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Le poids des images et de la stratégie
Par Jean Tsadik © Metula News Agency
Article mis en ligne le 23 septembre 2005
dernière modification le 24 septembre 2005

(...) la détermination sur ce point est sans faille et elle appelle le gouvernement de l’autonomie palestinienne à la plus grande attention

Désengagement terminé, dans un ordre impeccable, avec une retenue de la part des forces de l’ordre israéliennes qui a fait l’admiration de l’opinion publique mondiale – enfin de celles qui ont pu en voir les images en direct – ainsi que des dirigeants de nombreux pays. Une opération qui a réduit en miettes les accusations propagandistes palestiniennes, des media français et de la BBC, qui s’efforçaient de présenter Tsahal sous la forme d’une armée de voyous génocidaires, les téléspectateurs s’étant bien rendu compte que rien n’est plus éloigné du comportement de ces soldats et officiers que cette légende d’inspiration raciste. De fait, Tsahal est apparue telle qu’en elle-même ; si ce n’est la plus grande armée du monde, du moins, et avec une marge d’avance confortable, c’est la plus disciplinée et surtout la plus humaine.

 

Aussi, les retombées politiques n’ont pas tardé à suivre, jusqu’aux images rafraîchissantes de l’assemblée générale de l’ONU ovationnant Ariel Sharon. Un premier ministre dont l’image a également changé de manière abrupte. Hier, le boucher tourmenteur de la nation arabe ; et depuis, un homme politique avide de paix, n’hésitant pas à affronter l’extrême droite et à risquer, pour le succès de son plan, dès lundi, l’éclatement du Likoud qu’il avait largement contribué à créer il y a une trentaine d’année. Sa résolution et, il faut bien le dire, son courage, lui valant un éditorial apologétique de Denis Jeambar dans l’Express ainsi que, et c’est bien plus étonnant, certains papiers enthousiastes dans Le Monde.

 

La détermination de Sharon et son cavalier seul le nantissent aussi d’un soutien sans précédent auprès des électeurs israéliens. Dans les sondages, il dépasse même la cote de popularité record d’un Moshé Dayan au lendemain de la guerre des Six jours. Jusqu’à forcer le respect de l’électorat de gauche, dont l’auteur de ces lignes fait partie, et qui n’aurait jamais songé hésiter à voter pour un candidat de droite depuis qu’il a atteint sa majorité électorale. C’est que les images du démantèlement des implantations n’ont pas seulement impressionné à l’étranger ; elles nous ont redonné confiance. Dans un horizon politique dont ne se dégageaient que marasme, corruption et stagnation, les Israéliens ont redécouvert un système qui fonctionne, des gens raisonnables qui exécutent leur travail et qui savent résister aux pressions, dont on craignait depuis un certain temps qu’elles ne paralysassent toutes les initiatives politiques. Ce n’est pas rien, de découvrir que sa démocratie fonctionne.

 

A l’étranger, George Bush et son administration ne tarissent pas d’éloges pour Sharon ; le président les répète lors de chacune de ses interventions. L’Union Européenne elle aussi a "constaté" l’honnêteté du leader israélien ainsi que la fiabilité et la modération de notre appareil sécuritaire. Cette observation a nettement réchauffé les relations entre l’Etat hébreu et l’UE, au point qu’ils discutent sérieusement ensemble de l’éventualité de déployer des Européens en armes sur la voie Philadelphie, afin de pallier les carences des gendarmes égyptiens et des policiers d’Abbas. Afin d’empêcher que leurs déficiences ne permettent aux armes destinées du Hamas de s’engouffrer dans la brèche béante et, au moment qui lui semblera opportun, de déposer Abou Mazen, de bombarder les grandes villes israéliennes d’Ashkelon et d’Ashdod et de rendre incontournable la réoccupation, pour de bon cette fois, de la bande de Gaza.

 

Les contacts avec le monde arabo-musulman en vue de normaliser les relations dans la région n’ont jamais été aussi nombreux et précis. Au ministère des Affaires Etrangères, on ne sait plus où donner de la tête. Rencontre entre les ministres d’Israël et du Pakistan en tête-à-tête à Ankara, puis à Manhattan. Fin de l’embargo contre les produits israéliens, décrété par les Emirats du Golfe. Multiplication des rendez-vous avec les Irakiens et les dirigeants du Maghreb, sans plus se soucier de les cacher sous le voile de la discrétion. Et même, préparation d’un visite surprise de Muammar  Kadhafi à Jérusalem. On aura tout vu.

 

Sous l’angle tactique, l’armée israélienne a poussé un grand ouf de soulagement suite au retrait de Gaza. Désormais, Tsahal dispose d’une ligne de défense continue et fortifiée à sécuriser. Rien de comparable, bien sûr, avec la tâche sisyphienne qui lui était attribuée auparavant et qui consistait à protéger les déplacements de chacun des 7'000 Israéliens qui vivaient parmi les 1,3 millions d’habitants hostiles de Gaza. Israël est le seul pays au monde à ne pas disposer de frontières définies et continues et la dernière opération a fourni un commencement de solution à cet authentique casse-tête sécuritaire.     

