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Boycott, pas mort…..
Par David Ruzié, professeur des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 28 mai 2012

Alors qu’on peut légitimement s’interroger sur un quelconque aspect positif du « printemps arabe » (v. sur ce point ce que nous écrivions, ici-même, il y a quelques semaines), une information parue dans la presse est de nature à renforcer notre pessimisme.
Catherine Ashton, Haute représentante pour la politique étrangère de l’Union européenne (UE), aurait « discrètement » annulé, il y a quelques jours, un contrat dont devait bénéficier une société britannique pur la protection des représentations de l’UE à Tripoli et Benghazi.

Selon le journal Le Monde, daté du 29 mai (p. 6), ce seraient, notamment, les conditions d’octroi de ce marché qui auraient pu s’avérer embarrassantes pour les services de Mme Ashton, car elles auraient pu conduire à l’ouverture d’une enquête par l’Office européen de lutte antifraude.

Mais, de fait, le journal français rapporte que le porte-parole de Mme Ashton avait, cependant, indiqué que le marché en question, qui était annulé, avait été attribué « dans le respect des règles d’adjudication de l’UE ». Et l’une de ces conditions était, en effet, que le gouvernement libyen donne son agrément à la société britannique.

Or, les autorités de Tripoli auraient refusé de donner leur agrément, en raison notamment, selon le journal français, « du fait que le leader britannique de la sécurité au plan mondial est actif dans les territoires occupés par Israël ».

Autrement dit parce que cette société serait en relations d’affaires avec Israël et c’est ce que le journal français aurait dû qualifier de « boycott d’Israël ».

Mais ce n’eut pas été politiquement correct.

Car, qui s’intéresse encore à cet aspect du conflit israélo-arabe (nous disons bien isarélo-arabe, car les Palestiniens ne sont pas au cœur de ce problème, né avant même que la revendication d’un Etat palestinien ne soit invoquée) ?

Il est bon de rappeler que, dès 1948, à la création de l’État d’Israël, la Ligue arabe interdit toute relation commerciale ou financière entre les Etats arabes et l’État d’Israël. Et en 1950, la Ligue adopte la résolution 357, qui jette les bases du Boycott : en mai 1951 un Bureau central du Boycott (CCB) est créé à Damas afin de coordonner les actions des membres de la Ligue et d’en accroître l’intensité.

Le boycott se présente sous trois formes : primaire, secondaire et tertiaire.

Le boycott primaire interdit aux Etats arabes de commercer avec Israël.

Le boycott secondaire – et c’est celui qui est concerné par l’information que nous commentons – interdit toutes relations avec les entreprises, quelle qu’en soit la nationalité, qui commercent avec Israël.

Enfin, il existe un boycott tertiaire, qui concerne les sociétés qui commercent avec celles touchées par le boycott secondaire.

D’après Wikipedia, on parlerait même, de boycott quaternaire, lorsque l’interdiction de commercer frappe les entreprises, dont les dirigeants sont suivant la terminologie de la Ligue, des « soutiens d’Israël » ou d’« orientation sioniste », nous dirons même, tout simplement, juifs (illustration s’il en était besoin de l’assimilation de l’antisionisme à l’antisémitisme).

Il y a un certain nombre d’années, avant que Lindsay Owen-Jones ne mette un terme aux pratiques fâcheuses de son prédécesseur François Dalle, à la tête de la firme l’Oréal, celle-ci avait, après son rachat de la société américaine, Helena Rubinstein, remplacé les dirigeants de confession juive dans le conseil d’administration de cette acquisition. L’homme d’affaires franco-israélien Jean Frydman accusa, de son côté, François Dalle de l’avoir « démissionné » d’une autre filiale de l’Oréal, Paravision, pour complaire aux ordres du Comité du boycott de la Ligue arabe (v. M. Bar-Zohar, Une histoire sans fard – L’Oréal, des années sombres au boycott arabe, Fayard, 1996 – E. Barnavi, Jean Frydman, tableaux d’une vie, Seuil, 2008).

Ce sont ces compromissions d’entreprises françaises qui conduisirent les animateurs du Mouvement pour la Liberté du Commerce à prendre l’initiative de faire voter la loi du 7 juin 1977 (reprise par les articles 225-1 et 2 du code pénal), qui réprime toute action discriminatoire fondée sur la nationalité.

Mais, même lorsque un tel texte existe, comme c’est le cas en France – ce qui, d’ailleurs, est tout à fait exceptionnel dans le monde – il n’est pas toujours facile d’obtenir la condamnation des boycotteurs, qui ont trop souvent tendance – tendance approuvée par certains juges – à se prévaloir de la liberté d’expression.

C’est un combat de tous les instants que mènent la Chambre de Commerce France-Israël, France-Israël et Avocats sans frontières et qui a, heureusement, abouti, tout récemment, devant la Cour de cassation (v. Me Michaël Ghnassia, et Me Gilles.-William Goldnadel), cependant que d’autres procédures sont en cours tant en première instance qu’en appel.

Malheureusement, rien n’a pu être obtenu, au plan juridique, à l’échelle internationale, la Commission économique européenne (prédécesseur des instances de l’Union européenne), plusieurs fois sollicitée depuis l’adoption de la loi française, au nom de l’harmonisation des lois nationales au plan de l’Union, ayant toujours refusé de prendre une quelconque initiative en ce domaine.

Et la décision prise par Mme Ashton illustre, si besoin était, cette frilosité.

Et ne parlons pas d’une hypothétique réaction de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), alors que ses objectifs apparaissent, cependant, incompatibles avec toute idée de discrimination.

Apparemment, la Libye encore aux proies d’une certaine anarchie n’a donc pourtant –malheureusement – pas abandonné les détestables pratiques antérieures.

Le comportement des nouvelles autorités tunisiennes et égyptiennes devra être, également, attentivement observé.

Comme nous l’évoquions en conclusion de notre précédent article, Israël, sans prendre officiellement position sur l’évolution interne dans les pays arabes concernés se doit de se montrer vigilant.

En l’espèce, une protestation des autorités israéliennes dans l’incident que nous avons relevé s’avèrerait, à notre avis, opportune.

Car, après tout, que vient faire cet aspect du conflit israélo-arabe dans les rapports entre l’Union européenne et tel ou tel Etat arabe ?



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