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L’Israélisation de l’Europe
Par Mark Steyn - Jewish World Review - Adaptation française de Simon Pilczer, volontaire de l’IHC
Article mis en ligne le 14 juillet 2005

Pour être honnête, c’était une espèce de soulagement, quelques heures après les bombes de Londres, de quitter les USA pour la Grande-Bretagne. Les expressions américaines de solidarité avec la courageuse Angleterre prenaient des airs churchilliens, pour ne pas dire shakespeariens : nous les combattrons pour les violations, cher ami. A la radio, certains invités des émissions de télévision jouaient les envolées d’Elgar et de « Rule, Britannia ». A l’arrivée à Londres, au contraire, je découvrais que la réaction du cru envers les terroristes, comme s’expriment les gars dans un pub, était plutôt du style : « dégagez, connards ».

En effet. Le dégagement des connards de terroristes est ardemment souhaité.

Mais qu’en serait-il s’ils ne partent pas ? Si l’on veut les combattre sur les plages, sur quelle plage ira-t-on ? Malgré l’empressement chez les amis de la Grande-Bretagne outre Atlantique, de présenter le 7 juillet comme le « 11 septembre de Londres », l’étiquette ne s’y prête pas bien. Dans les 24 heures suivant le 11 septembre, il était clair que quelque part, quelque état souverain allait être envahi. L’Amérique ne pouvait tout simplement pas se permettre de ne pas répondre. Il n’y a pas de message dans ce sens en Angleterre.

Quelques lecteurs peuvent n’être pas d’accord. La poussière s’était à peine reposée sur les bombes de jeudi que déjà Derrick Green m’avait envoyé un courriel de félicitations : « Je parie que vous, les tenants d’une suprématie juive, pensez que Noël arrive en avance, n’est-ce pas ? Incroyable, vous allez obtenir satisfaction même mieux que vous l’avez eue avant, et le Peuple britannique va être entraîné à de nouvelles guerres pour Israël ».

Ah, les Juifs sont si infiniment fourbes, n’est-ce pas ? Le monde musulman s’est dépensé avec assiduité pendant des décennies à colporter la notion qu’une vaste région, riche en pétrole, s’étendant sur des milliers de kilomètres, est dans un bourbier de difformité politique et autres effroyables psychoses, tout cela à cause d’une petite bande de terre à peine plus large que ma commune du New Hampshire. Mais M. Green est la preuve de l’expansion de la théorie rampante après le 11 septembre vers des rivages plus sauvages encore : il semble qu’une mince tranche de sinistres sionistes déstabilise aujourd’hui l’ensemble de l’Europe, quand ce ne serait pas le monde entier.

Quelle que soit l’attractivité de l’antisémitisme, il tend à ne pas trop bien fonctionner pour ceux qui surinvestissent sur lui - voyez le troisième Reich, et les parties les plus loufoques du monde arabe aujourd’hui. Et même parmi mes propres correspondants, la suspicion du Juif terrifiant semble les rendre aveugles à ce que les évènements de la semaine passée font présager : l’israélisation de la vie européenne.

Jeudi a été un épouvantable acte de sauvagerie : le total final des morts, plusieurs douzaines, aurait été considéré comme un décompte spectaculaire aux jours de gloire de la campagne de terreur de l’IRA ; des centaines de plus porteront les cicatrices de cette matinée pour le reste de leur vie ; et des milliers d’autres Britanniques - les familles et les amis des morts - ont eu un immense trou béant, soufflé dans leur vie. Si cela était survenu en 1975 ou en 1985, c’aurait été un acte meurtrier se reflétant dans la vie politique britannique pendant des semaines et des mois.

Et puis, et puis ? Dans la reconfiguration de la terreur après New York, après Bali, après Madrid, c’était arithmétiquement de la petite bière. Cela manquait de l’incandescente précision de l’utilisation d’avions pour démolir la ligne d’horizon de Manhattan. Cela s’ajoutait à un mauvais jour en Irak, ou à une paire de jours en Thaïlande, où loin de l’œil de CNN ou de la BBC, quelques 800 personnes ont été tuées par les terroristes islamiques dans les six premiers mois de cette année.

