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Petite psychanalyse du syndrome « antisioniste »
Shmuel Trigano Professeur des Universités
Article mis en ligne le 7 avril 2013
dernière modification le 4 décembre 2013

Le Monde nous a livré ces derniers jours deux occasions d’approfondir le syndrome psychique qui est à l’œuvre en France dans l’interprétation du conflit israélo arabe et notamment dans les médias. La caricature de Plantu dans la livraison en date du 3 avril 2013 met à nu les soubassements de la psyché collective. Ce qui apparaît bien sûr en premier dans ce dessin, c’est la symétrie que le dessinateur désire établir entre un état des choses objectif chez les Palestiniens (la séparation des sexes dans l’enseignement), événement qui motive la caricature, et un état des choses supposé chez les Israéliens.

Deux substitutions asymétriques

Cette symétrie forcée (c’est la thèse que le dessin défend sans argumentation) repose cependant sur 2 substitutions : d’un côté, la légende suggère que l’objet de la comparaison (la discrimination de genre) est attribué au Hamas, et de l’autre, la mention portée sur le bâtiment de fond nous laisse entendre qu’il s’agit de la Palestine. Force est de remarquer que le dessin représentant le Hamas n’est pas identifié graphiquement comme tel : seule la légende y supplée. Ce déséquilibre dans la symétrie induit en fait que la Palestine est supposée indemne du Hamas (ici « condamné »). L’implication en est claire : quand Israël s’affronte à celui-ci ou est exposé à ses actes violents, c’est « la Palestine » qu’il attaque mais quand les Palestiniens attaquent, c’est le Hamas qui est coupable. Au passage, donc, « la Palestine » se voit innocentée de la politique du Hamas (mais que sont les Hamasniks sinon des Palestiniens ?) comme de sa propre politique. Elle n’est que victime, quoiqu’elle fasse.

La deuxième substitution forcée concerne « les filles ». Dans le cas du Hamas, Plantu représente un genre alors que, sous la botte du soldat israélien, « les filles » deviennent les Palestiniens tout court (« filles » et garçons ?) non plus posés en rapport à leur école mais à leur pays (la Palestine) qu’un Israël artificiel (pancarte de travers) recouvre et occulte (« Palestine » et pas « territoires occupés »). Si on laisse de côté le fait que c’est la légitimité même de l’Etat d’Israël qui est ainsi mise en doute (une pancarte improvisée est apposée sur un bâtiment de base appelé Palestine), on constate que la discrimination scolaire des genres est mise en parallèle avec une supposée discrimination ethnique, politique, nationale. Celle dernière est ainsi subrepticement mise en parallèle avec une discrimination dans le genre humain (homme-femme), ce qui l’aggrave encore plus (et induit l’idée d’l’apartheid…). « Les filles » persécutées ne sont en effet pas nationalement identifiées.

Remarquons la symétrie entre les deux personnages excluants : même gestuelle, mais l’Israélien est un soldat et le Hamasnik un « homme » (religieux, innocent, non armé) en djellaba. Il porte pourtant le bandeau vert des martyrs alors que le soldat porte une étoile de David manifeste (qui bien sûr n’existe pas dans l’habit du soldat israélien). Induit-elle l’idée des Juifs en général et pas « seulement » des Israéliens ? La portée du dessin serait alors encore plus grave.

Plantu aurait pu opposer le fait que s’il est un pays où la discrimination de genre est au plus bas, c’est bien Israël, ce qui n’est le cas ni sous l’OLP, ni sous le Hamas. Il aurait pu opposer le fait que les Arabes chrétiens qui subsistent dans les territoires sous l’autorité Palestinienne et à Gaza s’enfuient en masse de ces lieux où ils sont persécutés, alors que la communauté chrértienne est florissante en Israël. Il aurait pu opposer à cette persécution des chrétiens le fait que les Arabes d’Israël sont des citoyens à part entière (sauf qu’ils sont exemptés du service militaire), qu’ils ont plusieurs partis (y compris islamique) représentés à la Knesset, un juge à la Cour suprême, leur propre réseau scolaire dans leur langue, deuxième langue nationale du pays, présente dans toutes les signalisations… Sans doute est-ce trop demander ?

Rajoutons un autre élément à peine perceptible, un « lapsus » graphique du dessinateur, dirait le psychanalyste. Au dessus de l’inscription « Palestine », on observe une sorte de tour basse, une construction : si on prend en considération la structure ainsi créée : le bâtiment à l’horizontale qui porte sur son mur l’inscription de « Palestine », la petite tour verticale, nous obtenons l’esquisse d’une croix. La pancarte de biais « Israël » rappelle le INRI des Romains sur la croix de la crucifixion.

En conclusion, l’apparente condamnation du Hamas recouvre en fait une condamnation bien plus puissante d’Israël, suggérant l’idée qu’il constitue non seulement un pouvoir raciste et discriminatoire, n’excluant pas seulement les garçons et les filles en particulier mais tout un peuple, figure du genre humain. Le dessinateur cristallise ainsi la violence du Hamas, de la sorte innocenté, sur Israël, tandis que les Palestiniens se voient doublement innocentés : ce ne sont que des enfants et même le Hamasnik, excluant, n’a pas d’arme. Seul l’Israélien – à l’étoile de David - est habillé en soldat.

La transformation de la réalité reste cependant, la plupart du temps, rhétorique. A preuve, toujours dans Le Monde, un article en date du 22 mars 2013 qui est un chef d’œuvre du genre car, tout en accusant le coup d’un événement objectif, la journaliste, Elise Vincent ou son rédacteur en chef, le transforme dans son effet d’impact. L’événement, c’est que les actes antisémites ont augmenté de 58 % en 2012 alors que le gros titre de l’article, celui que retiendra le lecteur pressé, annonce : « Les actes antimusulmans progressent pour la troisème année consécutive ». Nous apprenons, cependant, dans le corps du texte, que la hausse des actes antimusulmans n’est quant à elle que de 30 %. Seul un petit sous-titre négligeable évoque les 58% mais - attention ! - « selon la commission des droits de l’homme », c’est à dire implicitement « sous toutes réserves » alors que les actes antimusulmans ont le statut, eux, de réalité sûre, sans réserve. On découvre, d’ailleurs, en lisant cet article, l’affirmation plutôt étonnante de la présidente de la Commission des droits de l’homme pour laquelle les causes de l’antisémitisme sont « essentiellement conjoncturelles » (depuis 12ans !) alors que celles des actes antimusulmans sont « structurelles ». La seule nouveauté par rapport à il y a 10 ans c’est qu’alors c’était de la faute d’Israël et que, maintenant, c’est de la faute de la France, à cause de l’affaire Merah, un Français…


Lire aussi : Les actes antimusulmans progressent pour la troisième année consécutive LE MONDE



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