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Le rapport Mehlis : la Syrie et de hauts responsables libanais officiellement impliqués dans l’assassinat de Rafic Hariri
www.esisc.org
Article mis en ligne le 21 octobre 2005
dernière modification le 23 octobre 2005

M. Detlev Mehlis, rapporteur spécial de l’ONU a remis hier son rapport d’enquête sur l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, le 14 février dernier.

Bien qu’étant encore succinct, ce document de 53 pages établit d’ores et déjà qu’« Il y a des preuves convergentes montrant à la fois l’implication libanaise et syrienne dans cet acte terroriste », Le procureur allemand souligne que l’assassinat n’aurait pu être commis sans l’accord de responsables syriens et libanais de haut rang, entre autres dans le domaine du renseignement : « C’est un fait bien connu que le renseignement militaire syrien a eu une présence envahissante au Liban, au moins jusqu’au retrait des forces syriennes à la suite de la résolution 1559. Les anciens hauts responsables de la sécurité au Liban étaient désignés par lui [?] Vu l’infiltration des institutions et de la société libanaises par les services de renseignement syrien et libanais oeuvrant en tandem, il serait difficile d’imaginer un scénario où un complot en vue d’un assassinat aussi complexe aurait pu être mené à leur insu ».

Le rapport de M. Mehlis accuse également le ministre des affaires étrangères syrien, M. Farouk al-Chareh, d’avoir essayé d’égarer les recherches : « La lettre adressée à la Commission par le ministre des Affaires étrangères de la République arabe syrienne s’est révélée contenir des informations fausses ».

L’appareil de renseignement syrien étant étroitement inféodé ˆ dans toutes ses composantes ˆ au pouvoir clanique de la famille al-Assad, il fait peut de doutes, même si le rapport ne va pas jusque là, que le président Bachir al-Assad lui-même ait été au courant de l’assassinat de Rafic Hariri s’il ne l’a pas, lui même, commandité. De même, plusieurs attentats ayant eu lieu au Liban depuis la mort de Rafic Hariri dans le but manifeste de déstabiliser la société libanaise et tous portant, à un degré ou à un autre, la même marque que celui qui a tué l’ancien premier ministre, on peut penser que Damas a cyniquement continué à ?uvrer dans l’ombre alors même que M. Mehlis enquêtait.

La Syrie bien entendu, nie toute implication dans ces violences mais quatre responsables libanais de haut niveau de la sécurité, tous proches du président Emile Lahoud ont été arrêtés et inculpés dans le cadre de l’affaire Hariri. Outre le régime syrien, c’est donc désormais le président Lahoud ˆ considéré par beaucoup comme une simple marionnette des Syriens ˆ qui est sur la sellette.

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LIBAN/SPECIAL RAPPORT MEHLIS (2) : les points forts du rapport

Sur l’implication des services secrets syriens et libanais :

  • « Tout porte à croire raisonnablement que la décision d’assassiner Rafic Hariri n’a pas pu être prise sans l’approbation de hauts responsables sécuritaires syriens, que le crime n’aurait pas pu être organisé sans la complicité de leurs homologues libanais. »
  • La décision d’assassiner Hariri aurait été prise lors d’une réunion, à Damas, à la mi septembre 2004, deux semaines après l’adoption par l’ONU de la résolution 1559 qui imposait le retrait syrien du pays des Cèdres. Plusieurs hauts responsables du renseignement syrien auraient participé à cette réunion.
  • les SR libano syriens étaient informés jour après jour de chaque déplacement du président Hariri des mois avant son assassinat.
  • Un témoin rapporte que 15 jours avant l’assassinat, un officier syrien de haut rang basé au Liban lui a confié qu’il y aurait bientôt « un tremblement de terre qui réécrira l’histoire du Liban »

- Zuhair Mohammed Siddique, un ancien officier de renseignement syrien affirme que « sept officiels syriens et quatre officiels libanais » ont été impliqués dans le complot. Le fait que Siddique avoue lui-même avoir pris part à l’opération (il a d’ailleurs été arrêté à Paris la semaine dernière) renforce son témoignage.

