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Apprendre le voisinage
Par Sami el Soudi © Metula News Agency
Article mis en ligne le 7 février 2005

Gros changement d’orientation dans les medias de l’Autorité Palestinienne. Le moins que l’on puisse dire de ce changement, c’est qu’il ne passe pas inaperçu. Jusqu’au début de la semaine dernière, les émissions de la télévision palestinienne ouvraient sur des clips encourageant la population au « shahydat » :

les terroristes y étaient présentés comme des héros de la cause, leurs noms étaient portés aux nues ; des enfants de douze ans affirmaient vouloir suivre la voie de Mohamed Al-Dura et se sacrifier « pour la libération de Jérusalem » ; des mères de jeunes martyrs étalaient leur fierté et appelaient les autres femmes à lancer leurs enfants, transformés en bombes humaines, contre l’occupant sioniste.

Depuis quelques jours, pour nos téléspectateurs, il n’y a plus d’occupant sioniste, mais des « voisins israéliens ». L’armée d’occupation d’Israël est devenue « l’armée israélienne » et les clips abominables ont été remplacés par des scènes de chants et de Debka, notre danse folklorique nationale. Je pense qu’il sera difficile pour des non Palestiniens d’apprécier toute la symbolique de cette conversion. C’est ici qu’il convient de rappeler à bon escient que nous n’avons jamais eu de tanks ni d’avions et que la lutte armée se traduisait, d’abord, dans la communication officielle de notre appareil politique.

Avec cette télévision différente, c’est la Palestine qui a changé. Le message qui passe, désormais, est celui de la volonté de vivre en cohabitation pacifique avec nos voisins et non plus de les détruire, au besoin, par le sacrifice de deux millions d’entre nous, comme l’a préconisé Yasser Arafat jusqu’à son dernier souffle.

Mais, cette rectification nécessaire - car il n’était pas question d’engager un dialogue de paix sérieux avec l’ennemi dans un tel environnement de haine - entraîne d’autres processus qui la suivent naturellement. Car c’est aussi une invitation faite aux gens à imaginer l’avenir dans une dialectique qui n’est plus « ou eux ou nous de la rivière à la mer », mais eux et nous, dans une relation de voisinage obligée. Cela implique aussi, parce que le rapport de force militaire ne laissait aucune place au « nous » et certainement pas à un « nous vivants », de commencer justement à nous projeter dans un avenir qui ne passe ni par l’enfer ni par le paradis. Dans un avenir où nous sommes appelés à imaginer notre place en temps que personnes et en temps que société de personnes.

C’est également que le pouvoir a brusquement cessé d’être le pouvoir nourricier, sévère et discrétionnaire, assimilé uniquement à la « cause » et au leader de la cause, pour devenir un véritable gouvernement. Une autorité. Du même coup, nous avons cessé d’être un peuple-cause pour devenir un peuple tout court, doté d’une télévision qui n’est plus principalement un organe de propagande, mais aussi d’information, de divertissement et d’éducation.

Avec cela, le pouvoir prend de l’espacement avec les gens et il s’agit d’un phénomène tout à fait remarquable et salutaire. Un gouvernement, au plein sens du terme, est enfin né. Cela se voit également dans la rue, où commence à exister un ordre public, illustré par la présence de forces de l’ordre - et non plus de clans armés et divisés - qui prennent leurs distances avec les habitants. Voici quinze jours, cette police a détruit les dizaines de constructions illégales qui avaient pris racine dans le sable de la plage de Gaza. Il y avait là des boutiques, des restaurants et même des hôtels, qui, s’acquittant du prix d’un racket sous couvert patriotique, donnaient l’impression qu’ils allaient rester en place pour l’éternité.

