Vous êtes Président du CRIF pour quelques jours encore, jusqu’aux élections du 13 mai 2007. Qu’allez-vous faire ensuite ?
Roger Cukierman : On verra ! Je resterai actif mais je ne veux pas faire n’importe quoi. Je ne vais pas jouer les collecteurs d’argent, par exemple.

TéléJ : Resterez-vous vice-Président du Congrès Juif Mondial et du Congrès Juif Européen ?

R.C.
 : Je le suis en tant que Président du CRIF. Mais j’en discuterai avec le nouveau Président.

TéléJ : Est-ce que cette présidence et le travail considérable que vous y avez fait vont vous manquer ?

R.C.
 : Oui. Je quitterai le CRIF avec une certaine nostalgie, bien légitime.

TéléJ : On a beaucoup dit que vous deviendriez le Président des « Amis du CRIF »...

R.C.
 : Non, avec l’Association « Les Amis du CRIF » je n’ai pas bâti un outil pour moi ! Le Président du CRIF en est Président de droit et je l’ai bâti pour renforcer le CRIF et pas pour être un contre-pouvoir.

TéléJ : Depuis combien de temps êtes-vous Président du CRIF et comment qualifiez-vous votre présidence ?

R.C.
 : Depuis six ans, soit deux fois un mandat de trois ans. Six ans de combat. Je me suis battu pour des causes nobles. Contre l’antisémitisme, l’antisionisme, pour le devoir de mémoire, les droits de l’Homme.
Mais tout cela a été un travail d’équipe, avec Haïm Musicant et le Bureau exécutif.

TéléJ : Quelles ont été les innovations sous votre présidence et où en est le CRIF aujourd’hui ?

R.C.
 : Un véritable outil a été créé pour l’harmonie des Juifs, le dialogue avec les médias, avec la société française non juive.
Il y avait deux Commissions statutaires, il y a aujourd’hui 17 Commissions de travail très variées. Elles démultiplient notre action. Il y a, par exemple, la Commission de travail avec les Catholiques, les Musulmans, les Protestants, les Noirs, les ONG...
Et nous avons aussi démultiplié notre action dans les régions avec un CRIF dans 13 régions et 7 en Ile de France. Elles ont copié le Dîner annuel du CRIF à Paris, en invitant toutes sortes de sommités, avec généralement un ministre. Tout l’establishment de la région, la plupart des personnalités locales y sont invités, avec des Maires, Sénateurs, Députés, Juges, etc. Et cela a eu un succès spectaculaire, le même succès que le Dîner du CRIF à Paris avec le Premier ministre. L’implantation régionale du CRIF, qui existait déjà, a donc été renforcée.
Sur le plan financier le budget du CRIF a été multiplié par trois et il est aujourd’hui de 600.000 €. Le personnel a été multiplié par deux et il y a plus de locaux occupés.
La newsletter, qui est un véritable journal créé il y a 18 mois, touche 200.000 foyers en France et une version en anglais est envoyée une fois toutes les deux semaines aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.
Il y a une revue de presse papier, une revue d’Etudes dirigée par Marc Knobel. Et il y a eu la création de « l’Association des Amis du CRIF » il y a un an.
Plusieurs Colloques ont été organisés, dont deux à la Mairie de Paris, l’un sur la laïcité, l’autre sur l’affaire Dreyfus. Un Colloque sur les réfugiés, un autre sur l’Iran à la Mutualité. Nous avons eu notre Convention Nationale très suivie à Marly-le-Roi.
Et nous avons organisé de grandes manifestations : celle du 7 avril 2002, avec 130.000 personnes à Paris et d’autres manifestations en province, soit un total de 200.000 personnes. Des Juifs pour la plupart, ce qui est considérable sur une population juive de 600.000 personnes... Ou la grande manifestation à la mémoire d’Ilan Halimi.
Autre point : le succès remporté dans l’affaire Al-Manar qui a été interdit d’antenne en France.

TéléJ : Il y a eu innovation aussi avec les contacts entretenus avec gouvernement et partis politiques.

R.C.
 : Oui, ces deux ou trois dernières années nous avons construit des contacts avec le gouvernement mais aussi avec tous les partis politiques. Et j’ai été invité aux Congrès Nationaux du PC, du PS, de l’UDF ou des Radicaux. Les seuls Congrès Nationaux auxquels je n’ai pas été invité sont ceux de l’UMP !

TéléJ : Lors de votre Colloque National vous aviez commandé un sondage très intéressant qui montrait que la population française avait bien compris le danger posé par le régime iranien en place.

R.C.
 : Oui, ces sondages que nous avons commandé et payé à la SOFRES ont aussi été une innovation. Sondages sur l’Iran, la Francophonie, l’affaire Raymond Barre.

TéléJ : Avez-vous vu une évolution dans les médias par rapport à Israël sous votre présidence ?

