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Quelques jours en enfer (1ère de 2 parties)
Par Charles-Emmanuel Guérin © Metula News Agency
Article mis en ligne le 5 septembre 2006

L’auteur de cet article est consultant, officier de sécurité et analyste stratégique.
Parti en Israël durant la guerre sur le front Nord, je me suis rendu à Tsfat, Rosh Pina, Kiriat Shmona et Metula, où j’ai habité durant mon séjour. J’y ai un collègue analyste stratégique, qui se nomme Stéphane Juffa. Il est rédacteur en chef de la Metula New Agency (Mena), une agence de presse francophone israélienne installée sur les hauteurs de Metula, à 380 mètres de la frontière avec le Liban. Je l’avais rencontré une première fois en Israël pour lui présenter un manuscrit [1]. Nous avons sympathisé et gardé un contact amical.

Lors du kidnapping et de la mort des soldats israéliens le long de la frontière avec le Liban, à Zarit, j'ai pressenti que cela ne s'arrêterait pas là. En effet, les Katiouchas, tirées juste après l'enlèvement des militaires, et la réponse logique et nécessaire du gouvernement israélien, ne pouvaient que conduire à un conflit ouvert, même de basse intensité, c'est-à-dire non généralisé et plutôt localisé dans la région frontalière, comme ce fut le cas. Mon premier réflexe fut d'aller regarder du côté des rédactions françaises afin d'observer et d'analyser le traitement médiatique réservé à Israël et à cette guerre en particulier. Partialité, défauts de chronologie et omissions intentionnelles ont bâti, une fois de plus, l'entreprise de désinformation bleu-blanc-rouge à l'encontre de l'Etat hébreu.

 

Israël en a connu des guerres : 1948, 1956, 1967, 1973, 1982... et maintenant 2006. En tant que professionnel de la protection des personnes, analyste stratégique, mais surtout collègue et ami, je me sentais le devoir de réagir, de « faire quelque chose ». J'ai donc contacté Stéphane Juffa, qui m'a répondu : « VIENS ! ».

 

Trois jours plus tard, j'atterrissais à Tel-Aviv. C'était un samedi matin. J'ai loué une voiture et pris de suite la route de Metula. Durant le trajet, impossible de joindre Stéphane Juffa. En dépassant Kfar Tavor, je me suis rapidement aperçu que la circulation devenait de plus en plus clairsemée. Arrivé aux intersections de Carmiel et de Tibériade, l'impression de guerre se concrétisait : presque plus aucun véhicule ne se dirigeait vers le Nord. Il y en avait encore, certes, mais on pouvait les compter. Ceux que je dépassais faisaient partie de convois militaires. Des camions transportant des chars, des véhicules blindés et du matériel militaire divers. Une fois passée l'intersection de Tsfat, la route pour Kiriat Shmona s‘offrait à ma voiture. Plus personne devant moi, ce samedi matin. Quelques véhicules venant en sens inverse et quittant la ville mais plus une seule devant.

 

J'ai filmé mon entrée dans Kiriat Shmona pour avoir une preuve matérielle et un élément visuel à fournir aux désinformés. C'est une sensation étrange que d'évoluer seul dans une ville désertée. Les quelques minutes nécessaires pour traverser Kiriat Shmona m'ont suffi à comprendre, à réaliser ce qu'est un exode, la vie d'un pays en guerre. Ma vitre est baissée. Des poubelles s'amoncellent, demeurées pleines depuis plusieurs jours. J'entends au loin un grondement, un roulement, presque comme le tonnerre... mais je sais que ce n'est pas le tonnerre.

 

Je quitte Kiriat Shmona en direction de Metula et décide de stopper la voiture pour tenter de prendre contact avec Stéphane Juffa. Alors que je me dégourdis les jambes en écoutant les bips que fait mon portable, une lointaine mais très forte explosion retentit dans la ville. Je raccroche et, remontant dans la voiture, décide de me mettre à l'abri plus loin. Ce doit être une salve de Katiouchas, suivie des tirs de riposte de Tsahal, qui font trembler le sol sous mes pieds. Je roule sur ce qui est la dernière ligne droite de l'avenue principale de Kiriat Shmona, une route bordée d'arbres et d'un fossé en béton. Je stoppe à nouveau mon automobile 400 mètres plus loin, et tente à nouveau de joindre le rédac-chef de la Ména, tout en cherchant un abri. Le fossé est ce qui se présente de mieux là où je me trouve. Au moment même où j'élance ma jambe pour poser le pied gauche au fond du fossé, une roquette explose non loin de moi, à une soixantaine de pas. Ce n'est pas un hasard, car plus de 800 roquettes sont tombées sur Kiriat Shmona durant ce mois de guerre. Mon oreille gauche subit depuis un son permanent, qui me poursuit encore aujourd'hui, dû à la force de la détonation. Je ne suis pas étourdi mais désorienté sous l'effet de la surprise. Je n'arrive toujours pas à joindre Juffa, je fais demi-tour et vais provisoirement installer mes quartiers à Kfar Tavor, plus au Sud.