Bon voisinage rimerait ainsi avec juste distance, dans un concept qui n’est pas pour me déplaire. Et qui pense voisinage avec les Israéliens, doit penser aussi à prendre ses distances avec eux. Voisinage, voudrait donc dire : « Tu as ta maison, j’ai ma maison. Lorsque j’ai envie de te voir ou de commercer avec toi, je t’invite chez moi. Lorsque je veux rester en famille, je garde ma porte fermée ». Il me semble que cette image, pour toute naïve qu’elle puisse être, matérialise assez bien l’idée même de paix, telle que l’on peut la concevoir dans notre région. J’ajouterai, quitte à en faire sursauter quelques uns, que pour peu que le mur que les Israéliens construisent ne réduise pas davantage notre portion de Palestine, je pense qu’il peut être une bonne chose. C’est que nous avons à faire, de ce côté-ci du mur. Nous avons à construire tout ce qui n’a jamais existé ici et que nous n’avons jamais eu. A commencer par des institutions, un authentique système judiciaire ; nous avons à édicter des lois applicables et à façonner les moyens de les appliquer.

Pour que la paix existe dans la durée, il faudra, bien sûr, établir un système de vases communicants avec les Israéliens. Mais ce système ne fonctionnera pas tant que notre vase sera vide. Alors, nous avons besoin de la « distance » nécessaire à remplir notre vase, afin qu’à l’ouverture du robinet, il n’y ait qu’une vague que l’on puisse endiguer et pas un raz-de-marée. Il faut qu’on nous aide à imaginer la vie, après tant de décennies durant lesquelles nous nous contentions de vieillir. 

Sur le plan diplomatique, dont les soubresauts m’ont soudain l’air moins intéressants, les choses se cristallisent autour de la visite de la nouvelle secrétaire d’Etat américaine dans la région et du sommet de Sharm-el Cheik demain. Tous conviennent qu’après la pacification relative des organisations terroristes et le déploiement de notre police dans la bande de Gaza, il faudra récupérer les armes illégales. Des hauts émissaires venus d’Egypte discutent avec Mahmoud Abbas de la mise sur pied d’un plan de sécurité palestinien exhaustif, qui inclut le désarmement des organisations extrémistes. C’est le second du chef du renseignement de Moubarak, Omar Suleiman, qui mène les discussions, le général Moustafa Al-Bouhayri. Les choses sérieuses, sur le terrain, devraient débuter dès la fin du sommet dans le Sinaï, tous les responsables sécuritaires palestiniens en sont parfaitement conscients.

Les Israéliens vont annoncer qu’ils se retirent de nos villes de Cisjordanie et qu’ils en confient le contrôle aux officiers d’Abbas. Ce sera Ramallah et Jéricho d’abord : Ramallah, pour permettre à notre gouvernement de ne pas siéger sous occupation étrangère. Et Jéricho, parce que c’est une ville paisible, qui ne présente pas de problème de sécurité épineux. Il faut tout de même rappeler que ce sera la troisième fois que les Israéliens se retirent de nos cités. La dernière fois, c’était il y a deux ans, ils avaient commencé par Bethlehem. Yasser Arafat avait immédiatement, dès que le dernier soldat de « l’armée israélienne » eût quitté la ville de la Nativité, donné l’ordre aux Tanzim de Barghouti d’ouvrir le feu sur le quartier juif de Gilo. Il ne voulait pas de la situation du « eux et nous » et de tout ce qui en prenait l’apparence. Arafat avait obligé les Israéliens à nous réoccuper, prolongeant notre état victimaire aux yeux de la planète. Mahmoud Abbas désire un Etat de Palestine et il a à cœur de montrer au monde que son exécutif est capable de gérer les territoires libérés. Ce sera un test majeur pour un homme intelligent. Qu’il échoue et nous ne serons allés nulle part, mais qu’il réussisse et la libération effective des terres du premier Etat palestinien de l’histoire aura effectivement commencé.

Simultanément, les services de Mohamed Dahlan sont sur les dents. Ils ont reçu des informations précises sur un possible attentat commandité par les Iraniens contre Abou Mazen en marge du sommet égyptien, dans le but de faire exploser le renouveau de l’espoir. L’idée « d’apprendre le voisinage » ne plaît décidément pas à tout le monde. Les agents iraniens offrent désormais 25’000 dollars par mois aux recruteurs de candidats aux attentats-suicide. Du temps d’Arafat, ils étaient payés mille dollars. Y a-t-il quelque chose à ajouter à la vérité de la bourse ?

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