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L’Europe, la Palestine et la Paix
Daniel Schwammenthal - Editorialiste au Wall Street Journal Europe - Traduction française : Menahem Macina
Article mis en ligne le 27 juin 2006
dernière modification le 28 juin 2006

Imaginons un pays souverain qui s’efforce - ou plutôt, qui est impatient - de faire naître un Etat ennemi, alors qu’il est pleinement conscient que ses dirigeants et une grande partie de sa population veulent détruire leur « sage-femme ».

C’est exactement ce que le Premier ministre israélien, Ehoud Olmert, se propose de faire avec son plan de « réalignement ». Son Israël jouera le rôle de sage-femme d’un Etat Palestinien. C’est une entreprise unique dans l’histoire humaine. En l’absence d’un partenaire de négociation qui veuille faire la paix, Israël a décidé de mettre un terme au conflit de manière unilatérale, que cela plaise ou non aux Palestiniens. Le prédécesseur de M. Olmert, Ariel Sharon, a vidé Gaza de ses Juifs. A présent, M. Olmert veut qu’Israël se retire d’environ 90% de la Cisjordanie pour faire de la place à la Palestine.

Les critiques d’Israël en Europe devraient être ravis. Conformément à ce qu’on lui demandait, l’Etat juif est en train de mettre un terme à « l’occupation », censée être la cause originelle non seulement de ce conflit, mais également de la colère du monde musulman contre l’Occident. La paix est sur le point d’éclore ! Eh bien, non. Monsieur Olmert n’a pas été salué par des carillons de cloches, ni par des défilés, quand il est venu, la semaine dernière, pour faire accepter son plan à l’Europe. Il a eu droit à l’indifférence.

Et pourquoi l’Europe devrait-elle reconsidérer sa position ? Quelques raisons légitimes viennent à l’esprit. Les ennemis d’Israël pourraient interpréter un retrait unilatéral comme un signe de faiblesse et une preuve que le terrorisme paie. Vivre aux portes d’un pays hostile dirigé par une organisation terroriste islamique pourrait ne pas être vraiment une bonne idée pour l’Etat juif. Les amis d’Israël expriment ces inquiétudes.

L’Union européenne ne les partage pas. Son scepticisme est fondé, disons, sur le droit à un procès équitable. Lors de leur sommet, vendredi dernier, les dirigeants européens ont clairement exprimé ce qu’ils pensent du plan Olmert : « L’Union européenne ne reconnaîtra aucune modification des frontières d’avant 1967, si ce n’est celles qui auront fait l’objet d’un accord entre les deux parties », dit la conclusion finale.

Evidemment, les Israéliens préféreraient aussi une solution négociée. Remettre un territoire qui est vital pour un petit pays encore menacé par des ennemis - sans parler du fait qu’il est lié à trois millénaires d’histoire juive - serait plus aisé à faire accepter par un public israélien soupçonneux si, en contrepartie, Israël obtenait un traité de paix. Mais le nouveau gouvernement palestinien dirigé par l’organisation terroriste Hamas refuse même de reconnaître Israël. Insister sur une solution négociée donne au Hamas un pouvoir de veto et décourage Israël de quitter la Cisjordanie. Au bas mot, on pourrait qualifier cette situation d’absurde.

L’expression « frontières d’avant 1967 » fournit quelques indications sur la résistance européenne. En fait, il n’y a jamais eu de frontières d’avant ni d’après 1967, mais uniquement des lignes d’armistice consécutives à la tentative arabe de 1948 d’anéantir un Israël nouvellement créé. A la fin de cette guerre, la Cisjordanie et Gaza ne sont pas devenus une partie d’un Etat palestinien, mais ont été occupés respectivement par la Jordanie et l’Egypte. Ce n’est qu’en 1967 qu’Israël a conquis ces territoires, c’est pourquoi il préfère parler de territoires « disputés » et non pas « occupés » [2]. Sur le plan légal, pour qu’il y ait occupation, il faut que le territoire concerné ait été, avant sa conquête, la partie reconnue d’un Etat souverain.