 

Six jours durant, je suis revenu à Kiriat Shmona pour tenter de traverser cette localité et me rendre à Metula, sur le front. En vain. L'armée avait placé Metula sous juridiction militaire par décret, et toute entrée et sortie de la petite ville étaient interdites à tout le monde, même aux journalistes. Les manœuvres devaient rester secrètes. Pas de photos, pas de films ni d'articles sur le sujet. Il ne fallait pas risquer d'offrir à l'ennemi un renseignement, quel qu'il soit. Non pas que Metula fût plus dangereuse que les autres villes, mais le départ des troupes vers le Liban Sud s'est préparé en grande partie là-bas. Les convois militaires, composés de chars et de transports de troupes, se sont massés dans cette bourgade.

 

J'ai donc parcouru la région, Kiriat Shmona essentiellement, dernière ville accessible au nord avant Metula, afin d'y prendre des photos et des vidéos qui témoigneront de ce que j'y voyais. Il me suffisait de rouler ou marcher n'importe où, quelques minutes durant, pour découvrir les dégâts causés par des roquettes.

 

Pour comprendre la guerre, les peurs et les angoisses des bombardements, un minimum d'explications techniques est nécessaire. Bien que je ne sois pas artilleur de formation mais fantassin, je suis néanmoins en mesure de fournir au lecteur les informations sommaires nécessaires pour saisir le rationnel de ces bombardements de Katiouchas et leurs conséquences sur la population. Il faut savoir que les Katiouchas sont dépourvues de toute espèce de réglage de précision. Une fois positionnés, les lanceurs de ces roquettes ne sont, en théorie, plus déplacés, sauf ceux qui sont installés sur des camions. C'est ce qui fait que les roquettes atterrissent plus ou moins toujours aux mêmes endroits. Une direction leur est donnée, sur la base d'une carte et d'une boussole, et la distance est calculée par rapport à la portée des projectiles. Il n'est cependant pas possible, pour les terroristes du Hezbollah, d'atteindre volontairement un lieu précisément déterminé. A défaut de pouvoir prendre pour cibles des rassemblements militaires ou des infrastructures, il n'est pas envisageable, pour le Hezbollah, de gagner une guerre, ni même une bataille, à l'aide des Katiouchas. C'est justement ce qui en fait une arme terroriste par définition.

 

Parfois, les roquettes tombent à côté, devant ou avant l'objectif principal, qui est invariablement constitué par une ville voire une agglomération plus modeste. La Katioucha n'est pas guidée mais stabilisée en vol par des « ailerons ».

 

Avec les Katiouchas de 7 kilos de charge explosive, les terroristes du Hezbollah pouvaient néanmoins choisir les quartiers qu'ils désiraient atteindre, en réglant le lanceur avant la mise à feu. Les centrales électriques et autres points névralgiques d'Israël se trouvant éloignés de la frontière, les Katiouchas perdaient alors le peu de « précision » que les courtes distances leur octroyaient. La concentration des roquettes tombées sur ou à proximité de certains hôpitaux, permet toutefois de constater qu'il y a eu une volonté, de la part des terroristes chiites, d'atteindre ce type d'infrastructures.

 

 









Impact sur la chaussée de Kiriat Shmona avec dégâts dans le périmètre de la chute

Photos Charles-Emmanuel Guérin © Charles-Emmanuel Guérin

 

Lors des plus grosses journées de bombardements, la ville de Kiriat Shmona était déserte. Les rares habitants vivaient terrés dans les abris. Mais peu à peu, au clair d'une accalmie, la vie reprenait et les rues s'animaient, non pas de joie, mais de mouvement ; un peu de circulation et même quelques piétons. Et dès que les sirènes, connectées directement au système radar Shakhar Adom (L'Aube rouge), retentissaient, annonçant des salves imminentes, tous, où presque, retournaient aux abris.

