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Plus jamais ça ?
Simon Pilczer
Article mis en ligne le 30 janvier 2005

Allez Sisyphe, tu as gagné une partie gratuite !

Dans les années 1970, je souriais d’un dessin humoristique représentant Sisyphe qui roulait son énorme rocher vers le sommet d’une montagne, s’acquittant de sa mission avec peine : enfin parvenu là-haut, un « bumper » faisait rouler le rocher vers le bas, et une voix venue des cieux l’encourageait : « Bravo Sisyphe, tu as gagné une partie gratuite ! »

C’était une manière savoureuse de représenter le fameux mythe grec dont Albert Camus a éclairé l’importance essentielle.
Toute la semaine passée, nous avons entendu les plus hautes autorités morales et politiques de la planète, nous redire leur engagement au « Plus jamais ça » lors de commémoration du soixantième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz.
Le même jour, Véronique de Sa Rosas, membre fondateur du Mouvement des Maghrébins Laïques de France nous transmettait pour s’en indigner, quelques morceaux choisis de la prose que s’échangent de jeunes « beurs » sur le net.

Nul doute que l’affliction est grande de constater le décalage entre les messages d’humanité et de solidarité venus de rescapés d’Auschwitz, et la bêtise et la haine qui tentent de s’autojustifier via ces propos indécents. Est-il bien nécessaire de les diffuser ? Je ne le crois pas.J’ai toujours pu vérifier que le racisme et l’antisémitisme sont faits d’un cocktail de bêtise et de haine.

Dans ce domaine, la couleur de la peau, ou la situation d’enfant d’immigré ne sont pas un vaccin contre la bêtise. Dieudonné M’bala M’bala nous l’a amplement prouvé, en exploitant jusqu’à la corde ce filon nauséabond.

J’ai la faiblesse de penser que les Juifs sont un peu vaccinés de ce côté-là, pour avoir eu l’occasion, de toute éternité, de réfléchir à la condition du « différent », de « l’autre », de l’immigré, du minoritaire : d’ailleurs en hébreu, le verbe pour exprimer « où habites-tu ? » (’efo ata gar’) signifie également et dans le même temps : « où es-tu étranger ? » (’efo ata ger’). C’est sans doute un rappel abrahamique du sens de l’hospitalité : en définitive, la terre appartient à D...

A y bien réfléchir, le racisme est de fait la haine du « différent » que l’on reconnait facilement à la couleur de sa peau, ou à des caractéristiques soi-disant « ethniques ».

L’antisémitisme dont la définition a fait couler tant d’encre, est selon moi lié à la haine du semblable, mais qui pense, ou prie différemment : c’est sans doute pourquoi les éradicateurs ont éprouvé le besoin d’attacher des stigmates aux Juifs : bonnet jaune, rouelle, étoile jaune...

Nous avons été témoins cette semaine d’appels fervents au « Plus jamais ça ». Ils sont nécessaires mais très insuffisants pour être opérants dans présent et dans le futur.

Simone Veil a conclu son allocution à Auschwitz le 27 janvier 2005 en demandant que ce « Plus jamais ça » devienne réalité.

Un génocide est aujourd’hui en cours, sous nos yeux, sur notre village planétaire, dans une contrée abandonnée de tous parce qu’elle ne bénéficie pas des infrastructures confortables qui existent en Israël, ni en Irak : Pas d’hôtel King David de Jérusalem, Pas d’hôtel Palestine de Bagdad, où nos journalistes peuvent refaire le monde, en se donnant le frisson, dans le danger parfois réel ...

Ce génocide se produit depuis plusieurs années au Darfour, et prend une ampleur inquiétante : nombre de rapports d’organisations internationales, ONU en tête, et d’ONG, font état de plusieurs dizaines de milliers de morts depuis l’été dernier.

Le cap de plusieurs centaines de milliers de morts est sans doute dépassé, et le nombre de personnes déplacées, de « réfugiés », passe les deux millions. Mais ce ne sont pas de « bons réfugiés » : ils sont noirs, musulmans et sédentaires, mais ne sont pas Palestiniens. Cette population du Darfour est torturée, violée, déplacée, assassinée, par des « milices arabes djandjawides », nomades armés par le pouvoir central de Khartoum.

La communauté internationale qui sait, temporise, se refusant à intervenir dans les affaires intérieures d’un « pays souverain ».

Le pouvoir central au Soudan a failli dans la tache essentielle de tout état, qui est de protéger ses citoyens. Tous ses citoyens.

La Ligue Arabe couvre ces abominations, quel que soit le nom qu’on leur donne : épuration ethnique, massacres, génocide...

L’ONU, par la voix de Kofi Annan, demande une intervention internationale, qui ne s’organise pas, ou si mal, et si tard.

Les Etats unis, par la voix de Colin Powell, alors secrétaire d’Etat, ont appelé à une action décisive, si besoin militaire.

Chaque jour qui passe fragilise cette population.

Après tous les beaux discours que nous avons entendus la semaine dernière, il serait à la fois cohérent et rassurant que l’ONU, l’UE, les USA... l’OTAN pourquoi pas, la communauté internationale enfin, prennent leurs responsabilités, et pratiquent le « Droit d’ingérence », préconisé par Bernard Kouchner.

A ce stade, une protection militaire internationale doit encadrer l’intervention des « humanitaires » : en effet, des menaces directes pèsent sur les ONG pour les empêcher de secourir et de témoigner.

Cela pourrait enfin donner le sentiment que l’histoire ne bégaie pas, et ne sert pas à alimenter de beaux et vains discours, pour éviter de venir déplorer les victimes après l’extinction de la fumée de leurs cendres.

Le « Plus jamais ça » ne doit pas se construire en ne regardant que dans le rétroviseur, une fois que le massacre, voire le génocide est consommé. Il faut savoir faire la différence entre les abus de la propagande - on a vu ce qu’en font par exemple les Palestiniens - et la réalité de terrain : c’est un exercice extrêmement difficile.

Il faut réfléchir à un système d’alerte internationale qui permette une intervention quand les signes d’abus de pouvoir manifestes d’un état sur une population sont détectés. Ce rôle sera évidemment placé sous la responsabilité d’une ONU rénovée, où la représentativité des états, en fonction de leur démographie, mais aussi de ce que l’on devra quantifier comme « un quotient démocratique » pourront entrer en ligne de compte.

Ces paramètres de la puissance politique internationale - démographie : qui la mesure ? - « coefficient démocratique » : comment le mesurer ? -, difficiles à quantifier ou à définir, devront faire l’objet d’une réflexion approfondie pour parvenir à un consensus.

Nul doute que les régimes dictatoriaux feront « de la résistance ». Nul doute que l’ONU « nouvelle mouture » aura du pain sur la planche.
Mais c’est à ce prix que l’on peut espérer un saut quantique dans « l’éthique » pour l’humanité. Et Sisyphe pourra se reposer...



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