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En France, le président serait-il un souverain absolu élu par le peuple ?
Par Stéphane Juffa © Metula News Agency
Article mis en ligne le 5 avril 2005
dernière modification le 14 septembre 2005

Pas étonnant que dans l’entourage du Président de la Commission européenne, Monsieur José Manuel Barroso, on considère à haute voix la France comme une république bananière.

L’ingérence grossière de Jacques Chirac auprès de FR2 afin d’éliminer la participation de l’ex-Premier ministre portugais à l’émission-débat « 100 minutes pour convaincre » du 21 avril prochain paraît justifier cette réaction. Dans l’entourage du Président de la Commission européenne, on brandit l’alinéa 1 de l’article II.71 de la nouvelle Constitution européenne, qui provisionne que « la liberté d’expression comprend la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières ». On rappelle également que le pensionnaire de l’Elysée s’est déclaré en faveur de l’adoption de cette constitution...

Ici, nous sommes enclins à penser que dans l’Hexagone et à notre époque, les lois européennes ainsi que les chartes éthiques de journalistes sont confinées à un rôle décoratif, à moins qu’elles ne servent également à duper le bon peuple.

Certes, la SDJ, la Société Des Journalistes de France 2, « regrette que la chaîne ait défrayé la chronique pour cette très mauvaise raison » et estime que « FR2 donne l’impression qu’elle est aux ordres du pouvoir ». La CFDT Radio-Télé s’est émue de « l’ajournement » (en fait, il s’agit d’un report sine die) de l’invitation de José Barroso, évoquant dans son communiqué, « un cas de censure comme on n’en connaît plus depuis Alain Peyrefitte » (ancien Ministre de l’information).

Et ces réactions des personnels de l’audiovisuel peuvent être mises en perspective avec celle de la SNPAC, qui s’élevait, voici quelques mois, contre le traitement biaisé de la Controverse de Nétzarim par la même chaîne publique. Il n’y a en effet personne de censé pour imaginer qu’Arlette Chabot aurait décidé de son propre chef, de délaisser toutes ses fonctions de directrice de l’information, plusieurs semaines durant, pour se consacrer, corps, âme et moyens illimités, à la marginalisation de la petite agence de presse de Metula et du fruit de ses enquêtes. Il fallait créer autour de nos révélations un écran de fumée suffisamment épais et déroutant afin que la phrase de Chirac à Barak, inspirée du film de FR2 sur Mohamed A-Dura, « ça n’est pas une politique de tuer les enfants ! » n’apparaisse pas hors de propos.

Aucun souci à se faire, par ailleurs, au sujet de nos efforts pour rétablir la vérité dans l’affaire A-Dura. Notre initiative juridique se construit et elle ne prendra fin que lorsque Talal Abou Rahma, Enderlin, Arlette Chabot et tous les responsables de la mise en scène et ceux de la dissimulation de ses preuves auront été confondus et punis.

Mais là n’est pas directement mon propos de ce jour ; les obstructions construites de la part de la direction de FR2 à la divulgation de la vérité de Nétzarim sont ici à prendre comme un acte à charge de la soumission, en France, de l’information aux directives du pouvoir politique. Or, l’aplatissement du Président de France Télévisions, Marc Tessier, et de Madame Chabot devant les raisons de Jacques Chirac met effectivement en danger le droit des Français à être informés et, conséquemment, le fonctionnement démocratique de la société tricolore. Si la presse n’est pas forcément le premier pouvoir, elle est assurément le premier contre-pouvoir ; et si ce sont les mêmes qui exercent le pouvoir et le contre-pouvoir, il n’y a plus de régulation possible des volontés des dirigeants.

Nous n’avons, quant à nous, cessé d’avertir que si un organe étatique d’information, en l’occurrence FR2, pouvait se livrer impunément à une occlusion de la vérité aussi extrémiste, partisane et grossière, qu’elle le fait dans le cadre de la Controverse de Nétzarim, c’est, en fait, toute l’indépendance des medias publics français qui est menacée. Et notre conclusion partait d’une constatation première : si l’influence du pouvoir est efficace au point de transformer le devoir d’informer le public en devoir de protéger les mensonges de l’Etat, il n’existe aucune force connue, aucune dynamique d’auto-retenue, qui empêcherait Monsieur Chirac d’intervenir chaque fois que la liberté de l’information interférerait négativement avec ses projets.

