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Les mystères d’un montage d’icône vidéo
Par D. Carvajal, International Herald Tribune© Traduction française de Simon Pilczer
Article mis en ligne le 8 février 2005
dernière modification le 31 juillet 2006

Paris - Depuis le début du second soulèvement palestinien il y a plus de quatre ans, beaucoup d’enfants sont morts sous le feu. Mais c’est l’image déchirante d’un seul garçon terrifié de 12 ans, protégé sous la vaine étreinte de son père, qui possède la puissance symbolique d’un drapeau de bataille.

La Tunisie et l’Egypte ont émis des timbres postaux de l’enfant palestinien, Mohammed al Dura, recroquevillé en position fœtale contre son père dans l’attaque lors d’une fusillade par balles en septembre 2000. L’Egypte a aussi donné son nom à une rue en son honneur, et des bombes-suicide ont invoqué Mohammed comme martyr dans des enregistrements vidéo d’adieux.

En France, loin des batailles de rue de Gaza, la scène indélébile est un tableau valant mille arguments. Ici, un débat bouillonne pour savoir si l’horrible reportage télévisé de Mohammed al Dura était authentique, mal interprété ou - comme un universitaire américain l’a dit - une pièce théâtre « Pallywod » astucieusement mise en scène.

Les photographies de guerre ont depuis longtemps été de puissantes armes des médias, et certains des tableaux de guerre les plus mémorables ont provoqué des questions sur leur authenticité, comme l’image de l’agence « Associated Press » en 1945, montrant des Marines américains à Iwo Jima qui levèrent le drapeau deux fois, et remplacèrent le ’stars ans stripes’ [drapeau américain, ndt] par une plus grande bannière.

Au centre de la discussion se trouvent la station d’état France 2 et son correspondant à Jérusalem, Charles Enderlin, un journaliste vétéran qui dit que la violente critique sur le reportage exclusif de la chaîne du garçon ont conduit à des menaces de mort contre lui.

Des images de la violente confrontation de rue dans un carrefour éloigné à Gaza ont été disséquées sans fin dans des livres et dans l’univers d’expression de commentaires acerbes sur des sites internet. La vidéo a aussi été explorée par une petite agence d’informations israélienne francophone, Metula News Agency [MENA, ndt] qui a loué un théâtre pour examiner le reportage.

Et en 2002 un documentaire allemand appelé « trois balles et un enfant : qui a tué le jeune Mohammed al Dura ? » a essayé de répondre aux questions pendantes pour savoir si l’enfant avait été tué par les israéliens ou les Palestiniens.

La semaine dernière, la question a repris un nouvel élan après qu’un important rédacteur en chef français et un producteur de télévision indépendant aient rompu les rangs dans les cercles des médias du pays et publié un article prudent dans le journal de centre-droit, le Figaro, exprimant certains doutes au sujet du reportage original.

« Cette image a eu une grande influence » a déclaré Daniel Leconte, ancien correspondant de France 2. « Si cette image ne signifie pas ce que l’on nous a dit, il est nécessaire de trouver la vérité ».

Leconte a rédigé l’article du Figaro avec Denis Jeambar, le rédacteur en chef de L’Express, plusieurs semaines après que les dirigeants de la chaîne France 2 aient autorisé les deux hommes en octobre à visionner les 27 minutes de rushes bruts, soit tout le reportage filmé.

Mais leur commentaire n’a pas été publié jusqu’à ce qu’ils l’aient proposé à un autre quotidien important, Le Monde, qui l’a rejeté, selon son nouveau rédacteur en chef de la page « opinions » Sylvain Cypel. Il qualifia la totalité de la discussion de « bizarre » et propulsée par la toute petite agence de presse. Pour France 2, dont les bureaux de verre dominent la Seine, les questions obsédantes sur la totalité de l’épisode sont en débat sans cesse renouvelé, motivé par différents ordres du jour - depuis l’idéologie de groupes d’extrême droite s’efforçant de pousser Enderlin hors de son poste à Jérusalem, où il est une institution.

Quand le reportage a été diffusé pour la première fois, France 2 a offert son reportage exclusif gratuitement aux réseaux de télévision du monde entier, déclarant qu’elle ne voulait pas tirer profit de ces images.

Les scènes ont été filmées par son caméraman, Tala Abu Rahma, qui fut le seul a prendre des images de ce que Enderlin a caractérisé alors comme l’assassinat d’un enfant par la fusillade depuis une position israélienne. Enderlin n’était pas présent pendant la fusillade.

Esther Shapira, une productrice allemande d’ARD à Francfort, déclara qu’elle essaya sans succès en préparant son documentaire en 2002 de voir la copie originale de l’enregistrement et fut surprise que France 2 ne la partage pas.

Des chaînes européennes échangent couramment du matériel. « S’il n’y a rien à cacher, de quoi sont-ils effrayés ? » déclara-t-elle au sujet de la réticence initiale de France 2.

