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Lettre de Frédéric Sautereau publiée seulement dans la Charente Libre
La réponse de Richard Prasquier à une lettre de Frédéric Sautereau
Article mis en ligne le 9 avril 2012
dernière modification le 10 avril 2012

Cher Monsieur Sautereau,
Je réponds à votre lettre dont j’ai pris connaissance de façon indirecte.
Je proteste contre des interprétations que vous faites des paroles qu’on m’a prêtées et je tiens ici à m’exprimer le plus clairement possible.


Lire aussi : Angoulême exposition de photos mettant en scène le Hamas entre angélisme et mauvaise foi

1° Vous écrivez que vous êtes l’objet d’« attaques et de menaces répétées » de la part du Crif. Je suis stupéfait de cette formulation. Vous confondez critiques et menaces et vos termes frisent la diffamation. Donnez-moi des exemples précis de ces « attaques et menaces » et de leur caractère « répété ».

2° Je ne vous accuse pas de faire l’apologie du terrorisme. Si tel était le cas, je déposerais plainte contre vous de ce chef. Je proteste contre l’image tronquée car euphémisée que votre exposition donne du Hamas par rapport à Israël.

3° Je vous mets au défi de trouver dans mes paroles la suggestion d’un « lien direct » entre votre travail et l’atroce massacre des enfants juifs de Toulouse. Je dis que la présentation de votre exposition à Angoulême surviendra à un moment où la communauté juive et la communauté nationale tout entière seront encore bouleversées par ce massacre qui a eu lieu il y a trois semaines seulement. Ce seul fait aurait dû, par décence pour les familles des victimes, entrainer le report de cette exposition. Ne pas l’avoir envisagé témoigne d’une réelle callosité affective.

4° Personne ne s’est élevé plus que moi contre les amalgames visant à confondre l’Islam et les musulmans de France et l’auteur de ces actes horribles. Je l’ai fait depuis le premier jour, je l’ai fait sur tous les moyens à ma disposition, et je le referais aujourd’hui encore si on me le demandait. Je n’ai aucune leçon à recevoir dans ce domaine. Quand vous m’écrivez à propos de cet amalgame « c’est exactement ce que vous faites... », je vous demande une fois de plus de préciser vos accusations. Si je fais un amalgame, c’est entre les déclarations du Hamas contenues dans sa charte et l’idéologie de l’assassin de Toulouse. Ce lien est pour moi évident. Pour vous, la charte se limite à « un ramassis d’antisémitisme et d’autres ignominies. ». Pas tout à fait : le Hamas propose de tuer les juifs. Tous les antisémites n’en sont pas venus jusque-là, mais c’est bien ce que M.Merah a fait avec fierté. Je ne devrais pas faire cet amalgame- là ?

5°Je ne compare pas votre travail à un « éloge du nazisme ». Je dis que les nazis aussi ont parfois bénéficié du travail de photographes ou de cinéastes talentueux. Leni Riefenstahl en est une. Je ne mets nullement en cause votre désir parfaitement louable de témoigner dans le monde pour les victimes mais l’idéologie exterminationiste du Hamas vis-à-vis des Juifs n’a rien à envier à celle des nazis, et la beauté des images ne doit pas édulcorer cette vérité-là.

6° J’ignore, écrivez-vous, « ce qu’est une enquête journalistique ». Je voudrais vous faire deux remarques à ce sujet. La première remarque est que si vous voulez vraiment informer sur ce qu’est le Hamas, vous ne pouvez pas le faire sans rapporter ce qui est écrit sur sa charte, c’est-à-dire sa constitution. Il est vrai que cette charte a été publiée il y a « plus de vingt cinq ans ». Cela ne signifie pas qu’il faut la remiser au rayon des vieilleries, mais au contraire que depuis vingt cinq ans, malgré les demandes, les pressions de toutes sortes, jamais le Hamas n’a accepté de la modifier. Il doit donc tenir aux monstruosités qui y figurent. Ne pas montrer cette charte signifie que vous ne faites pas le travail d’un journaliste, mais celui d’un photographe, travail où vous êtes excellent par ailleurs.

