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Josy Eisenberg sur le judaïsme orthodoxe et l’avenir d’Israël
Propos recueillis par Nathalie Szerman pour © Israël Magazine
Article mis en ligne le 18 décembre 2006
dernière modification le 6 mars 2007

Josy Eisenberg est producteur et réalisateur de la plus vieille émission de télévision du service public français, A bible ouverte, diffusée depuis maintenant quarante-quatre ans sur France 2. C’est peu dire que Josy Eisenberg, qui est également co-scénariste du film culte Rabbi Jacob, est un homme de médias. On pourrait en oublier qu’il est aussi rabbin. Et pourtant, contrairement à ces nombreux « ravs » qui n’en ont pas le diplôme, Josy Eisenberg a l’érudition, l’esprit d’analyse et le courage requis pour une telle fonction. Se situant dans ce courant intellectuel du judaïsme orthodoxe qui, tout en se distinguant des libéraux, s’octroie le droit de réfléchir au sens de certains interdits jusqu’à en questionner la validité, il prône une approche ouverte du judaïsme. Chez lui, l’esprit et la lettre font bon ménage.

« Le judaïsme orthodoxe est sclérosé. On assiste à une décadence du rabbinat. »

Comment se fait-il qu’un beau jour, il y a trente ans, Josy Eisenberg ait cessé de signer ses émissions « Rabbin Josy Eisenberg » ? Josy n’a pas besoin de réfléchir longtemps pour répondre : il n’aime pas les titres honorifiques. En outre, il met un point d’honneur à se démarquer des « gourous qui se prétendent rabbins sans en avoir le diplôme. » Josy ne mâche pas ses mots : « Le judaïsme orthodoxe actuel est sclérosé. Les rabbins du Talmud tenaient compte de la réalité et avaient le courage d’introduire des innovations lorsque c’était nécessaire. Nos rabbins ne sont pas - pour la plupart - à la hauteur des exigences de notre temps. Certains interdits du Talmud n’ont plus aucun sens aujourd’hui. On assiste à une décadence du rabbinat. »

Il reproche à l’orthodoxie sa méfiance à l’égard des personnes, méfiance qui se manifeste par une multiplication des interdits et qui marginalise la majorité des Juifs - peu désireux d’adopter un mode de vie trop contraignant : « Le niveau général de la population est aujourd’hui plus élevé qu’à l’époque du Talmud ; il n’est pas nécessaire d’instaurer autant de principes de précaution. Je pense notamment aux Siaguim établis pour éviter la mixité entre hommes et femmes. En multipliant les interdits, on éloigne les Juifs de la Torah ». Pour sa part, Josy s’est toujours efforcé, à travers ses émissions, de donner une « image à la fois moderne et parfaitement authentique du judaïsme. »

« Dieu a exilé les Juifs parmi les nations uniquement pour que les convertis viennent se joindre à eux. »

En ce qui concerne les conversions, sujet abordé dans son émission La source de vie, Josy Eisenberg n’est guère plus tendre à l’égard des autorités religieuses : « Je me suis battu pour qu’on ouvre plus largement la porte aux convertis. Dans l’antiquité, la conversion était facile. Aujourd’hui, on exige des convertis qu’ils soient ultra-orthodoxes : on leur demande de respecter les 613 ordonnances religieuses et les principes de précaution. On impose le couvre-chef aux femmes. En France, les candidats à la conversion doivent présenter un certificat prouvant qu’ils se rendent tous les samedis à la synagogue, quand dans certaines banlieues, ils n’ont même pas de synagogue à proximité. Depuis quand est-il obligatoire d’aller à la synagogue ? » Il cite une phrase du Talmud pour appuyer sa position d’ouverture : « Dieu n’a exilé les Juifs parmi les nations que pour que les convertis viennent se joindre à eux. »

« J’ai montré qu’il existait des points communs entre le Seder de Pessah’ et la devise de la République française, ’Liberté, égalité, fraternité.’ »

Après m’être entretenue avec le rabbin, je pars en quête de l’homme de télévision ; c’est cet homme au regard bleu pénétrant, à l’élocution parfaite, qui trouve toujours le mot juste et ne laisse aucune phrase en suspens. A Bible ouverte, riche de plus de 3000 émissions, touche un vaste public, pas exclusivement juif, et fait aujourd’hui partie du patrimoine culturel français. Josy ne compte pas les lettres de Juifs, mais aussi de chrétiens et de musulmans, qui lui sont parvenues pour demander des clarifications, faire un commentaire ou plus généralement, manifester de l’intérêt.

Parmi toutes les personnalités invitées sur son plateau, y en a-t-il une qui ait particulièrement marqué Josy ? « Le Rav Steinsaltz », tranche-t-il sans hésiter. « C’est un génie de notre temps. J’ai organisé plusieurs dizaines d’émissions avec lui, dont une série sur les fêtes juives et une autre, en cours, sur l’alphabet hébraïque. C’est un projet artistique qui me tient particulièrement à cœur. » Des souvenirs ? Il sourit : « Après une émission sur la Pâques juive, où j’ai montré qu’il existait des points communs entre le Seder de Pessah’ et la devise de la République française, »Liberté, égalité, fraternité« , j’ai reçu une lettre du Général de Gaulle me disant qu’il avait regardé l’émission et qu’il l’avait trouvée très intéressante ! »

« Jérusalem-Eilat à moto, c’est le plus beau des voyages. »

Outre la religion et la télévision, Josy Eisenberg se passionne pour le sport : « J’ai beaucoup de plaisir à suivre l’actualité sportive. J’ai bien sûr assisté au match de football remporté il y a quelques jours par Israël contre la France. Il s’agissait des éliminatoires du championnat d’Europe de football des moins de 21 ans... » Son sport favori ? « J’aime le football, le tennis, mais j’ai un faible pour... la moto, que j’ai découvert il y a seulement dix ans. C’est un sport très poétique, qui permet de communier avec la nature. Je fais régulièrement Jérusalem-Eilat à moto. C’est le plus beau voyage qu’on puisse rêver. Liberté, facilité de circulation... On se laisse emporter. » Je me risque à lui demander s’il a déjà commis un excès de vitesse... « Que le Juif qui n’a jamais commis d’excès de vitesse me lance la première pierre ! » lance-t-il d’un air désinvolte.

« La paix arrivera quand il y aura en Israël et dans le monde arabe suffisamment de monde pour dire ’ dayenou ’, ’c’est assez’. »

Nous ne pouvons éluder la question de l’avenir d’Israël, quelques semaines après l’arrêt de la guerre contre le Hezbollah : « Personne ne voit clair dans cette situation. Personne ne voit la sortie du tunnel. Des excès et des bavures ont fait condamner Israël par l’opinion internationale. C’est le côté noir des choses... 60 ans après la Shoah, il est terrible que de jeunes Juifs meurent encore parce qu’ils sont juifs, comme ces soldats israéliens morts au Liban... Plus les choses vont mal, plus la lassitude s’accumule. La paix arrivera quand il y aura en Israël et dans le monde arabe suffisamment de monde pour dire ’dayenou’, ça suffit’. Et il n’est pas nécessaire d’attendre Pessah pour cela... »



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