Les Britanniques, et beaucoup de forces de police continentales ont une longue expérience du terrorisme, et sont efficaces - dans les contraintes sous lesquelles elles opèrent - pour s’en occuper. Dans ses jours de gloire, l’IRA fit sauter des membres de la famille royale et du gouvernement britannique. A la fin de leur campagne, ils en étaient réduits à éclabousser des mamies et des femmes enceintes dans des centres commerciaux. Aujourd’hui, comme alors, les cibles prestigieuses seront protégées contre le terrorisme, et cela laissera les cibles faciles - en un mot, vous, votre trajet de bus du matin, ce petit restaurant que vous aimez. Et, comme en Israël, des Européens s’habitueront à l’idée que tout aussi souvent, totalement au hasard, il y aura des jours où votre mari ou votre fille ou votre meilleur ami partira au travail et ne reviendra pas à la maison.

Je dis « Européens » parce que, du fait qu’aux yeux des intellectuels occidentaux, tout cela est la faute de George W. Bush, il existe des différences significatives entre la relation de l’Europe et de l’Amérique avec l’Islam. C’était le dernier ayatollah Khomeiny qui popularisa l’idée que les USA sont le grand Satan - une formule astucieuse en ce qu’elle reconnaît non seulement que l’hyperpuissance est le mal, mais aussi qu’elle est aussi une grande séductrice. Et quand on compare le vaste nombre de jihadistes, britanniques, européens, canadiens, qui se sont engagés contre les USA en Afghanistan, au Pakistan, en Inde, en Irak, en Israël, en Bosnie, en Tchétchénie, et au-delà, avec le nombre relativement insignifiant de Musulmans américains qui s’y sont laissés entraîner, on peut commencer à apprécier que le grand Satan est de fait un séducteur relativement efficace - au moins dans la mesure où l’Amérique semble mieux réussir le travail d’assimilation que l’Europe ou le Canada. Bien sûr, pour assimiler, vous devez avoir quelque chose avec quoi vous assimiler, et la nullité béante de l’idée européenne semble être quelque peu déficiente à cet égard.

Mais il existe une autre différence, aussi, et c’est ce que je veux dire par Israélisation : les jihadistes comprennent que l’Europe est bonne à prendre alors que l’Amérique ne l’est pas. La Palestine mandataire était, selon la vieille plaisanterie, la Terre Promise deux fois - donc, une démocratie occidentale et une population musulmane désaffectée vivent (pour la plus grande part) en deux solitudes, mais revendiquent le même morceau de territoire.
Comme il se trouve, c’est aussi la manière dont de plus en plus de Musulmans voient l’Europe. Et comme leur nombre augmente, il paraît probable que des chefs islamiques roublards au Moyen-Orient s’empareront de la cause des droits des Musulmans européens de la même manière qu’ils revendiquent une solidarité avec les Palestiniens.

Quand la France a commencé de réfléchir à l’interdiction du foulard [islamique, ndt] dans les écoles, elle a envoyé des ministres du gouvernement prendre l’avis d’imams égyptiens, acceptant implicitement l’idée d’érudits islamiques que la cinquième République est désormais une province éloignée du dar al-Islam. Comme l’entité sioniste peut en témoigner, ce n’est pas un club auquel vous voulez obligatoirement adhérer.

Peu de dirigeants européens ont une piste pour déterminer ce qu’il faut faire à ce sujet, mais, comme aussi bien la loi française sur le foulard, et le projet de loi britannique sur l’incitation à la haine raciale, et les réponses hollandaises au meurtre de Théo Van Gogh le soulignent, la médiation entre ce que Tony blair a appelé jeudi notre mode de vie et les valeurs musulmanes est déjà parvenue au centre de la dynamique de la politique culturelle européenne - remarquable réalisation dont une faible minorité d’Européens était plus que vaguement consciente avant le 11 septembre.

Pendant ce temps, ce ne sont pas d’abord les démocides à la bombe ou les bombes atomiques dans une valise qui affluent à travers les frontières, bien qu’ils finiront par venir, mais l’idéologie - féroce, séductrice, et implacable.

Voilà l’ironie finale de l’Israélisation de l’Europe : aussi affligeante qu’elle puisse être pour les antisémites continentaux, selon ce scénario, ce sont eux les Juifs.


http://www.jewishworldreview.com/07...

Coopérant à la JWR, Mark Steyn est le Rédacteur pour l’Amérique du Nord du « (London) Spectator ».



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