Deuxième remarque, si je ne connais pas le domaine du photojournalisme, je crois en savoir au moins autant que d’autres, et peut-être que vous, en géopolitique. Vous écrivez que le Hamas « est prêt à reconnaître l’existence d’Israël » et d’accepter de discuter avec Israël sur les frontières de 67. D’où le tenez-vous ? C’est ce que ses dirigeants vous ont dit ? Cela s’appelle en anglais « wishful thinking » et vous seriez bien en peine de me donner des références fiables de ce changement de position (pourquoi alors ne changeraient-ils alors pas leur charte, qui écrit qu’il est interdit d’abandonner ne serait-ce que un centimètre carré de la terre de Palestine ?). Les dernières déclarations du Hamas à Gaza ne vont pas, c’est le moins qu’on puisse dire, dans votre sens. E.Halevy a écrit qu’il faudrait un jour, parler avec le Hamas malgré tout. Ce fut son opinion, très minoritaire, et je ne sais ce qu’il en pense aujourd’hui. En tout cas vos propres conclusions à ce sujet n’ont pas de légitimité. Etes-vous un photographe ? Vos photos sont exploitées par une organisation militante pour faire passer un message politique. Etes-vous un journaliste ? Votre enquête sur le Hamas est tronquée.

A trois reprises, écrivez-vous, vous associez Hamas et terrorisme. C’est vrai :

  • première occurrence : « organisation terroriste pour les uns, mouvement de résistance pour les autres ».
  • Deuxième occurrence, « organisation terroriste, mouvement de résistance, parti politique, il remplit toutes ces fonctions..... » (et mouvement religieux théocratique, non ?)
  • Troisième occurrence, « en tant que branche armée, il peut le plus souvent recevoir la qualification de terroriste ».

Je le répète : le Hamas est un mouvement terroriste reconnu comme tel par l’Union Européenne, par les Etats Unis et par le Canada. Ce n’est pas rien.

Ce n’est pas un mouvement dont le caractère « terroriste » prête à discussion, centaines d’attentats, milliers de roquettes, etc…. Le laisser croire est biaiser les perceptions.

Je ne peux pas reprendre une à une vos photos, mais je les ai bien regardées : elles montrent effectivement parfois le Hamas sous un jour défavorable, mais uniquement vis-à-vis du Fatah (dont il a tué des centaines de cadres en prenant le pouvoir à Gaza) et des partisans de la liberté civile ou religieuse.

En revanche, vis-à-vis d’Israël, il n’y a pas de distance critique. Par exemple :

1° La photo du « collaborateur » Abou Rachid s’accompagne du commentaire suivant « d’après plusieurs témoignages, les méthodes israéliennes de recrutement n’ont pas de limite : marchandage, chantage... ». Pas de limites pour les méthodes israéliennes (quelles sont vos preuves, en dehors de racontars ?), alors que manifestement vous accordez des limites et des points d’interrogation au « terrorisme » du Hamas ! Vous admettez que Abou Rachid a été « tabassé et torturé » lors de son interrogatoire... J’ajoute que des suspects de collaboration avec Israël viennent d’être pendus à Gaza.

2° Une mention, dans la photo de Jabaliya , du soldat israélien Guilad Schalit enlevé en 2006 et « libéré le 8 octobre en échange de la libération de plus de 1000 prisonniers palestiniens ». Pas un mot sur les conditions d’incarcération de Guilad Schalit, à l’isolement absolu, ce qui contraste avec les commentaires gratuits sur les Israéliens en ce qui concerne Abou Rachid….

3° Pas un mot ou presque sur les raisons (crimes de sang) pour lesquelles des prisonniers ou anciens prisonniers que vous montrez ou dont vous montrez la famille ont été emprisonnés par les Israéliens.

4° Pas un mot sur les discours anciens particulièrement violents de Mahmoud Zakhar, le « dur » du Hamas. Il n’est présenté que comme une victime, qui a échappé à une tentative d’assassinat au cours d’un bombardement et dont le « fils a été tué ainsi que de nombreux civils vivant dans le quartier »

5° Pas un mot, sur les légendes des photos de maisons détruites ou de civils blessés sur ce qui a précédé l’opération israélienne à Gaza en janvier 2009 : les milliers de roquettes lancées, les civils israéliens cachés dans les abris, les morts et les traumatisés, alors que le territoire de Gaza était libre de toute occupation israélienne. D’ailleurs aucune de vos photos ne montre de roquettes ou de lieu de production de ces roquettes, souvent dans des zones à population civile dense. Je suppose qu’il y a des choses plus difficiles à filmer que d’autres : autant le signaler.

