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Une occasion manquée
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 10 mai 2012

Le récent accord intervenu entre Benjamin Netanyahou et Shaul Mofaz visant à faire entrer le parti Kadima dans la coalition gouvernementale répond manifestement à des considérations de politique intérieure, pour ne pas dire des considérations politiciennes, mais néglige, à notre avis, les impératifs de politique étrangère.

Certes, généralement, ce type de considérations ne joue pas un grand rôle dans la vie politique des Etats, mais il ne peut en être de même pour Israël, qui doit lutter pour affirmer son existence sur la scène internationale, depuis sa création, il y a 64 ans.

Ce n’est pas un hasard si cet accord est intervenu au moment même, où à l’initiative de Benjamin Netanyahou la Knesset votait, en première lecture, le principe d’élections législatives anticipées, alors que les prochaines élections ne devaient pas avoir lieu avant l’automne 2013.

Il est vrai que, pratiquement, il est rare que les parlementaires israéliens aillent jusqu’au bout de leur mandat, car, généralement, pour une raison ou une autre, des élections législatives anticipées sont fréquentes.

Cette fois, Benjamin Netanyahou comptait profiter des résultats des sondages d’opinion faisant apparaître sa popularité, qui aurait permis à son parti d’accroître légèrement le nombre de ses représentants à la Knesset.

En revanche, ces mêmes sondages laissaient entrevoir une chute de près de 50% des sièges de Kadima.

C’est cette dernière considération qui explique, certainement, que le nouveau leader de ce parti, qui avait éliminé de sa direction Tsipi Livni (ce qui avait même conduit celle-ci à renoncer à son siège de député), a, du même coup, renié une de ses fréquentes déclarations, selon laquelle il n’accepterait jamais d’entrer dans la coalition gouvernementale.

« Mieux vaut tenir que courir » a dû penser Shaul Mofaz.

Du même coup Benjamin Netanyahou, qui dispose désormais d’une majorité très rarement atteinte (94 sur 120 sièges) est à l’abri de tentatives de chantage de l’un ou l’autre de ses alliés (partis religieux ou parti d’Avigdor Liberman).

Concrètement, la question d’une remise en question, à la suite d’une décision de la Cour suprême, du régime d’exemption de service militaire, dont bénéficient les étudiants des écoles talmudiques devenait un point de friction au sein de la majorité gouvernementale.

Reste à savoir comment cette question sera désormais réglée….

Mais là n’est pas notre problème aujourd’hui.

En effet, nous nous intéressons au problème crucial d’un règlement de paix auquel Israël est confronté depuis sa création.

L’une des raisons qui, à notre avis, obère ce règlement, depuis de nombreuses années, du côté israélien, résulte du fait que le corps électoral n’a pratiquement jamais été mis face à ses responsabilités.

Au moment où, en 2 000, Ehoud Barak fit des propositions à Yasser Arafat propositions que, sans doute, aucun autre Premier ministre israélien ne sera en mesure de faire à nouveau, on s’interrogea – avant même que le leader palestinien ne les refuse – sur les chances de réussite de leur mise en œuvre, en l’absence de mandat donné par le corps électoral.

Certes, en démocratie, où le peuple est censé gouverner, de fait il confie ce pouvoir à des représentants et ce mandat, dit représentatif, n’est, pas formellement, un mandat impératif les obligeant à suivre, à la lettre, telle ou telle consigne.

La sanction sera, éventuellement, l’échec au moment du renouvellement du mandat.

Mais, pratiquement, les représentants ne peuvent pas ignorer que les électeurs attendant d’eux qu’ils mettent en œuvre le programme qu’ils leur ont proposé et sur la base duquel ils ont été élus.

Or, en Israël, indépendamment du fait que le système électoral (proportionnelle intégrale), qui favorise l’émiettement des listes, empêche l’émergence de lignes d’action permettant de dégager sinon une majorité homogène du moins le rapprochement entre des listes vraiment représentatives, jamais, à notre connaissance, le débat électoral n’a porté sur les bases d’une négociation avec l’autre Partie.

D’ailleurs, nous avons été, souvent, amené, à noter, ici-même, que le mouvement Chalom Archav (« La Paix maintenant ») ne cherchait pas à « tester » son programme auprès des électeurs israéliens, et préférait chercher à « séduire » la Diaspora en espérant qu’elle ferait pression sur ces électeurs – ce qui n’est ni en son pouvoir, ni sa vocation.

On aurait pu espérer qu’au moment où la société internationale, qui n’est pas totalement hostile à Israël – mais qui regrette son inertie, voire ses gestes provocateurs – attend effectivement un geste, des élections législatives anticipées auraient donné l’occasion au peuple israélien de se prononcer sur les vraies questions.

Jusqu’à présent, lors des consultations électorales, le corps électoral israélien « bottait » en quelque sorte « en touche » en votant pour des formations religieuses (dont les programmes attachaient, pourtant, souvent peu d’importance au problème crucial de la paix) ou pour des listes occasionnelles et éphémères (ex. Shinouï, en 2003 ou parti des retraités, en 2006).

A notre connaissance, les Israéliens n’ont jamais été invités à se prononcer clairement pour une quelconque forme d’accord avec l’autre Partie.

Et quand les services du Premier ministre israélien laissent entendre que l’entrée de Kadima facilitera la relance des négociations, on est en droit d’en douter, vu les positions, officiellement, imprécises et même divergentes des deux principaux partenaires de la coalition (Likoud et Kadima).



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