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“L’enfant, la mort et la vérité”, récit de l’affaire al-Dura, toujours d’une actualité frappante
Hélène Keller-Lind
Article mis en ligne le 30 octobre 2015
dernière modification le 31 octobre 2015

L’enquête d’une grande intelligence, menée par Esther Schapira, journaliste de la télévision allemande ARD et Georg Hafner, rédacteur en chef de cette chaîne jusqu’en 2013, se lirait presque comme un bon polar. Si ce n’est qu’il s’agit ici d’une histoire vraie, l’affaire al-Dura. Un rappel écrit des deux documentaires réalisés par ces journalistes, que n’a programmé aucune chaîne en France. Sans aucun a-priori, toutes les questions imaginables sont posées, tous les témoignages comparés, les contradictions, les refus de témoigner examinés. Une lecture d’autant plus essentielle que toute cette affaire trouve bien des échos dans la vague actuelle d’attentats palestiniens contre Israël.

En préambule

30 septembre 2000. Dans le journal de France 2 des images commentées par le correspondant de la chaîne en Israël horrifient les téléspectateurs. Un père et son jeune fils, accroupis derrière un barril au Carrefour de Netzarim, sont atteints par des tirs. Tirs de soldats israéliens, nous dit la voix grave du journaliste, absent de ce fameux carrefour de Netzarim, qui commentera plus tard les images prises par son cameraman palestinien. Il conlut : “l’enfant est mort”. Choc, stupeur, effroi, incrédulité...

Depuis Jérusalem je commence aussitôt une enquête et, sans que je le sache, au vu du diagramme montrant les divers points de tirs en cet endroit ce jour-là, j’arrive aux mêmes conclusions que le regretté Ingénieur Général Darmon, alors Président de l’Alliance France-Israël Général König. Le 13 octobre 2000 il publie un communiqué où il écrit : « nul n’a le droit de parler de la mort de l’enfant palestinien sans connaître les lieux et les circonstances. Le schéma... est éclairant.....l’enfant palestinien et son père se trouvaient entre deux positions de tireurs palestiniens. Ces deux positions étaient vues par les soldats israéliens en oblique, dans un champ de visée étroit, presque en enfilade....Cette mort est atroce mais il faut une grande volonté de nuire à Israël pour faire passer ses soldats pour des assassins d’enfants ».

J’ignore aussi que, à Paris, le réalisateur Pierre Rehov pense exactement la même chose en regardant le Journal de France 2. Nous nous rencontrons peu après à Jérusalem pour parler d’une affaire qui occupe désormais beaucoup de monde. On en trouvera quelques échos ici. Pierre Rehov réalise alors un dossier dossier exhaustif intitulé « La Mort du Petit Mohammed et la salissure programmée d’Israël » pour le produire devant la justice dans le cadre de la plainte qu’il a déposée peu après les faits. Plainte très rapidement classée sans suite à la grande surprise de son avocat Maître Julien Hay.

Puis Pierre Rehov rencontre une journaliste reconnue de la chaîne allemande ARD qui s’intéresse aussi à l’affaire et travaille avec elle en 2000 et 2001. Esther Schapira mène une longue enquête minutieuse, très approfondie, à Gaza, en Israël et réalise pour sa chaîne “Qui a tué Mohammed al-Dura” que Pierre Rehov distribuera en français. Dans les années qui suivirent, bien que continuant à nous intéresser aux suites de l’affaire, à suivre les divers procès, ni lui ni moins ne poursuivirent l’enquête. Pourtant Pierre Rehov adressa une série de lettres ouvertes au journaliste de France 2, auteur du fameux commentaire. Ayant pris la mesure de la désinformation dont était victime Israël et donc les Juifs, le réalisateur commença alors à travailler sur une série de documentaires remarquables ayant pour thème les mythes et mensonges élaborés autour du conflit palestinien. Les derniers en date traitent des “crimes de guerre à Gaza” et des campagnes BDS. On trouve des extraits de ses documentaires ou d’autres séquences similaires sur le site.