Quand des articles critiques apparurent dans des publications comme « Atlantic Monthly » aux Etats-Unis, Enderlin publia une lettre ouverte insistant : « Nous ne transformons pas la réalité. Mais en considération du fait que certaines parties des scènes sont insupportables, France 2 a été obligée d’en couper quelques secondes ».

De plusieurs façons, Enderlin argumente, la vidéo d’al Dura est devenue un prisme culturel, avec des spectateurs voyant ce qu’ils voulaient.

Richard Landes, un professeur de Boston spécialisé dans les cultures médiévales, a étudié les rushes d’autres sources d’informations occidentales ce jour-là, y compris l’enregistrement al Dura.

« Nous pouvions discuter de chaque décor » concéda-t-il. Mais après avoir regardé les scènes trois fois, il conclut que ça avait probablement été falsifié, avec un reportage sur la même bande, de combats de rue séparés et d’ambulances de secours.

« J’en vins à réaliser que les cameramen palestiniens, en particulier quand il n’y a pas d’occidentaux dans le coin, mettent en route la mise en scène systématique d’actions », déclara-t-il, qualifiant le reportage de cinéma « Pallywood ».

Certains dirigeants de France 2 ont, en privé, mis la faute sur la communication de la chaîne alors que des questions étaient soulevées. La semaine dernière, ils ont montré à l’International Herald Tribune l’original de 27 minutes de l’enregistrement de l’incident, qui inclut aussi des scènes séparées de jeunes lançant des pierres.

Le reportage du père et de l’enfant subissant l’attaque dure plusieurs minutes mais ne montre pas clairement la mort de l’enfant. Il y a une coupure de la scène que les dirigeants de France 2 attribuent aux tentatives du cameraman pour ménager une batterie faible.

Quand Leconte et Jeambar ont vu les rushes, ils ont été frappés par le fait qu’il n’y avait pas de scène montrant avec certitude que l’enfant était vraiment mort. Ils écrivirent, cependant, qu’ils n’étaient pas convaincus que cette scène particulière était jouée, mais seulement que « cette fameuse ’agonie’ sur laquelle Enderlin avait insisté comme coupée au montage n’existait pas ».

Pour contrer ses critiques, France 2 convoqua une nouvelle conférence de presse en novembre et prépara une dossier de photographies plan par plan, incluant des agrandissements pour répondre aux sceptiques comme Landes qui argumentait du fait que du sang n’était pas visible.

La chaîne envoya aussi de nouveau un journaliste en octobre, pour filmer le père du garçon, Jamal al Dura, relevant une partie de son pantalon et de ses manches de chemise pour montrer les cicatrices sur son bras droit et la partie supérieure de sa jambe droite. Ils associèrent le reportage du père recouvert de bandages dans un hôpital d’Amman, où il fut visité par le roi de jordanie. Mais des critiques comme l’ancien journaliste du Monde et animateur de radio Luc Rosenzweig réclamèrent l’opinion d’un expert médical indépendant.

« C’est une histoire de fous », a déclaré Arlette Chabot, la directrice générale adjointe de la chaîne. « Chaque fois que nous répondons à une question, une autre question surgit. Il est très difficile de combattre une rumeur. La question est que, quatre ans plus tard, personne ne peut dire avec certitude qui l’a tué, des Palestiniens ou des Israéliens ».

En automne dernier, France 2 a déposé une série de plaintes en diffamation contre certains de ses critiques, mais elle l’a fait sans nommer ses cibles, les désignant simplement comme « X ». La juriste de la chaîne, Bénédicte Amblard, a déclaré que France 2 a choisi cette approche du fait des difficultés à identifier légalement les propriétaires de sites Internet, qui lançaient des attaques corrosives contre la chaîne et Enderlin.

Mais cette tactique a enhardi des critiques comme Philippe Karsenty, qui est l’une des cibles légales visées par la chaîne ainsi que la Metula news Agency. Karsenty dirige un petit groupe de surveillance des médias basé à Paris appelé Media-Ratings qui a appelé aussi bien Chabot qu’Enderlin à démissionner.

« Nous offrons 10.000 Euros à une oeuvre de bienfaisance choisie par France 2 si la chaîne peut noud démontrer ainsi qu’à un panel d’experts indépendants que le 30 septembre 2000, le reportage montre la mort de l’enfant » a déclaré Karsenty.

Le ministère de la culture et de la communication est une agence qui a été approchée. En privé, un officiel du gouvernement a déclaré, « Nous ne pouvons prendre aucune initiative parce que ce n’est pas notre mission ou notre métier. La presse est indépendante, particulièrement dans la tradition française ».

Si bien que réaliser le débat incombe à d’autres. En fin de semaine, des partisans d’Enderlin s’organisaient pour placer une publicité dans Le Monde pour soutenir le correspondant à Jérusalem ».


http://www.iht.com/articles/2005/02/07/video07_ed3_.php

Doreen Carvajal

©International Herald Tribune



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