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Communiqué du Crif
Maurice, Jean et Raymond
Par François Léotard
Article mis en ligne le 23 mars 2007

Maurice et Jean étaient dans un bateau... Le bateau sombra, que pensez-vous qu’il arriva ?

Ce fut Raymond qui les tua. Ceci pourrait être un sujet de dissertation pour les lycéens français en ces périodes où l’école républicaine s’efforce de retrouver le chemin de l’instruction civique. Maurice et Jean étaient tous les deux, en 1940, membres du corps préfectoral. Le premier s’appelait Papon, le second, Moulin. Deux noms, comme on disait jadis, « bien français ». Y a-t-il plus français que Papon et Moulin en 1940 ? Le premier rejoignit le gouvernement de Vichy comme sous-préfet de première classe. Il est nommé, en 1942, secrétaire général de la préfecture de Gironde. Il aime l’ordre.

Le second est préfet d’Eure-et-Loire au moment où la France s’effondre. Il aime la musique, la peinture moderne... et les femmes. Nos deux hommes sont serviteurs de l’État. Leur vocation, leur histoire personnelle les y a conduits. Ils vont être confrontés à une première question, à la fois morale et politique, l’une des plus belles qui puisse être posée à un fonctionnaire. Dois-je obéir ? Dois-je respecter n’importe quel Etat, y compris celui qui est issu de l’effondrement de la République ? Dois-je, comme l’a dit récemment Raymond Barre (notre troisième homme), « faire fonctionner la France » ? Avant lui, Giraudoux, sensible aux charmes de Vichy, avait écrit : « Un fonctionnaire, ça fonctionne... »

Et puis, deuxième question : quelle France exactement dois-je servir ? Celle qui est tenue par une armée étrangère ? Qui lui obéit jusque dans sa doctrine la plus honteuse ?

Et puis troisième question : si je n’obéis pas, que dois-je faire ? Partir, résister ? M’accommoder du nouveau pouvoir ?

Plaçons-nous maintenant soixante-huit ans plus tard. Maurice vient de mourir. Il emporte avec lui une Légion d’honneur qui fait mal à tout le monde, le souvenir d’un poste ministériel, de hautes fonctions dans la République et diverses répressions entraînant morts d’hommes, au Maroc et à Paris...

Jean est mort, torturé par la Gestapo. Il reste une plaque de pierre au Père-Lachaise1 avec la mention : « Inconnu incinéré -9-7-43 Présumé Jean Moulin ». Raymond a été Premier ministre. II parle du « lobby juif » comme on parle de la météo. Il aime bien Monsieur Gollnisch comme il aimait bien jadis Monsieur Papon, dont il fit un ministre. Tous les deux, l’universitaire et le préfet, avaient, nous dit-il, sur les crimes de la dernière guerre, « une opinion ». Comme toutes les opinions, pense Raymond, qui ne sait plus très bien où était Drancy, ni ce qu’on y faisait, cette opinion doit être respectable.

Et voilà pourquoi Maurice et Jean, embarqués ensemble dans un désastre, proposent à Raymond, le Professeur, une dernière leçon.

La leçon de Maurice n’est plus qu’une trace douloureuse sur des formulaires : une signature préfectorale qui a envoyé 1 560 Juifs à la mort. Froidement. Comme ça. Sans autre « opinion » que celle de l’obéissance. Une simple signature.

La leçon de Jean est lumineuse dans sa souffrance : on peut dire non à la bassesse.

On n’est jamais obligé d’obéir. Personne n’est obligé de signer... La France, c’est peut-être ça : une résistance.

La leçon de Raymond, c’est qu’il n’a rien compris au film. Il aurait pu dire qu’il s’était trompé en parlant de « Français innocents » de la rue Copernic (les autres, à contrario, ne l’étaient pas...). Il aurait pu dire qu’on ne fait pas « fonctionner » la France à coup de cadavres. Il aurait pu dire que Manouchian, Grzywacz, Fingerweig, c’étaient sans doute des noms « difficiles à prononcer ». Mais que ces noms-là, des « terroristes », avaient honoré la France au moment où monsieur Papon la déshonorait. Il ne l’a pas dit. C’est dommage pour la France.


1.Voir Jacques Baynac, Présumé Jean Moulin, Grasset



Chronique à paraître dans le numéro d’Avril 2007 de Tribune juive



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