 

Sur le plan stratégique, le désengagement a fait un sacré ménage ! Divisés auparavant sur tout ce qui concernait nos relations avec les Palestiniens, les partis politiques se retrouvent, parfois à leur corps défendant, contraints par Sharon d’adopter une vision assez simple de l’avenir. Le reste, comme le putsch ourdi par Netanyahu au sein du Likoud, n’est affaire que d’ambitions personnelles, et l’opinion publique israélienne ne s’y trompe pas.

 

Dès maintenant, l’ensemble des partis politiques israéliens de gouvernement s’accorde sur la nécessité d’opérer selon les provisions de la Carte Routière. Préalable : le désarmement des organisations terroristes par l’Autorité Palestinienne. Si Abbas trouve les ressources nécessaires pour désarmer le Hamas et le Jihad, 80% des acteurs politiques israéliens sont prêts à engager avec lui des négociations capitales avec, à la clef, la création d’un Etat palestinien. On mesure le chemin parcouru durant les dernières années. Il n’y a pas si longtemps, tout contact avec des membres de l’OLP était passible de prison et je me suis souvent trouvé, avec Juffa et d’autres, en position de hors-la-loi parce que nous désobéissions à cette loi. Au parti travailliste, à l’époque de Golda Meïr et de Dayan, on prenait toutes les précautions pour ne parler que des "habitants arabes de la Palestine". Quant au Likoud, pour des gens comme Ariel Sharon, par exemple, les Palestiniens n’existaient pas et leur patrie naturelle était la Jordanie.

 

Aujourd’hui, même l’aile droite du parti, représentée par Netanyahu, favorise une attitude de "donnant-donnant" avec l’AP, mais n’exclut pas la création d’un Etat en Cisjordanie et à Gaza. Netanyahu qui avait, d’ailleurs, rencontré Arafat et le gratifiait de poignées de mains chaleureuses.

 

Ceci dit, le pendant de cette ouverture israélienne à accepter la création d’un Etat palestinien s’exprime par l’exigence absolue du désarmement des terroristes. L’intégration des islamistes dans le jeu politique d’une Palestine démocratique, c’est o.k, ce à la condition qu’ils rendent leurs armes à la police d’Abbas auparavant. L’intégration des terroristes parmi les islamistes dans les forces de sécurité de l’AP ? Israël est prête à fermer un œil aussi, si cette opération implique sérieusement le démantèlement des cellules terroristes que les journalistes et l’agence de presse officielle français appellent, quitte à défigurer leur langue, la branche armée des diverses succursales palestiniennes des Frères Musulmans.

 

Mais c’est le bout de la corde des concessions que les Israéliens, à nouveau d’accord entre eux, sont prêts à faire. Pas question, par exemple, que le Hamas participe aux élections de cet hiver tant qu’il n’aura pas totalement renoncé à la violence. Shimon Pérès, la colombe du gouvernement actuel, exprimant en cela le consensus retrouvé, l’a déclaré hier aux media : "on ne se rend pas dans un local de vote avec une bombe", complétant, "ni avec un bulletin dans une main et une bombe dans l’autre".

 

Et puis, le point cardinal, celui sur lequel Israël a obtenu la compréhension des chancelleries occidentales et du Secrétaire de l’ONU à la suite de son désengagement unilatéral, celui qui marque peut-être plus que tout autre le gain stratégique réalisé par Israël dans cette affaire : l’Etat hébreu n’ouvrira pas la phase cruciale des négociations avec l’AP, celle devant aboutir à la création d’un Etat Palestinien, tant que Mahmoud Abbas n’aura pas désarmé tous les intégristes.

 

Tant au sein de la classe politique que du peuple israéliens, la détermination sur ce point est sans faille et elle appelle le gouvernement de l’autonomie palestinienne à la plus grande attention. Il n’est pas non plus question pour Jérusalem de rendre à Mahmoud Abbas la vie inutilement difficile, bien au contraire. S’il s’agit de l’aider à entraîner ses unités d’intervention ou d’autoriser d’autres Etats, comme l’Egypte, la Jordanie et les Etats-Unis à le faire, cela ne posera aucun problème. Idem pour encourager l’aide internationale à la construction de la bande de Gaza, le même Shimon Pérès a rappelé que c’était dans l’intérêt d’Israël. Va aussi pour assouplir les contrôles des communications en Cisjordanie, ce aussi loin que ces mesures n’encouragent pas le renouveau des attentats terroristes dans nos villes.

 

Mais les négociations sur le statut final ne s’ouvriront que lorsque l’AP aura fait de l’ordre dans son jardin et que, pour emprunter la formule de M. Abbas lui-même, lorsqu’il n’y aura plus que le bras armé de l’autorité légitime qui tiendra un fusil.

 

Ceux qui suivent les évènements du Proche-Orient réaliseront l’importance du consensus intra israélien et israélo occidental sur cette plateforme. Il permet à la fois aux Palestiniens de prendre leur destinée en main, et aux Israéliens de garantir qu’ils n’auront à faire les concessions les plus dures que lorsque le terrorisme sera jugulé chez leur futur voisin indépendant.

 

Le désengagement pour parvenir à cette plateforme était indispensable ; il a servi à démontrer aux sceptiques, in et ex domo, que Sharon pouvait exprimer des concessions majeures autrement que par des promesses. Maintenant, et tout le monde cette fois s’entend à ce sujet, c’est vraiment aux Palestiniens de prouver leur bonne volonté et, stratégiquement parlant, à cette fin d’éclaircissement total, le désengagement fut vraiment un coup de maître.    



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