L’enquête sur l’affaire al-Dura, reprise par Esther Schapira et Georg Hafner fut menée aussi à partir de 2002 par Philippe Karsenty, interpellé également par cette affaire. La mort de l’enfant, instrumentalisée par tous les détracteurs d’Israël, les images de France 2 ayant été offertes gracieusement à toute chaîne les demandant, souvent remaniées avec inclusion de soldats israéliens visant les al-Dura, avait été prétexte à une vague d’antisémitisme sans précédent en Europe depuis la seconde guerre mondiale, et qui perdure. Ce que rappela Pierre Rehov à Arlette Chabot, directrice de l’information de France 2 – mais qui ne l’était pas en septembre 2000 - lors d’une conférence de presse organisée par la chaîne le18 novembre 2004 dans ses locaux pour tenter de faire taire les contestations. Je l’interrogeais alors sur l’origine des tirs et elle avait admis que l’on ne pouvait en aucun cas accuser les soldats israéliens d’avoir tué cet enfant. Propos que j’avais rapportés dans un article paru dans Actualité Juive. Mais propos qui, curieusement, n’avaient pas été repris par les autres journalistes présents. Arlette Chabot avait déjà dit la même chose au micro de Michel Zerbib, directeur de l’information de Radio J

http://www.desinfos.com/IMG/pdf/Peut-on_encore_parler.pdf.

Philippe Karsenty, qui a publié les résultats de son enquête et en a beaucoup parlé lors de conférences a été poursuivi en justice à plusieurs reprises par France 2 et son correspondant, condamné puis relaxé puis condamné à nouveau. Un médecin israélien le Dr Yehuda David, qui avait opéré Jamal al-Dura blessé à coups de couteaux ou de hache par des Palestiniens, bien avant l’affaire, a témoigné des blessures, opérations et cicatrices antérieures dans un article publié par “Actualité Juive” et poursuivi par Jamal al-Dura. Il a été relaxé.

“L’enfant, la mort et la vérité”, récit d’Esther Schapira et Georg Hafner

Esther Schapira et Georg Hafner publièrent en allemand en août 2014 “L’enfant, la mort et la vérité”, récit écrit de leur longue enquête racontée aussi dans deux documentaires successifs, “Qui a tué Mohamed al-Dura” puis un film primé,“L’enfant, la mort et la vérité”.
L’ouvrage vient de sortir en version française*. En commençant à le lire je supposais qu’il ne m’apprendrait rien. Or, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un livre remarquable, très bien écrit, très bien mené, n’ayant rien de manichéen ni de péremptoire, d’une grande rigueur intellectuelle et journalistique, qui déroule une enquête minutieuse, avec ses interrogations, ses doutes, l’examen des contradictions apparues au fil des témoignages, les contradictions des témoins principaux comme celles du cameraman palestinien de France 2 qui tourna les images, ou d’autres, contradictions factuelles. Il y a les réticences, les colères de certains protagonistes, les rebuffades, les silences et ces fameuses séquences non diffusées, dont certaines sont restées cachées, d’autres montrées une seule fois, celles de l’agonie de l’enfant qui ne sont nullement celles d’une agonie. On découvre qu’un autre enfant est mort peu avant près de là, que les horaires données pour l’autopsie réalisée à Gaza ne peuvent être celles de l’autopsie du petit Mohamed, ou que Jamal al-Dura a récupéré particulièrement vite, une vitesse quasi impossible, de son transport en ambulance en Jordanie et de litres de sang versés. On apprend aussi ce qu’il dit en s’adressant apparemment au cameraman lors de la fameuse séquence de France 2, ou en regardant dans sa direction. Qui n’est pas celle du fortin israélien. Il parle en arabe, lui qui parle parfaitement hébreu et aurait utilisé cette langue s’il avait parlé aux soldats. Il dit “ça suffit, l’enfant est mort”... Phrase capitale qui fait l’objet d’un chapitre du livre.

