(...) la détermination sur ce point est sans faille et elle appelle le gouvernement de l’autonomie palestinienne à la plus grande attention
Aussi, les retombées politiques nont pas tardé à suivre, jusquaux images rafraîchissantes de lassemblée générale de lONU ovationnant Ariel Sharon. Un premier ministre dont limage a également changé de manière abrupte. Hier, le boucher tourmenteur de la nation arabe ; et depuis, un homme politique avide de paix, nhésitant pas à affronter lextrême droite et à risquer, pour le succès de son plan, dès lundi, léclatement du Likoud quil avait largement contribué à créer il y a une trentaine dannée. Sa résolution et, il faut bien le dire, son courage, lui valant un éditorial apologétique de Denis Jeambar dans lExpress ainsi que, et cest bien plus étonnant, certains papiers enthousiastes dans Le Monde.
La détermination de Sharon et son cavalier seul le nantissent aussi dun soutien sans précédent auprès des électeurs israéliens. Dans les sondages, il dépasse même la cote de popularité record dun Moshé Dayan au lendemain de la guerre des Six jours. Jusquà forcer le respect de lélectorat de gauche, dont lauteur de ces lignes fait partie, et qui naurait jamais songé hésiter à voter pour un candidat de droite depuis quil a atteint sa majorité électorale. Cest que les images du démantèlement des implantations nont pas seulement impressionné à létranger ; elles nous ont redonné confiance. Dans un horizon politique dont ne se dégageaient que marasme, corruption et stagnation, les Israéliens ont redécouvert un système qui fonctionne, des gens raisonnables qui exécutent leur travail et qui savent résister aux pressions, dont on craignait depuis un certain temps quelles ne paralysassent toutes les initiatives politiques. Ce nest pas rien, de découvrir que sa démocratie fonctionne.
A létranger, George Bush et son administration ne tarissent pas déloges pour Sharon ; le président les répète lors de chacune de ses interventions. LUnion Européenne elle aussi a "constaté" lhonnêteté du leader israélien ainsi que la fiabilité et la modération de notre appareil sécuritaire. Cette observation a nettement réchauffé les relations entre lEtat hébreu et lUE, au point quils discutent sérieusement ensemble de léventualité de déployer des Européens en armes sur la voie Philadelphie, afin de pallier les carences des gendarmes égyptiens et des policiers dAbbas. Afin dempêcher que leurs déficiences ne permettent aux armes destinées du Hamas de sengouffrer dans la brèche béante et, au moment qui lui semblera opportun, de déposer Abou Mazen, de bombarder les grandes villes israéliennes dAshkelon et dAshdod et de rendre incontournable la réoccupation, pour de bon cette fois, de la bande de Gaza.
Les contacts avec le monde arabo-musulman en vue de normaliser les relations dans la région nont jamais été aussi nombreux et précis. Au ministère des Affaires Etrangères, on ne sait plus où donner de la tête. Rencontre entre les ministres dIsraël et du Pakistan en tête-à-tête à Ankara, puis à Manhattan. Fin de lembargo contre les produits israéliens, décrété par les Emirats du Golfe. Multiplication des rendez-vous avec les Irakiens et les dirigeants du Maghreb, sans plus se soucier de les cacher sous le voile de la discrétion. Et même, préparation dun visite surprise de Muammar Kadhafi à Jérusalem. On aura tout vu.
Sous langle tactique, larmée israélienne a poussé un grand ouf de soulagement suite au retrait de Gaza. Désormais, Tsahal dispose dune ligne de défense continue et fortifiée à sécuriser. Rien de comparable, bien sûr, avec la tâche sisyphienne qui lui était attribuée auparavant et qui consistait à protéger les déplacements de chacun des 7'000 Israéliens qui vivaient parmi les 1,3 millions dhabitants hostiles de Gaza. Israël est le seul pays au monde à ne pas disposer de frontières définies et continues et la dernière opération a fourni un commencement de solution à cet authentique casse-tête sécuritaire.
Sur le plan stratégique, le désengagement a fait un sacré ménage ! Divisés auparavant sur tout ce qui concernait nos relations avec les Palestiniens, les partis politiques se retrouvent, parfois à leur corps défendant, contraints par Sharon dadopter une vision assez simple de lavenir. Le reste, comme le putsch ourdi par Netanyahu au sein du Likoud, nest affaire que dambitions personnelles, et lopinion publique israélienne ne sy trompe pas.
