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Reconnaissance de l’État de Palestine - Entretien de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, avec « France Inter » (Paris, 25/11/2014)
Article mis en ligne le 26 novembre 2014

Q - Vendredi, à l’Assemblée nationale, va se dérouler un débat important qui concerne la diplomatie française : les députés vont débattre de la reconnaissance de l’État de Palestine. C’est une bonne initiative Laurent Fabius ?

R - C’est une initiative juridiquement régulière, puisqu’en vertu des changements qui ont eu lieu dans la Constitution le Parlement peut discuter de cela. Mais il faut qu’il soit bien clair - et ça l’est pour tout le monde - qu’autant le Parlement, en l’occurrence l’Assemblée nationale, peut voter des invitations à quelque chose, autant la décision relève du gouvernement, du président de la République, et eux seuls.

Q - Le texte de la résolution c’est : « on invite le gouvernement à reconnaître l’État de Palestine ».

R - Oui, il n’y a donc aucune injonction ; soyons clairs et nets là-dessus. Cela dit, pourquoi y a-t-il eu, dans plusieurs pays, le même mouvement - au Royaume-Uni, en Espagne, en Suède, etc. ? C’est parce que la situation est dramatique et complètement bloquée là-bas. Il y a donc des débats dans les opinions publiques et dans les Parlements.

Je m’exprimerai au nom du gouvernement vendredi matin. Sur la question de principe de la reconnaissance d’un État Palestinien, la position de la France a toujours été, y compris depuis 1947, qu’il fallait qu’il y ait deux États. À partir du moment où il y a deux États - on a reconnu Israël - il faudra reconnaître la Palestine. La question ne porte donc pas sur le principe mais sur les modalités. Il y a toute une série de discussions et j’aurai l’occasion de dire quelle est la position de la France.

Q - C’est-à-dire, modalités ? Une question d’opportunité, est-ce que c’est le bon moment, est-ce que c’est...

R - Non, de modalités. Jusqu’à présent, il a toujours été dit : « c’est dans le cadre d’une négociation que, le moment venu, il y aura la reconnaissance ». Cela se comprend très bien parce qu’il faut aussi, pour que la reconnaissance soit effective, que du côté d’Israël il y ait un certain nombre d’éléments. Mais comme la négociation n’a pas lieu, on se trouve dans une espèce de butoir, de voie sans issue.

La France, avec d’autres partenaires, essaye d’avoir une action sur trois fronts. D’une part, aux Nations unies pour voir si on ne peut pas trouver une résolution qui permette à tout le monde de se rassembler. Ensuite, nous sommes favorables à l’idée d’une conférence internationale parce que ce que l’on constate que les parties, c’est-à-dire Israël et la Palestine, discutent mais lorsqu’ils arrivent au bout de la discussion, historiquement, ils n’arrivent plus à se mettre d’accord ; il faut donc qu’il y ait un accompagnement international et c’est dans ce cadre que peut intervenir, le moment venu, la reconnaissance.

J’aurai l’occasion d’expliquer tout cela mais, je le répète pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, c’est au gouvernement et au président de la République à prendre, le moment venu, la décision.

Q - Le moment venu, ça ne veut pas dire forcément dans les jours ou les semaines qui suivront, qui suivraient, le vote d’une résolution par le Parlement français.

R - Non bien sûr, pas du tout nécessairement, c’est une question d’opportunité politique.

Q - Mais aujourd’hui, sur le terrain, dans la réalité des faits, beaucoup expliquent que l’État palestinien n’est plus possible. La colonisation israélienne a rendu la situation irréversible, avec 380.00 colons présents dans les territoires palestiniens...

R - C’est une des raisons pour lesquelles la colonisation, qui est jugée illégale en droit international, est critiquée et même condamnée par la communauté internationale. La solution est celle des deux États mais à partir du moment où il y a, sur le terrain, des avancées de la colonisation, il arrive à un moment - et ce moment peut se rapprocher - où, concrètement, c’est de plus en plus difficile. Donc, si on veut vraiment la paix, on a besoin des deux États et si on a besoin des deux États, il faut que les conditions pratiques soient remplies.

Q - Et vous l’auriez votée, comme député, cette résolution, Laurent Fabius

R - J’avais déposé, il y a quelques années, quand j’étais parlementaire, un projet qui était très voisin. Mais déjà à l’époque je savais, parce que je connais la Constitution, que c’est au gouvernement et au président de la République de prendre la décision. J’insiste.

(...)

Q - Vous avez déclaré, samedi dernier, qu’il y aura, parce que c’est une évidence, une reconnaissance de l’État palestinien par la France. La question c’est quand et comment ? Il faut que cette reconnaissance soit utile aux efforts pour sortir de l’impasse et contribuer à un règlement définitif du conflit.

Au regard de la montée des tensions sur place - attaque à la voiture bélier, annonces de nouvelles constructions, attentat sanglant dans une synagogue à Jérusalem et durcissement du ton des dirigeants politiques - et avec l’exacerbation de l’importation du conflit en France ces derniers mois, qu’est-ce qu’une reconnaissance unilatérale de l’État palestinien maintenant par la France changera concrètement sur le terrain ?

R - Sur le principe de la reconnaissance des deux États, ce principe est acquis depuis 1947 et c’est la constance de la politique française. Nous ne souhaitons pas que cette reconnaissance soit virtuelle, elle doit être réelle. Jusqu’à présent, c’était dans le cadre d’une négociation et la négociation est souhaitable.

Q - Quelle est la différence entre virtuelle et réelle ?

R - Si c’est un État sur le papier qui n’existe pas dans les faits, cela ne donnera rien aux Palestiniens.

Q - La France ne reconnaitrait pas la Palestine tant que sur le terrain il n’y aura rien de concret ?

R - Non, c’est de la dialectique. Si aujourd’hui, nous disons que nous reconnaissons l’État de Palestine sur le terrain, cela ne changera rien du tout. Or, les Palestiniens luttent à juste raison pour avoir un État et d’ailleurs les amis d’Israël doivent aussi souhaiter qu’il y ait un État palestinien pour permettre la sécurité.

Q - Imaginons que la proposition de Benoît Hamon de demander à l’exécutif de reconnaître l’État palestinien soit votée, obtienne la majorité à l’Assemblée. Le lendemain matin, que fait le gouvernement ?

R - C’est un signe politique sur ce que souhaiteront ceux qui auront voté mais, le gouvernement n’est pas lié c’est clair.

Q - J’ai bien compris mais qu’allez-vous faire, reconnaître ou bien attendre ?

R - Nous ferons trois choses : continuer à essayer d’obtenir une résolution unanime à l’ONU qui permette de définir les paramètres de la négociation. Nous sommes disposés à accueillir une conférence internationale avec les Arabes, les Européens, les Américains, les Jordaniens. Et, troisième point, il est souhaitable qu’il y ait une reconnaissance.

(...)./.



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