Il y a mille et une choses, dont certaines ont été évoquées au cours des procès intentés à Philippe Karsenty, mais bien d’autres permettant au lecteur de se faire sa propre opinion sans que rien ne lui soit dicté. Une chose est certaine, Arlette Chabot n’avait qu’en partie raison propos de l’origine des tirs car on peut affirmer qu’ils ne venaient pas du fortin israélien. Pour le reste si les auteurs ne se prononcent pas clairement quant à une possible mise en scène, les multiples indices qu’ils donnent sont parlants. Il ne faut pas oublier cet autre enfant mort ce jour là, entre autres éléments des plus troublants à découvrir dans le livre...

Un très bon polar passionnant qu’on lit d’un trait et sur lequel on revient pour relire tel ou tel passage, y réfléchir, mieux comprendre ce qui s’est réellement passé. Mais ce polar qui n’en est pas un, a eu et a des conséquences tragiques jusqu’à ce jour.

Utilisation récurrente du “symbole le plus puissant de la lutte palestinienne”

Ce qui fut alors présenté à tort comme l’assassinat d’un enfant par une soldatesque israélienne fut l’un des déclencheurs de la seconde Intifada et de la montée d’un antisémitisme terrible dans le monde. Depuis le symbole qu’est devenu cet enfant a été pleinement utilisé par les adversaires d’Israël, forgeant toute une génération à l’image d’un “martyr” et lui instillant une haine profonde des Juifs.

En juin 2006 la télévision officielle de l’Autorité palestinienne rediffusait un clip réalisé sur cette affaire en partie en 2001 puis peaufiné en 2003, repris de nombreuses fois. On y voit un acteur habillé comme le petit Mohamed appelant les enfants palestiniens à le rejoindre depuis un Paradis présenté ici comme un gigantesque parc de jeux – aux adultes on promet 72 vierges-. La manière d’y parvenir ne fait aucun doute : le martyre ou attentat suicide. Mohamed déclare en effet : “ que le parfum des martyrs est doux. Que le parfum de la terre dont la soif est apaisée par le flot de sang qui jaillit du jeune corps est doux”. Instrumentlisation odieuse des enfants palestiniens. Toute une génération a été élevée avec ces images, ces injonctions à la fois religieuses et nationalistes.

Cette instrumentalisation ne se limite pas aux Palestiniens. Le 3 septembre 2015, dans un article consacré à la mort du petit enfant syrien noyé en Méditerranée avec sa mère réfugiée, la très suivie chaîne qatarie Al-Jazeera, ressortait la mort de Mohamed al-Dura, l’attribuant à nouveau aux soldats israéliens, la qualifiant de“symbole le plus puissant de la lutte palestinienne” . Elle justifiait, s’il le fallait, le combat mené, notamment par Philippe Karsenty, Esther Schapira et Georg Hafner. Philippe Karsenty est d’ailleurs d’accord avec la chaîne sur un point : il qualifie le petit al-Dura de “symbole par excellence” de ce que serait la cause palestinienne. “Un symbole cardinal, révélateur à bien des égards”.

Échos actuels et tentative avortée de lancer une autre affaire al-Dura

Aujourd’hui Israël subit une nouvelle vague d’attentats terroristes : des Israéliens, des civils de tous âges comme des soldats sont attaqués à coups de couteaux ou de haches mais aussi de pierres, de cocktails Molotov, écrasés par des voitures... Il y a eu nombre de victimes, des Israéliens tués ou blessés, certains grièvement, mais aussi des Palestiniens, tués ou blessés par des civils attaqués qui se défendent, des témoins, ou des soldats.

Le déclencheur de ces violences étant l’incitation à la violence du mouvement terroriste du Hamas mais aussi de l’Autorité palestinienne, par la voix de son Président, Mahmoud Abbas, de dirigeants et de membres du Fatah, parti également présidé par Mahmoud Abbas. Ils suscitent une indignation religieuse en prétendent qu’Israël souillerait et mettrait en danger la mosquée al-Aqsa, troisième lieu saint de l’Islam, - mosquée construite au VIIème siècle sur le Mont du Temple et les vestiges des deux Temples juifs détruits des siècles plus tôt-. Ce qui ne peut qu’outrager des fidèles musulmans et les pousser littéralement au crime et à rechercher le “martyre”. Parallèlement ils glorifient les terroristes qui tombent ou sont blessés lors d’attentats ou d’agressions, faisant d’eux des exemples à suivre. Le Paradis, récompense ultime des “martyrs pour Allah” leur est promis. Des “salaires” sont versés à ceux qui survivent. Les dirigeants palestiniens faisant montre d’un mépris total pour la vie des Juifs mais aussi d’une population arabe manipulée.