6° Vous présentez des photos de militants ou militantes du Djihad islamique, dont vous écrivez qu’ils sont « alliés au Hamas », et d’autre part que le Hamas « essaie de contenir leurs excès ». Vous montrez un militant salafiste « traqué » par le Hamas. Je pense que le Hamas utilise ces groupes dont il pourrait se débarrasser s’il le voulait, pour laisser apparaître l’opinion que lui au moins est un mouvement « responsable », idée qu’on voit s’insinuer progressivement. Après tout, ne peut-on vouloir tuer tous les Juifs et être quand même un mouvement responsable, voire modéré ? Non !

6° Je terminerai par une superbe photo de désinformation : celle des militants de la brigade Ezzeddine Al Qassam, branche armée du Hamas. Ces hommes « surveillent » la frontière israélienne : ils « doivent être prêts à repousser une éventuelle incursion israélienne ». C’est faire croire au public que ce groupe n’a qu’un rôle défensif alors qu’il est le responsable des actions terroristes les plus violentes du Hamas. Vous signalez d’ailleurs dans l’introduction à votre travail, que la « branche armée » peut « le plus souvent recevoir la qualification de terroriste ». Pourquoi ne pas l’écrire dans la légende de la photo ?

C’est pourquoi, je considère que les critiques faites au Hamas dans vos photos se limitent surtout à des critiques internes liées à ses positions dans la société palestinienne. Rien sur ses actions contre Israël. Le public sortira de cette série de photos la conclusion formulée par Ahmad, un membre des brigades Ezzedine al Qassam, « blessé grièvement lors d’une opération israélienne » : « Notre terre est sous occupation et c’est le droit de n’importe qui de résister à une occupation". Autrement dit, le Hamas, ce sont les résistants de la France occupée !

Veuillez me signaler si la charte du CNR de Jean Moulin contenait un texte analogue à celui de l’article 7 de la charte du Hamas, qui n’a rien à voir avec le statut de Gaza, cet article qu’on s’obstine à édulcorer ou à oublier et que je m’obstine à marteler, sachant ce qu’il en fut dans ma famille après d’autres appels à tuer des Juifs également négligés par les bons esprits de l’époque.

« Le Jour du Jugement dernier ne viendra pas avant que les musulmans ne tuent les juifs. Les Juifs se cacheront derrière les rochers et les arbres. Les rochers et les arbres diront, O Musulmans, O Abdallah, il y a un Juif derrière moi, viens le tuer. Seul l’arbre du Gharkad ne le dira pas, parce que c’est un arbre des Juifs "

Tant que vous n’aurez pas complété l’information du spectateur par l’affichage de la charte du Hamas (qui s’en prend à bien d’autres qu’aux Juifs par ailleurs), je considérerai que votre travail est un travail de militant et non de témoin équilibré. Comme tel, s’agissant d’une idéologie qui propage la haine la plus abjecte, proférée par un mouvement considéré comme terroriste par la France, qui refuse à juste titre toute relation avec lui, il ne devrait absolument pas être présenté dans une salle de la mairie d’une ville de notre pays.

Je serai absent mercredi et je ne pourrai donc pas participer au débat « intelligent » que vous appelez de vos vœux. Vous jugerez si cette lettre est assez « intelligente » pour vous faire réfléchir sur la perception qu’aura le public de votre exposition, car tout est affaire de perception par les visiteurs : je pense que ce qui sortira de cette exposition sera profondément injuste envers Israël et profondément inquiétant sur la complaisance de notre société vis-à-vis de la haine islamiste terroriste contre les Juifs. Je ne cherche pas à savoir si de votre part cela est volontaire ou non, je ne vois que les résultats malheureusement prévisibles de cette exposition que vous estimez peut-être artistique, mais qui est politique pour ceux qui vous soutiennent.

En tout cas, cette lettre que, comme l’avez fait avec la vôtre, je rendrai évidemment publique, a été écrite sans acrimonie et je suis prêt à en discuter quand vous le désirerez.

Je vous prie de croire, cher Monsieur, en mes sentiments distingués.

Richard PRASQUIER

Président du CRIF


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