  • Moustafa Hamdane (chef de la Garde présidentielle d’Emile Lahoud) et Raymond Azar (chef du Renseignement militaire) ont assuré le soutien logistique de l’opération en fournissant l’argent, les téléphones, les voitures, les talkies-walkies, les pagers, les armes, les cartes d’identité, etc.
  • Une antenne de télécommunications qui couvrait la scène de l’explosion a été mise hors service durant le crime, ce qui implique des complicités à haut niveau.
  • Abou Adass, présenté dans une vidéo de confession remise à des médias arabes comme ayant conduit « l’opération suicide » contre Hariri aurait quitté son domicile de Beyrouth le 16 janvier 2005 et aurait « disparu en Syrie » (quelques semaines avant l’attentat) après avoir été forcé d’enregistrer la bande.

Sur l’implication d’Emile Lahoud :

  • Plusieurs de ses proches, dont le chef de sa garde personnelle sont impliqués dans le complot.
  • Le président Émile Lahoud aurait reçu sur son téléphone portable un appel de Mahmoud abdel-al (voir ci-dessous) impliqué dans le complot, le 14 février à 12h47, quelques minutes avant l’explosion.

Sur le mobile du crime :

  • Le rapport fait état de « motifs politiques »
  • Il rappelle les menaces proférées par Bachar el-Assad à Rafic Hariri en août 2004 et rapportées par plusieurs témoins

Sur l’implication d’une faction palestinienne pro-syrienne :

  • Certains des comploteurs auraient été en contact étroit avec Ahmed Jibril, le chef du Front Populaire de Libération de la Palestine- Commandement Général (FPLP-CG), basé en Syrie.

Sur l’implication de la secte Al-Ahbash :

  • Ahmad Abdel-Al et son frère Mahmoud, deux membres influents de la secte Al Ahbash auraient téléphoné à plusieurs reprises à chacune des personnes impliquées dans le complot. Ahmad Abdel-al était en contact étroit avec le brigadier général Fayçal Rasheed, chef de la sécurité de l’Etat C’est Mahmoud abdel-Al qui aurait appelé le président Lahoud le jour de l’attentat. Il aurait téléphoné, quelques minutes plus tard (12H49) à Raymond Azar.

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21/10/2005

LIBAN/SPECIAL RAPPORT MEHLIS (3) : la secte al-Ahbash, un relais d’influence syrien au Liban

La Jam’iyyat al-Mashari’ al-Khairiyya al-Islamiyya (« Société des Projets Philanthropiques Islamiques », en abrégé al-Ahbash) est apparue au Moyen Orient il y a quelques dizaines d’années.

Très développée en Syrie et au Liban, al-Ahbash apparaît depuis vingt ans comme un outil aux mains du pouvoir alaouite syrien pour lutter contre les Frères Musulmans et asseoir l’influence de Damas dans la communauté musulmane libanaise.

Les Ahbashi sont les sectateurs du Sheikh Abdullah Ibn Muhammad Ibn Yusuf al-Hirari al-Shibi al-Abdari, aussi connu sous le nom de Abdullah al-Habashi (« l’Ethiopien »), né en 1920 à al-Hirar (Ethiopie). Expulsé vers l’Arabie saoudite en 1947, il s’installe, un an plus tard, à Damas, puis, en 1950, à Beyrouth. En 1983, son groupe prend le contrôle de la Société des Projets Philanthropiques Islamiques.

Du point de vue religieux, la secte des Ahbashi développe une vision syncrétique dans laquelle se mêlent dogmes sunnites, chiites et spiritualisme soufi et reconnaît la légitimité de l’Imam Ali et de ses fils. Des soufis, elle a gardé le recours au chant et à la danse pour glorifier Allah ou encore le culte des « pieux ancêtres ». La secte rejette l’intolérance et l’idéologie Takfir (qui permet de s’attaquer aux musulmans qui « trahissent » le véritable islam en servant des « gouvernements impies ») ainsi que tous les groupes inspirés par la philosophie et les écrits de Ibn Taymiyya et Sayyid Qutb et s’oppose donc à l’intégrisme et à l’usage de la violence contre les autorités.

