C’était il y a un peu plus de dix jours : les Israéliens s’énervaient des tâtonnements de leur armée, qui se serait lancée de façon opportuniste dans une opération au Liban afin de tenter de redorer son blason après l’enlèvement de ses soldats.
A peine deux semaines plus tard, et quelques centaines de victimes de plus, dont une trentaine de soldats israéliens, c'est un autre de ses éditorialistes que ce grand journal de gauche laisse s'exprimer, son spécialiste des affaires militaires : Zeev Schiff. Et le ton n'est plus le même. "Malheureusement ces dernières semaines, un nouveau sport national a vu le jour : critiquer l'armée jusqu'à son humiliation. (...) La guerre à peine commencée, déjà on se met à parler d'une commission d'enquête sur ses actions, s'insurge-t-il. Si cela était arrivé pendant la guerre d'indépendance, on n'aurait même pas pu prendre Jaffa."
UNE DES MEILLEURES ARMÉES AU MONDE
Pour le spécialiste militaire du Haaretz, les enjeux de cette guerre son clairs : Israël n'a pas d'autre choix que de "détruire à tout prix" le Hezbollah, soulignant qu'il ne peut exister de "parité stratégique" entre les deux ennemis. "Si Israël ne gagne pas contre le Hezbollah, c'en est fini de la capacité de dissuasion" de l'Etat hébreu, juge-t-il, et au-delà, son existence même dans la région pourrait être remise en cause. "Ce qui est important pour l'opinion israélienne, c'est qu'il faut désormais réaliser qu'il ne s'agit pas de savoir ce qui va advenir de Bint Jbeil ou Maroun Al-Ras, mais qu'il est question de la sécurité et du futur de l'Etat d'Israël", écrit-il au lendemain de lourds combats dans ces deux localités du Liban sud où neuf soldats de Tsahal ont été tués.
Citant les articles de son confrère Yoel Marcus, Zeev Schiff affiche son désaccord avec lui : "Je ne suis pas d'accord quand on dit que l'armée israélienne est une armée stupide. Il s'agit d'une des armées les plus sophistiquées du monde et ses capacités sont énormes." Pour lui, Tsahal a démontré encore en 1982, lors de la première guerre du Liban, qu'elle était "plus intelligente que les leaders de ce pays, qui ont entraîné Israël dans cette guerre".
Reste à savoir si ce basculement d'un média réputé pour ses opinions modérées est représentatif de l'état général de l'opinion publique israélienne. Pour beaucoup, les Israéliens, très critiques au début de l'offensive, ont acquis au fil des jours, des chutes de roquettes du Hezbollah et des victimes israéliennes, la certitude qu'il est temps d'en finir avec le Hezbollah, et donc de la nécessité de se serrer les coudes derrière Tsahal. "L'offensive militaire et diplomatique n'a pas encore atteint son pic", prophétise le commentateur militaire du Haaretz. Pour d'autres, il s'agirait plutôt d'une spécificité de la presse israélienne considérée comme une des plus démocratiques au monde , qui laisse librement s'exprimer des voix et des opinions opposées, y compris au sein d'un même média.