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John Le Carré et le crocodile islamiste
Philippe Gumplowicz, universitaire ; Marc Lefèvre, physicien (tous deux membres fondateurs des Amis de La Paix maintenant) ; Pierre-André Taguieff, sociologue et politologue ; Jacques Tarnero, chercheur.
Article mis en ligne le 12 septembre 2006

Le Monde a publié dans son édition du 7 septembre un article de John Le Carré à propos de la récente guerre au Liban et de l’action menée par Israël. Le positionnement de ce texte, exceptionnellement en « une » du journal et non en page « Débats », lui confère un statut particulier. Est-ce un éditorial ? Exprime-t-il la position du journal ?

D’un écrivain dont l’oeuvre témoigne du souci porté aux demi-teintes, on attendrait une « interpellation » d’une autre teneur à propos d’un conflit complexe qui ne pâtit que trop des imprécateurs et des donneurs de leçons. Mais voilà. Habité par un venin qu’il peine à contrôler (la réunion de ces deux termes : « zélote égaré », pour désigner Israël mériterait de figurer dans un florilège des métaphores antijuives), John Le Carré est à mille lieues ici de l’éthique de l’écrivain comme de celle du politique.

Son article est une charge contre le seul coupable et le seul responsable, selon lui, des malheurs du Proche-Orient : Israël. Il nous présente une puissante armée de soudards, dirigée par des chefs incultes et barbares, qui ravage le Liban. Elle serait d’ailleurs coutumière du fait. A partir d’une comptabilité morbide des pertes, John Le Carré montre le déséquilibre des forces, ce qui lui permet, sans y toucher, de monter en épingle l’arrogante puissance de l’Etat juif.

Sous le prétexte du rapt de deux soldats, voilà une horde enivrée par le plaisir de la destruction du pays voisin sans que par ailleurs ces destructions n’aient une quelconque efficacité militaire contre un ennemi bien plus faible et potentiellement sympathique. Cet ennemi, le Hezbollah, n’est jamais présenté. Son mentor iranien est lui aussi absent de l’« interpellation ». Les méthodes de guerre du Hezbollah consistant à installer des sites de fusée Katioucha au coeur des populations civiles ne sont pas mentionnées par notre agent secret. Les déclarations du président iranien (« Israël doit être rayé de la carte »), de sa créature libanaise, leurs projets politiques, les bombardements répétés des localités du nord d’Israël, la volonté exterminatrice du chef du Hezbollah ou d’Ahmadinejad ne font pas partie des éléments culturels ou idéologiques pris en compte par notre expert en intelligence qu’est John Le Carré.

PAS UN MOT

Pas un mot non plus sur la complaisance ou la duplicité de cet Etat libanais, qui a laissé s’installer, contre sa propre souveraineté, le « Parti de Dieu » et son armée. Pas de renvoi non plus à la guerre libano-libanaise qui a ravagé ce pays pendant plus de dix ans. Pas un mot sur la mainmise de la Syrie sur le Liban, pas un mot sur l’assassinat de celles et ceux, journalistes libanais, qui avaient dénoncé cette colonisation. Pas un mot sur l’élimination des chrétiens d’Orient par les islamistes, sauf quand délibérément ils acceptent leur servitude. Pas un mot enfin sur les projets nucléaires de l’Iran.

Non, le seul fautif, c’est Israël. Le barbare, c’est Israël. Celui qui fabrique du terrorisme, c’est Israël. Israël a sûrement de grands torts, en premier lieu d’avoir sous-estimé les capacités militaires du Hezbollah. En Israël, l’heure est aujourd’hui à la recherche des causes internes qui ont mené à cette situation. Preuve, s’il en était besoin, de l’extraordinaire vitalité démocratique de ce pays. Mais quoi, la démocratie, autrement dit la liberté d’opinion, l’exercice de l’esprit critique, le statut des femmes, tout cela compte pour rien dans les options politiques de quelques grandes consciences européennes à la John Le Carré.

Pour ceux-là, triste tradition européenne, la liberté est un artefact. La vision de bataillons d’enfants armés et enrégimentés - ces membres de la Hitlerjugend à la sauce islamiste - hurlant à la destruction d’Israël ne les trouble pas le moins du monde. Et sans doute John Le Carré n’est-il pas loin de croire, pour paraphraser la formule célèbre de Churchill, que la disparition d’Israël calmera à tout jamais les appétits du crocodile islamiste, espérant de ce fait - pauvre espérance - que le crocodile négligera de s’attaquer à lui. En 1938, l’Europe, croyant pouvoir protéger son confort, a pactisé avec Hitler. Elle avait cru sans doute trouver dans le chancelier allemand un facteur de stabilité dans la région.

On connaît la formule de Churchill adressée à Neville Chamberlain après les accords de Munich : « Vous avez choisi le déshonneur pour éviter la guerre ; vous aurez la guerre avec le déshonneur. » Face à l’islamisme radical, Israël est en première ligne. Tout comme, en 1938, les juifs se voyaient être la première proie désignée par le nazisme. On sait ce qui s’en est ensuivi pour l’humanité entière.

Le jour où le monde occidental prendra conscience que la paix et la démocratie sont des valeurs suffisamment chères pour mériter d’être défendues au prix de lourds sacrifices, alors sa vision d’Israël changera peut-être, mais ce sera un peu tard pour tout le monde.



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