Dès maintenant, lensemble des partis politiques israéliens de gouvernement saccorde sur la nécessité dopérer selon les provisions de la Carte Routière. Préalable : le désarmement des organisations terroristes par lAutorité Palestinienne. Si Abbas trouve les ressources nécessaires pour désarmer le Hamas et le Jihad, 80% des acteurs politiques israéliens sont prêts à engager avec lui des négociations capitales avec, à la clef, la création dun Etat palestinien. On mesure le chemin parcouru durant les dernières années. Il ny a pas si longtemps, tout contact avec des membres de lOLP était passible de prison et je me suis souvent trouvé, avec Juffa et dautres, en position de hors-la-loi parce que nous désobéissions à cette loi. Au parti travailliste, à lépoque de Golda Meïr et de Dayan, on prenait toutes les précautions pour ne parler que des "habitants arabes de la Palestine". Quant au Likoud, pour des gens comme Ariel Sharon, par exemple, les Palestiniens nexistaient pas et leur patrie naturelle était la Jordanie.
Aujourdhui, même laile droite du parti, représentée par Netanyahu, favorise une attitude de "donnant-donnant" avec lAP, mais nexclut pas la création dun Etat en Cisjordanie et à Gaza. Netanyahu qui avait, dailleurs, rencontré Arafat et le gratifiait de poignées de mains chaleureuses.
Ceci dit, le pendant de cette ouverture israélienne à accepter la création dun Etat palestinien sexprime par lexigence absolue du désarmement des terroristes. Lintégration des islamistes dans le jeu politique dune Palestine démocratique, cest o.k, ce à la condition quils rendent leurs armes à la police dAbbas auparavant. Lintégration des terroristes parmi les islamistes dans les forces de sécurité de lAP ? Israël est prête à fermer un il aussi, si cette opération implique sérieusement le démantèlement des cellules terroristes que les journalistes et lagence de presse officielle français appellent, quitte à défigurer leur langue, la branche armée des diverses succursales palestiniennes des Frères Musulmans.
Mais cest le bout de la corde des concessions que les Israéliens, à nouveau daccord entre eux, sont prêts à faire. Pas question, par exemple, que le Hamas participe aux élections de cet hiver tant quil naura pas totalement renoncé à la violence. Shimon Pérès, la colombe du gouvernement actuel, exprimant en cela le consensus retrouvé, la déclaré hier aux media : "on ne se rend pas dans un local de vote avec une bombe", complétant, "ni avec un bulletin dans une main et une bombe dans lautre".
Et puis, le point cardinal, celui sur lequel Israël a obtenu la compréhension des chancelleries occidentales et du Secrétaire de lONU à la suite de son désengagement unilatéral, celui qui marque peut-être plus que tout autre le gain stratégique réalisé par Israël dans cette affaire : lEtat hébreu nouvrira pas la phase cruciale des négociations avec lAP, celle devant aboutir à la création dun Etat Palestinien, tant que Mahmoud Abbas naura pas désarmé tous les intégristes.
Tant au sein de la classe politique que du peuple israéliens, la détermination sur ce point est sans faille et elle appelle le gouvernement de lautonomie palestinienne à la plus grande attention. Il nest pas non plus question pour Jérusalem de rendre à Mahmoud Abbas la vie inutilement difficile, bien au contraire. Sil sagit de laider à entraîner ses unités dintervention ou dautoriser dautres Etats, comme lEgypte, la Jordanie et les Etats-Unis à le faire, cela ne posera aucun problème. Idem pour encourager laide internationale à la construction de la bande de Gaza, le même Shimon Pérès a rappelé que cétait dans lintérêt dIsraël. Va aussi pour assouplir les contrôles des communications en Cisjordanie, ce aussi loin que ces mesures nencouragent pas le renouveau des attentats terroristes dans nos villes.
Mais les négociations sur le statut final ne souvriront que lorsque lAP aura fait de lordre dans son jardin et que, pour emprunter la formule de M. Abbas lui-même, lorsquil ny aura plus que le bras armé de lautorité légitime qui tiendra un fusil.
Ceux qui suivent les évènements du Proche-Orient réaliseront limportance du consensus intra israélien et israélo occidental sur cette plateforme. Il permet à la fois aux Palestiniens de prendre leur destinée en main, et aux Israéliens de garantir quils nauront à faire les concessions les plus dures que lorsque le terrorisme sera jugulé chez leur futur voisin indépendant.
Le désengagement pour parvenir à cette plateforme était indispensable ; il a servi à démontrer aux sceptiques, in et ex domo, que Sharon pouvait exprimer des concessions majeures autrement que par des promesses. Maintenant, et tout le monde cette fois sentend à ce sujet, cest vraiment aux Palestiniens de prouver leur bonne volonté et, stratégiquement parlant, à cette fin déclaircissement total, le désengagement fut vraiment un coup de maître.