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L’ONU : toujours la même ambiguïté
par le Professeur David Ruzié *
Article mis en ligne le 18 février 2005

Comme chaque mois, le Conseil de sécurité tient une séance consacrée à l’examen de la situation au Moyen Orient, à l’issue de laquelle à défaut de l’adoption d’une résolution, le président en exercice du Conseil (la présidence est tournante chaque mois) fait une déclaration, résumant la séance qui vient de se tenir.

Ainsi, par le communiqué de presse CS/8315 du 16 février dernier, nous apprenons que le Conseil de sécurité a « salué les résultats du sommet de Charm el-Cheikh entre Israël et l’Autorité palestinienne, grâce aux bons offices de l’Egypte et de la Jordanie » et qu’il a estimé que « l’arrêt des violences constitue un premier pas vers un climat favorable à l’avènement de la paix »,

Il n’y a, évidemment, rien à redire à cela.

En revanche, il y a davantage lieu de s’inquiéter de ce que, selon le Président du Conseil de sécurité, Joël Adéchi du Bénin, qui occupe cette fonction pour le mois de février, « le Conseil compte que les membres du Quatuor s’investiront davantage, aux côtés des deux parties, pour faire avancer encore le processus de paix et assurer l’application intégrale de la Feuille de route et de ses résolutions pertinentes, notamment les résolutions 242 (1967), 338 (1976), 1397 (2002) et 1515 (2003), en vue de la création d’un État palestinien indépendant, viable, démocratique et souverain, vivant côte à côte avec Israël dans la paix et la sécurité ».

Ce n’est pas la confiance témoignée au Quatuor (Etats-Unis, Russie, ONU et Union européenne) qui est de nature à susciter des inquiétudes, mais l’insistance avec laquelle l’Organisation mondiale persiste à vouloir maintenir l’ambiguïté résultant de la fameuse résolution 242 (1967) adoptée, en novembre 1967, au lendemain de la guerre de 6 jours.

Car les 3 autres résolutions adoptées par la suite n’ont fait que se référer à ce texte.

Or, il faut savoir que par suite d’une volonté politique délibérée, et non d’une erreur des services de traduction, la rédaction de la résolution 242 n’est pas la même dans la version anglaise et dans sa version française.

Dans la version originale (en anglais) le Conseil demande « the withdrawal of Israel armed forces from territories occupied in the recent conflict ».

Ce qui signifie pour tous les anglicistes qu’Israël doit se retirer « de » territoires occupés, mais pas nécessairement de « tous » les territoires occupés, sinon on aurait introduit l’article « the » avant « occupied territories ».

Or, précisément, c’est cette différence qu’introduit la version française qui demande « le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit » (souligné par nous).

Certes, il est tout à fait exact que l’anglais et le français sont deux langues officielles de l’ONU. Mais, en cas de divergence entre les deux versions il est tout à fait normal, selon la jurisprudence internationale, de se référer à la langue dans laquelle le texte a été originellement rédigé, donc, en l’espèce la version anglaise, puisque le projet de résolution a été présenté par le représentant britannique au Conseil de sécurité, Lord Caradon.

De fait, il est établi que le texte a été rédigé par le Secrétaire d’Etat au Foreign Office de l’époque, George Brown.

Et, à la suite des controverses nées du fait des divergences de sens entre les deux versions, Lord Caradon, puis George Brown et Michael Stewart, qui fut son successeur, ont, à différentes reprises insisté sur le fait que c’était la version anglaise (dans laquelle ne figure donc pas l’article « the » , c’est à dire « des » figurant dans la version française) qui devait l’emporter.

Ce sont la France et l’Union soviétique, déjà à l’époque très proches des thèses des Etats arabes, qui ont insisté sur la prise en compte de la version française.

Les politiques l’ont emporté sur les « techniciens ».

De plus, la version française a omis de reprendre le lien que la version anglaise de la résolution 242 établit entre le retrait des troupes israéliennes et le « droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues ».

En effet, d’après le texte anglais l’instauration d’une paix juste et durable…..devrait comprendre l’application (en anglais : « both ») des principes suivants.

Or, la version française supprime « both » et se borne à énoncer successivement les deux principes : « retrait » et « droit de vivre »……

De telle sorte, que depuis des décennies et, encore à l’heure actuelle Etats arabes et Palestiniens exigent tout d’abord le retrait des troupes israéliennes (qui plus est de tous les territoires), avant de reconnaître à Israël le « droit de vivre en paix ».

Alors qu’il est évident qu’une lecture objective de la résolution implique que c’est derrière des frontières sûres et reconnues que doit s’effectuer le retrait israélien (v. sur ce point Prosper WEIL, « Le règlement territorial dans la résolution du 22 novembre 1967 », paru dans Les Nouveaux Cahiers, publication de l’Alliance israélite universelle, n°23, hiver 1970).

Des négociations s’imposent donc pour définir les frontières qu’Israël attend depuis sa création…..

Il est évident que si Israël s’en tenait à la version française et se retirait en deçà de la Ligne verte, on ne voit pas quel serait l’objet de ces négociations sachant qu’ainsi que le rappelait François Mitterrand, à l’automne 1983, à propos de négociations sur le désarmement international : « dans toute négociation, chacune des parties doit lâcher un peu de lest ».

Ce qui conduit, tout naturellement, à n’envisager de concessions qu’au cours d’une négociation et non avant.


  • David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international

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