R.C.
 : Nous avons pu avoir une influence sur l’amélioration des relations avec les médias ces 4 ou 5 ans. Notamment avec des médias régionaux, en organisant des voyages de presse nationale et régionale non juive en Israël. Par petits groupes de 10 à 15 journalistes. Nous avons emmené des rédacteurs en chef individuellement. Et il y a un an nous avons emmené 45 élèves de l’Ecole de journalisme de Sciences-Po. Tout cela a contribué à faire perdre certains a prioris.

TéléJ : Vous avez parfois été critiqué...

R.C.
 : J’ai été énormément critiqué au début. Certains ont même dit que c’était moi qui créait l’antisémitisme ! Puis tout ça s’est calmé.
Autre critique : certains disent que le CRIF n’es pas assez proche d’Israël, d’autres que nous ne sommes pas l’ambassadeur d’Israël en France, que ce n’est pas notre rôle. Il y a les deux points de vue.
A ceux qui disent que nous ne sommes pas assez proches je réponds qu’il est difficile d’en faire plus en étant Président du CRIF. Il faut faire très attention de ne pas prêter le flanc aux critiques. Mais en tant que citoyens français nous devons défendre la nécessité d’un équilibre, d’une approche équilibrée en ce qui concerne Israël.
Aux seconds nous disons qu’Israël et Jérusalem sont aussi précieux pour nous que la prunelle de nos yeux. Nous avons un attachement religieux, un attachement intense, et nous avons été élevés dans l’amour de l’Etat d’Israël. Même si je peux comprendre que certains ne se sentent pas concernés. Il y a même des Juifs comme Ygal Sivan qui ne se sentent pas concernés.

TéléJ : On a dit aussi que le CRIF ne représente pas vraiment tous les Juifs de France.

R.C.
 : Il représente les Institutions juives de France. Et si beaucoup ne s’y reconnaissent pas il représente une immense majorité.
Certains ne mettent jamais les pieds dans des organisations juives. C’est comme ça. Et cela ne les empêche pas de se sentir juifs. Nous avons donc créé l’association des « Amis du CRIF » et les Juifs qui se sentent concernés sans appartenir à une organisation ont donc un lieu de rencontre avec le CRIF où ils peuvent dialoguer avec nous. Ils sont heureux d’avoir une instance où ils peuvent parler des choses qui les intéressent.

TéléJ : Quels ont été les échecs du CRIF de ces six dernières années ?

R.C.
 : Le fait que le Consistoire Central soit sorti du CRIF et ne soit pas revenu est pour moi un échec car mon plus grand souhait est d’unifier la communauté. Mais je n’ai pu faire revenir le Consistoire Central sous ma présidence. C’est un de mes plus grands regrets. On me l’a reproché, d’ailleurs.
Autre regret : le fait que je n’ai multiplié le budget que par trois. Quand je vois le budget des grandes organisations américaines ..

TéléJ : Multiplier un budget par trois dans une communauté très sollicitée, c’est déjà très bien... Et on ne peut comparer la taille des grandes organisations américaines avec celle du CRIF.

R.C.
 : Oui, mais si on a les moyens on peut faire des choses formidables...Par exemple, la lettre de François Léotard dans une pleine page du Figaro a eu des retentissements formidables. Elle a été reprise par le Herald Tribune et d’autres journaux. Cela a marqué les esprits.
Et il faut avoir des moyens pour organiser une réunion à la Mutualité, par exemple. Et on ne peut pas faire payer les gens. De plus, tout cela représente un travail énorme.
Tout est lourd. Le CRIF est une vraie entreprise avec une masse de salariés, de contraintes. Et un service à la communauté. Comme avec la Newsletter.

TéléJ : En dépit des assurances données ici, y compris par des Premiers ministres, Israël ne fait toujours pas partie de la Francophonie.

R.C.
 : C’est un échec patent. Dans chacun de mes six discours du Dîner du CRIF j’ai réclamé qu’Israël fasse partie de la Francophonie et que Jérusalem soit reconnue comme étant la capitale d’Israël. Mais ça viendra...
Ces dîners ont tous été des succès. Mais le dernier a été une apothéose avec une retransmission à la télévision, le Premier ministre, de nombreux ministres et deux des candidats à la Présidence de la République.

TéléJ : En dépit de votre combat constant et déterminé sur le front de l’antisémitisme et de l’antisionisme ces problèmes n’ont pas été résolus.

R.C.
 : Non, mais c’est un problème généralisé dans toute l’Europe, ou dans des pays comme le Canada. Où il y a eu 970 actes antisémites, soit le double de la France...
Mais des progrès ont été faits.

TéléJ : Que pouvez-vous dire de l’élection à venir à la Présidence du CRIF ?

R.C.
 : J’espère que le prochain Président continuera dans la même voie et amplifiera l’action que j’ai menée.
Et, surtout, il faut savoir que le travail d’un Président du CRIF est un travail à plein temps, avec une énorme responsabilité envers les Juifs. Je ne conçois pas qu’en étant Président l’on puisse avoir un autre travail.

TéléJ : Qu’est-ce qui aura été le plus marquant pour vous au cours de ces six dernières années ?

R.C.
 : Ce qui m’a le plus frappé, et au risque de choquer, je dirai que lorsque l’on parle haut et fort on est entendu et respecté.



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