 

La population israélienne du Sud a accueilli les Israéliens du Nord fuyant les canonnades, mais il est apparu qu'une catégorie de la population, la classe sociale dite « très défavorisée », a dû rester chez elle, condamnée à demeurer dans ses refuges souterrains. Les sous-sols des immeubles d'habitations servaient au moins de protection contre les roquettes de moins de 100 kilos, au-delà, leur efficacité était incertaine. Les TV israéliennes ont d'ailleurs réalisé des reportages sur ces habitants, et en particulier ceux de Kiriat Shmona, qui témoignent du traumatisme de la vie d'une population soumise à un pareil régime.

 

Les militaires bloquaient les entrées de la ville afin d'éviter aux « visiteurs » de se trouver sous le feu des roquettes. Le côté aléatoire du point d'impact des roquettes ne permettait à personne d'être ni de se sentir en sécurité, même en dehors du territoire de la ville visée. Il suffit d'une nuance dans la quantité de carburant emporté par la roquette, ou d'un vent latéral plus fort que prévu, pour que la trajectoire change et qu'elle tombe là où on s'y attend le moins. Le climat d'insécurité est ainsi permanent.

 

Haïfa, Karmiel, Afula, Acre, Tsfat, Rosh Pina, Nahariya, Kiriat Shmona et Metula sont les villes les plus proches et les plus importantes à portée de tir du Liban Sud. Les roquettes étaient sommairement pointées vers ces conurbations. Les plus simples renfermaient 7 kilos de charges explosives, avec une portée pouvant atteindre une quinzaine de kilomètres. D'autres contenaient une charge de 30 kilos, avec un rayon d'action plus important. Enfin, certaines roquettes utilisées durant ce conflit, peuvent porter des charges de 100 kilos d'explosifs, supplémentées de 10 kilos de billes d'acier. Les villes limitrophes du Liban ont subi les charges les moins lourdes, mais non les moins destructrices, de par leur multiplication. La ville d'Afula a également essuyé le tir d'une roquette de 100 kilos, et Haïfa en a subi 3, provoquant des effondrements d'immeubles, tuant plusieurs personnes.

 









Une école endommagée

Photos Charles-Emmanuel Guérin © Charles-Emmanuel Guérin

 

Que ce soit sur la chaussée ou dans cette école de jeunes filles, par exemple, on constate de manière évidente l'importance des dégâts et le haut pouvoir de destruction des roquettes. Dans l'établissement scolaire, la roquette a touché le haut du mur d'enceinte. Pourtant, la propagation géométrique a fait que c'est toute l'école, toute la surface habitable qui fut dévastée. De la porte d'entrée jusqu'à la bibliothèque, en passant par le fond de la classe. On peut y voir les éclats ayant perforé les portes, les tables, les fenêtres, ainsi que les vêtements restés dans les valises du pensionnat et les livres. Heureusement, ces lieux avaient été évacués.

 

Les toits des appartements ou des maisons ne constituent pas non plus un abri sûr et solide. Les roquettes venant de loin, très vite et de très haut, la puissance de la charge est multipliée par la vitesse et l'orientation de la roquette. On a ainsi pu voir des toits de maisons ou d'immeubles entamés par des roquettes de 7 kilos de charge explosive. Ici, à Tsfat, une roquette est tombée à quelques mètres de l'entrée d'un immeuble.

 





L'immeuble détruit de Tsfat

Photo Charles-Emmanuel Guérin © Charles-Emmanuel Guérin

 

 

Une seule roquette et tout un périmètre est atteint par les éclats : trois étages touchés, des fenêtres, des volets, des câbles d'électricité et de téléphone endommagés, et même l'intérieur de certains appartements. 

 

 

 

A suivre...

 

 

Note :

 

[1] « Les Actions Psychologiques Terroristes, ou comment manipuler l'opinion publique avec l'aide des médias », qu'aucun éditeur français ne veut publier.

 





[Préparez-vous pour le vrai holocauste]

Ahmedinejad, Nasrallah, Koul Kalb Biji Yomo, le vôtre, c'est pour dans pas longtemps...
(Ilan Tsadik)
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