En se méprenant sur ce point d’histoire, l’Union européenne suppose que le retrait total sur les lignes de 1967 ramènera la région à quelque statut antérieur. Reconnaître qu’il n’y a jamais eu de frontières primitives, ferait apparaître comme moins qu’objective l’insistance sur un retrait total aux lignes de front.

Ce qui nous amène aux vraies « causes originelles » du conflit. Bien que près de 60 ans se soient écoulés, l’Europe permet aux Palestiniens d’habiter sur une terre imaginaire, où, selon le degré de leur illusion, ils ont rêvé soit de la destruction d’Israël, soit - et c’est la vue la plus « modérée » - du retrait d’Israël sur les lignes de 1967, que les experts militaires considèrent comme indéfendables, et du « retour » des réfugiés palestiniens. Ce retour aurait lieu non dans un Etat palestinien nouvellement né, mais en Israël. L’invasion de millions de Palestiniens hostiles, dont l’immense majorité descend de réfugiés nés en dehors du pays, n’équivaudrait à rien moins que la destruction d’Israël en tant qu’Etat juif. Aussi, la différence entre ceux qu’on appelle des modérés et ceux qui sont qualifiés d’extrémistes est-elle largement abstraite. Dès lors que l’Europe rejette les extrémistes, il lui reste à dire aux « modérés » de renoncer, eux aussi, à leurs rêves.

C’est exactement ce qu’a fait le président des Etats-Unis, George W. Bush, lorsque, dans une lettre de 2004, il a assuré à M. Sharon qu’il n’était pas question qu’Israël déplace les populations des grands centres de l’autre côté des lignes d’armistice, ou qu’il accueille des millions de Palestiniens. Certains diplomates européens vous diront, lors de cocktails, qu’ils sont d’accord avec la lettre de M. Bush, mais qu’ils ne l’approuveront pas publiquement. La raison officielle est que, en tant que partie neutre, ils ne peuvent préjuger du résultat des négociations. Bien entendu, en acceptant un retrait total comme l’option par défaut, c’est exactement ce qu’ils font. La même chose s’applique au refus européen de prendre position sur la question des réfugiés. Prétendre que le « retour » des réfugiés est encore une possibilité théorique, c’est entretenir l’idée d’une destruction d’Israël, qui est clairement incompatible avec la position de partenaire neutre.

Bien entendu, dans l’absolu, l’Europe a raison. Une paix véritable n’advient qu’une fois que les deux parties sont d’accord pour la faire. Mais le fait de refuser même de laisser entendre qu’Israël sera récompensé pour avoir déraciné des milliers de Juifs et abandonné la majeure partie du territoire, rend peu probable que l’on parvienne à un tel accord. En réalité, ce que fait l’Europe, c’est de créer un filet de sécurité pour les Palestiniens extrémistes. Il leur est beaucoup plus facile de poursuivre leur guerre terroriste en sachant que, quelque irresponsable que soit leur action, les Palestiniens ne perdront jamais le soutien que l’Europe apporte à leurs positions extrêmes.

Les règles normales de l’histoire ne s’appliquent-elles donc pas aux Palestiniens ? Pendant combien de temps des dirigeants palestiniens successifs peuvent-ils mener une guerre terroriste contre un Israël prêt à négocier, avant que l’Europe envisage d’exiger un prix pour ce comportement ? A l’inverse, Bruxelles vient juste de décider de reprendre les versements d’aide à la Palestine dirigée par le Hamas.

En donnant un appui tacite à des attentes radicales et irréalistes - un retrait complet d’Israël et un « retour des réfugiés » -, l’Union européenne ne favorise pas du tout les Palestiniens. Elle ne fait qu’affaiblir la position des véritables modérés palestiniens, qui sont disposés à trouver un compromis réalisable, et elle prolonge le conflit et les souffrances des deux camps.


Titre original anglais : « Europe, Palestine and Peace http://www.ambisrael.be/mfm/web/mai...;;MissionID=110&LanguageID=110&StatusID=0&DocumentID=-1 »



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