Parmi les autres déclencheurs utilisés aussi par des activistes palestiniens très actifs sur les réseaux sociaux, on retrouve à nouveau Mohamed al-Dura. Depuis la tribune de l’ONU lors de l’Assemblée générale de septembre dernier Mahmoud Abbas accusait Israël d’une profusion de crimes dont [la mort de “l’enfant al-Dura” - page 4

http://gadebate.un.org/sites/default/files/gastatements/70/70_PS_en.pdf -.

Ce jour-là un mouvement anti-israélien, se présentant comme pro-palestinien, ressortait aussi l’affaire qui, selon elle, “résume à elle seule les tragédies...d’une résistance palestinienne intensifiée”, doux euphémisme pour décrire les attentats palestiniens de la seconde Intifada de septembre 2000 à 2005 et ses centaines de victimes juives civiles et militaires mais aussi palestiniennes.

De nombreuses vidéos, souvent bien réalisées techniquement, sont mises en ligne pour inciter les jeunes Arabes à la violence. En chanson parfois. Le 10 octobre 2015 le site Al-Quods – Jérusalem en arabe – tentait de lancer une nouvelle affaire al-Dura. Il postait une vidéo qui fit le buzz, montrant à nouveau les images de France 2, les comparant à celles d’un jeune terroriste Ahmad Manasra parti en “virée terroriste” avec son cousin. Blessé après avoir tenté de poignarder, un passant qui était parvenu à fuir, puis lardé de coups de couteau un jeune homme et un adolescent israélien de son âge qui sortait d’un magasin de friandises.

Le 13 octobre le “ministère de l’Information palestinien” mettait en ligne cette vidéo traduite et commentée en anglais. La police israélienne y est vilipendée alors qu’elle n’avait fait que stopper dans leur course meurtrière les deux terroristes ayant déjà blessé grièvement deux personnes et qu’Ahmed Manasra avait été blessé lors de son arrestation.

Abbas, qui n’a jamais condamné aucun de ces attentats, s’est joint à l’offensive en mentant publiquement, affirmant que Ahmed Manasra avait été abattu de sang-froid et était mort. En réalité il était soigné dans un hôpital israélien.... Un mensonge si énorme que même le New York Times dut le rapporter, le qualifiant d’erreur. Ahmed Manasra quittait l’hôpital Hadassah le 13 octobre pour être arrêté. Très griévement blessées ses deux victimes ont également été hospitalées à Hadassah où est encore soignée l’une d’elles.

Mais la tentative de fabriquer un nouvel al-Dura, la vérité a éclaté rapidement grâce à des caméras de surveillance. Or, au carrefour de Netzarim seule la camera de France 2 avait filmé. À peine plus d’une minute d’un incident censé en avoir duré quarante-cinq.

Les images de ces innombrables attaques sont manipulées quotidiennement dans les médias palestiniens, ne montrant que le terroriste blessé ou abattu, gommant soigneusement l’attaque qui a précedé.... On retrouve les mêmes schémas, les mêmes ressorts en 2015 qu’en 2000 mais pas ce que voudraient nous faire croire les Palestiniens.

La lecture de “L’enfant, la mort et la vérité”, avec tout ce que révèle l’ouvrage reste d’une grande actualité et d’une grande pertinence. Philippe Karsenty veut en faire un livre de combat. Un combat intellectuel, suite des combats juridiques qu’il a menés jusqu’ici. Le premier d’une série qui examinera des problématiques similaires.

* Publié en exclusivité par La Maison d’Édition https://lamaisondedition.com/, où on peut le commander. 206 pages. 20 Euros.



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