Dans le cas de José Manuel Durao Barroso, c’est l’idée de donner 100 minutes de prime time à un fervent intelligent d’une Europe libérale et atlantiste qui indisposait Chirac. Lui qui est Le meneur du principe d’une Europe « nationaliste », contre-pôle de l’Amérique. Ce qui est par ailleurs cocasse, c’est que cette orientation chiraquienne est également celle qui oppose le président à son dauphin-malgré-lui Nicolas Sarkozy et que Sarko est justement passé, pour la troisième fois, au 100 minutes pour convaincre de la semaine dernière. Sachons reconnaître que le président de l’UMP met, passagèrement, la sourdine sur ses amitiés atlantistes et observer, qu’il est plus aisé de bâillonner un Portugais qu’un Français volubile jouissant, qui plus est, de sympathies multiples et affirmées.

En fin de compte, toutefois, il est largement plus important de constater que la censure présidentielle s’exerce, que d’épiloguer sur les cas apparents où celle-ci s’exerce. Il est encore important de noter que FR2 n’est pas le seul organe d’information qui soit sous l’emprise de l’Elysée, - et peu importe si les ordres de Chirac transitent par les services de Monsieur Raffarin ou ceux du Quai d’Orsay - ; France 2 est simplement le plus grand media du service public, celui jouissant de la plus grande audience. Pensons aussi à l’AFP, aux autres chaînes publiques et à la multitude de stations de radio perméables au même risque d’ingérence.

Puis, il faut absolument, faute de passer à côté de la compréhension, discerner la conception que se fait Chirac de l’information. Au moment où ce président presse tant et plus Bruxelles pour obtenir la concession de sa CNN à la française, il convient, à l’aune de ces exemples, de s’imaginer ce qu’il va en faire...

Dernier enseignement de l’exercice de l’influence du pouvoir sur les medias ; je l’appellerai la confirmation de la désertification de l’intelligentsia française. D’abord, en notant que, partout ailleurs dans le monde, les autres chaînes de télévision se seraient littéralement jetées sur José Barroso afin de lui proposer des tribunes de rechange. Et de constater que l’ordre chiraquien agit également, par capillarité, sur les medias non étatiques. Bouygues et les autres ne contrarient pas les vues présidentielles, ils s’alignent sur elles. Barroso est devenu un paria pour avoir « mis le Président Chirac en colère », un presque satyre, une persona médiatiquement non grata, un peu à l’instar de la Ména.

José Barroso : En voie de satyrisation ?

Dans la presse écrite, c’est à peine plus compliqué. L’Express a consacré de courts articles très « équilibrés », à l’annulation de l’émission. Daniel Psenny, dans le Monde, voir a été un peu plus précis, mais comment le prendre au sérieux, lui qui, voilà quelques semaines, défendait Chabot et Enderlin à grands coups de pinocchiades voir l’article de la Ména. Quelqu’un a-t-il prononcé le nom de Daniel Schneidermann ? Le pourfendeur sans reproches des malversations médiatiques ? - Il est actuellement très occupé à défendre son pote Enderlin et à « résister » (comme il l’écrit) à la Ména sur son Big Bang Blog ne pas manquer. Il y prétend détenir les rushes d’Enderlin « depuis le début » (soit septembre 2000, trois ans avant que Jeambar, Rosenzweig et Leconte ne soient autorisés à les voir. Ndlr.) Il y prétend qu’« en conscience, plusieurs générations successives d’enquêteurs et d’enquêtrices d’Arrêt sur images ont conclu... qu’on ne pouvait rien en conclure sur la mort de l’enfant ».

Mais de quelle « conscience » parle-t-il, lui qui a choisi de garder le silence pendant qu’Enderlin et Abou Rahma accusaient les Israéliens d’avoir assassiné l’enfant sur la base de ces images dont « on ne pouvait rien conclure » ? Plus que d’une contradiction, il s’agit d’un véritable aveu de collusion... D’autre part, Schneidermann et ses assistants, qui ont «  visionné, et re-visionné » les rushes durant quatre ans ne se sont même pas rendus compte qu’ils ne contiennent pas les « images insoutenables de l’agonie de l’enfant », qu’Enderlin a « épargnées » aux téléspectateurs, ni qu’ils ne comportaient pas 27 minutes (pas plus qu’une seule seconde ! Ndlr.) de tirs israéliens en direction des A-Dura, comme figurant dans le témoignage judiciarisé d’Abou Rahma à Maître Raji Surani.

Avec des « consciences » de ce genre en guise de gardiens des libertés médiatiques, Jacques Chirac peut certes intervenir dans l’information à sa guise. Il a, face à lui, des intellectuels couchés, autocensurés du fait de leurs besoins alimentaires, corrompus ou mentalement fragiles. En d’autres mots, le désert ! Et le désert n’est certes pas le meilleur garant de l’exercice des libertés démocratiques d’une nation, que je sache. Cela dit, même s’il s’agit d’un climat favorable à la culture de la banane...



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