Depuis le début des années quatre vingt, les Ahbashi ont été fortement instrumentalisés par Damas pour étendre son influence au Liban et seraient largement pénétrés par les services de sécurité syriens. Lorsque la société libanaise se mobilisa pour exiger le départ des Syriens, après l’assassinat de Rafic Hariri, c’est al- Ahbash qui organisa quelques unes des principales manifestations de soutien à Damas.

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LIBAN/SPECIAL RAPPORT MEHLIS (4) : la galaxie des services spéciaux syriens

22/10/2005

Les services secrets syriens, directement placés sous la responsabilité de la présidence et du clan al-Assad, forment une galaxie complexe. Pour garder le contrôle absolu de la situation le chef de l’état a favorisé une culture du secret qui confine à la paranoïa, la plupart des responsables de division rapportant directement à Assad plutôt qu’à leurs propres chefs. De même, il est fréquent que plusieurs services ou divisions de ceux-ci soient chargés de missions identiques. Bien que certaines officines directement en charge de missions très spéciales n’aient sans doute jamais été identifiées, ce sont principalement quatre « centrales » qui se partagent les missions de renseignement, d’action et de protection du régime. On remarquera que les deux organisations militaires se taillent la part du lion dans l’organiframme, les budgets et les moyens humains de la sécurité syrienne.

Direction de la sécurité Politique (DSP, Idarat al-Amn al-Siyasi)

La DSP est plus particulièrement responsable de la détection des activités politiques organisées qui pourraient menacer le régime et de la surveillance des milieux et personnalités d’opposition ainsi que des contacts que des Syriens peuvent avoir avec des étrangers de passage ou résidant dans le pays. Elle est également en charge de la censure et du contrôle des médias.

Direction Générale de la Sécurité (DGS, Idarat al-Amn al-’Amm)

La DGS est le service de renseignement civil le plus important du pays et est subdivisé en trois branches. La Division de la Sécurité Intérieure est responsable de la surveillance de la population et est donc en concurrence directe avec la, DSP, ce qui permet à Assad de disposer de deux sources de renseignement indépendantes. Vient ensuite la Division de la Sécurité Extérieure, qui comme son nom l’indique s’occupe du renseignement à l’étranger et, enfin, la Division des Affaires Palestiniennes, qui contrôle les activités des organisations palestiniennes présentes en Syrie et au Liban. En décembre 2001, le général Hisham Bakhtiar, chef de la Division des Affaires Palestiniennes, a remplacé à la direction de la DGS le général Ali Hammoud, qui avait lui-même été appelé à ce poste quelques mois plus tôt. Le général Bakhtiar est réputé être très proche du général Assef Shawkat, qui dirige aujourd’hui le renseignement militaire et est le propre beau frère de Bachar al- Assad.

Direction du Renseignement Militaire (DRM, Shu’bat al-Mukhabarat al- ’Askariyya)

La DRM, dont le quartier général est situé au ministère de la Défense, à Damas, ne s’occupe pas seulement de renseignement militaire mais également du financement, du soutien logistique et du contrôle de différents groupes extrémistes (Palestiniens, Libanais, Turcs) utilisés comme autant d’organisations mercenaires par le régime de Damas. Le chef du renseignement militaire, le général Hassan Khalil, a été écarté de son poste quelques jours après l’assassinat de Rafic Hariri pour être remplacé par celui qui était jusque là son adjoint, le général Assef Shawkat , beau frère de Bachar al-Assad.

