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L’Égypte comme vous ne l’avez jamais imaginée à découvrir dans un livre rare de « souvenirs d’une Israélienne au Caire »
Hélène Keller-Lind
Article mis en ligne le 29 mai 2015

Dans « La maison du Pacha », Michèle Mazel, mêlant grande Histoire, anecdotes et réflexions, raconte ses huit années au Caire, vécues en deux épisodes avec son mari, diplomate israélien, d’abord en poste comme conseiller auprès de l’ambassade d’Israël qui venait d’ouvrir, puis comme ambassadeur. Premier épisode au début des années 80, années prometteuses dans la foulée de la visite du Président Sadate en Israël, quand tous les espoirs de paix étaient permis. Le second, plus difficile, à partir de fin 1996, avec une situation se détériorant au fil du temps. Récit intimiste d’un pays tour à tour attachant et hostile. En postface Zvi Mazel livre son analyse de l’Égypte actuelle dirigée par le Président Sisi, avec, peut-être, un nouvel espoir...

« La maison du Pacha », qui a donné son titre à l’ouvrage et où elle a vécu près de cinq années, située dans le quartier résidentiel cairote de Maadi, est une maison chargée d’histoire que raconte l’auteur en préambule, donnant ainsi le cadre de son récit. Histoire égyptienne fluctuante très liée, rappelle-t-elle, à celle d’Israël. Rappel qui n’est pas anodin ici car c’est en tant qu’Israélienne qu’elle a vécu dans cette Égypte connue de l’intérieur, au début des années 80, d’abord, puis de fin 1996 à 2001, après les remous de l’affaire al-Dura et quelques jours avant les attentats du Word Trade Center.

Pas n’importe quelle Israélienne d’ailleurs étant donné qu’elle y avait accompagné son mari en poste de conseiller auprès de l’ambassade d’Israël qui ouvrit en février 80, dans la foulée du rapprochement et de la paix voulues par le Président Sadate. Un séjour en famille car ils avaient emmené avec eux leurs trois enfants. Le second séjour se faisant alors que son mari était devenu ambassadeur d’Israël au Caire, dans une ambiance fort différente car après que le Président Sadate ait été assassiné.

Pourtant, bien qu’épouse d’ambassadeur, elle ne jouissait d’aucun statut particulier mais a eu ce double regard d’expatriée et de « femme de »...ce qui n’est pas forcément un avantage lorsque l’on vient d’Israël...

Michèle Mazel nous raconte donc le quotidien d’une expatriée, avec ses petites misères et sa débrouille, ses joies aussi. Quotidien couplé avec son inquiétude pour un mari cible numéro un des terroristes, dit-elle, l’ambassadeur des États-Unis n’ayant que la seconde place...elle décrit les réceptions, très codifiées, qu’elle donne ou auxquelles elle est invitée, avec leurs plaisirs mais aussi leurs couacs parfois cocasses. Le manque d,intimité dans une maison truffée de micros et pleine d’agents de sécurité ou de personnel. Elle raconte la gentillesses des Égyptiens mais aussi les rebuffades essuyées, y compris venant de personnalités hostiles, égyptiennes mais pas seulement. Avec la nécessité d’y faire face avec humour et diplomatie, même si parfois la coupe était pleine. On croise avec elle une communauté juive peau de chagrin, autrefois florissante, vivant ses dernières années, les chiffonniers du Caire et Sœur Emmanuelle, des enseignants de l’École américaine ou du Lycée français, deux associations caritatives de femmes expatriées, des chauffeurs, des commerçants, des agents de sécurité, jeunes et démocratiques lorsqu’ils sont israéliens, parfois déroutants lorsqu’ils sont égyptiens. Il y a le monde rural égyptien et ses villages sans le moindre confort. Une pauvreté terrible. Et le contraste avec la richesse de la bonne société. Sans oublier les felouques, les villas sur le Nil, Alexandrie, les vestiges de l’Égypte ancienne. Il y a aussi la désinformation aberrante de médias locaux dont elle donne d’incroyables exemples. Un antisionisme, voire un antisémitisme vivaces et le terrorisme qui coûta la vie à des Israéliens en poste au Caire.
Bref ce livre est à lire et à relire tant il est riche, tant l’auteur fait revivre pour nous les temps forts de ses années égyptiennes avec justesse, plaisir, humour, grinçant parfois, nostalgie et à l’occasion tristesse et une certaine distance. Elle le fait avec son double regard d’expatriée bien décidée à découvrir tout ce qui peut l’être et de « femme de », ce qui donne d’autant plus de densité au récit.

Si son récit n’a rien de politique à proprement parler, la postface de son mari, Zvi Mazel, l’est éminemment. Arabophone, notamment, ayant appartenu au Département « de la normalisation » puis de l’Égypte du ministère des Affaires étrangères israélien, ambassadeur dans plusieurs pays, il évoque l’Égypte d’Anouar Sadate, Président assassiné et la paix qui ne put prendre son plein essor, celle d’Hossni Moubarak qui ne fit rien pour faire progresser ce qui avait été acquis et enfin celle du Président Sisi qui se « voit comme un réformateur », a avancé dans ce sens, s’est prononcé pour un Islam d’où serait banni l’extrémisme, mais qui est confronté à l’opposition des Frères Musulmans et à « leurs partenaires djihadistes ». Un Président vu par la majorité des Égyptiens « comme l’homme du moment », dit-il, mais dont « la tache ne sera pas facile »...


« La maison du Pacha, souvenirs d’une Israélienne au Caire », Michèle Mazel, Éditions Elkana, 249 pages, 19
http://www.amazon.fr/La-Maison-Pach...



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