Service de Renseignement de l’Armée de l’Air (Idarat al-Mukhabarat al-Jawiyya)

En dépit de ce que l’on pourrait croire, ce service n’est pas, à priori, concerné par le renseignement et lé sécurité de l’Armée de l’air Syrienne et fait figure d’organisation la plus secrète et la plus puissante du renseignement syrien. Ceci étant dû au fait que Hafez al-Assad, père de Bachar avait été pilote de chasse et chef des forces aériennes avant de prendre le pouvoir en 1970. Il s’était alors, tout naturellement dans un régime clanique, tourné vers les hommes qu’il connaissait le mieux pour assurer la protection de son régime et prendre en charge les opérations réservées à l’étranger. Au plan intérieur, le renseignement de l’armée de l’air s’est particulièrement acharné, dans les années 70 et 80 à détruire l’organisation des Frères Musulmans qui était entrée en révolte ouverte et armée contre le clan Assad et à la fin des les années quatre-vingt dix, il a concentré ses efforts sur le Parti de la Libération Islmamique (Hizb ut-Tahrir). Au plan international, le service a été l’une des principales interfaces entre Damas et le terrorisme international. Ses chefs avaient d’ailleurs été directement impliqué dans une tentative d’attentat contre un avion d’El Al, à Londres, en 1986 (affaire Hindawi).

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Syrie/Liban : suicide ou élimination du général Ghazi Kanaan, l’homme qui connaissait la vérité sur la mort de Rafic Hariri

12/10/2005

L’agence de presse officielle syrienne, SANA a publié cet après-midi une dépêche laconique annonçant le suicide du ministre de l’Intérieur, le général Ghazi Kanaan. Voici le texte complet de cette dépêche : « Le général Ghazi Kanaan, ministre de l’intérieur, s’est suicidé aujourd’hui dans son bureau à Damas. Les autorités spécialisées ont commencé les enquêtes nécessaires sur cet incident. Le conseil des ministres a annoncé aujourd’hui la mort du ministre de l’intérieur. »

Un total de 39 mots pour annoncer une nouvelle aussi considérable que l’acte désespéré d’un ministre en exercice peut sembler assez dérisoire à qui méconnaît l’opacité du régime damascène. Le « suicide » se serait produit au siège du ministère de l’Intérieur où, selon la rumeur publique, le général Kanaan se serait tiré une balle dans la tête. L’homme qui disparaît ainsi, tragiquement, à l’âge de 63 ans était l’un des « poids lourds » du régime et connaissait tous les secrets du sérail. Il avait surtout dirigé les renseignements syriens au Liban durant vingt ans avant de rentrer à Damas en 2002 et d’être nommé ministre de l’Intérieur en octobre 2004.

Sa mort intervient à quelques jours de la publication du rapport de l’envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU, M. Detlev Mehlis, chargé d’enquêter sur l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafic Hariri, en février dernier. M. Khanaan avait été interrogé, fin septembre, par M. Mehlis.

Quelques heures avant sa mort, le général Kanaan avait affirmé dans un entretien à une radio privée libanaise que la Syrie n’était mêlée en rien à la mort de l’ancien premier ministre libanais avant d’ajouter « je n’appellerai plus. C’est la dernière fois que vous m’entendrez ». Des journalistes libanais qui ont entendu cette « interview » nous ont affirmé, en fin d’après-midi, que celle-ci avait eu lieu à l’initiative de M. Kanaan qui avait appelé lui-même la station de radio « Voice of Lebanon » et qu’il semblait « lire un texte préparé » plutôt que répondre à des questions.

Publiquement, M. Khanaan avait toujours affirmé ne détenir « aucune information » sur l’assassinat de Rafic Hariri. Ses biens à l’étranger avaient été gelés à la demande du gouvernement américain qui le soupçonnait de soutenir ou d’organiser des activités terroristes.

Les rumeurs courant dans certains milieux « bien informés » à Beyrouth et qui nous sont revenues il y a quelques minutes veulent que M. Kanaan ait été assassiné afin de pouvoir être utilisé comme « bouc émissaire » dans la mort de Rafic Hariri et de pouvoir ainsi couper tout lien entre cet assassinat et le sommet du pouvoir et empêcher toute enquête ultérieure.



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