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Ces os revivront-ils ?
Discours de Silvan Shalom à l’ONU
Article mis en ligne le 26 janvier 2005
dernière modification le 29 janvier 2005

Session spéciale de l’Assemblée Générale de l’ONU pour marquer le soixantième anniversaire de la libération des camps de concentration
Traduction française : Menahem Macina

M. le Secrétaire général,
M. le Président,
MM. les Ministres des Affaires Etrangères, mes collègues,
Survivants de l’Holocauste,
Honorables Délégués,
Mesdames et Messieurs,


Il y a soixante ans, les soldats alliés sont arrivés aux portes du camp de concentration d’Auschwitz. Rien ne les préparait à ce dont ils allaient être témoins, en ce lieu et dans les autres camps qu’ils allaient libérer. La puanteur des corps, les piles de vêtements, de dents, de chaussures d’enfants.

Mais dans les récits des libérateurs, plus que l’odeur, plus même que les piles de corps, l’histoire de l’horreur s’exprimait sur les visages des survivants.

Le récit de Harold Herbst, un libérateur américain de Buchenwald, est le paradigme de beaucoup d’autres. Je le cite :

« Comme je marchais parmi les baraquements, j’ai entendu une voix ; je me suis retourné, et j’ai vu un squelette vivant qui me parlait. Il m’a dit, « Dieu merci, vous êtes venus ». J’éprouvais un étrange sentiment. Avez-vous jamais parlé avec un squelette qui vous répond ? Et c’est ce que j’étais en train de faire. Plus tard j’ai vu des monceaux de ces squelettes vivants, laissés derrière eux par les Allemands ».

Il y a des milliers d’années, le prophète Ezéchiel a eu une vision similaire. Dans un des passages les plus célèbres de la Bible, le prophète décrit comment il parvint à une vallée remplie d’ossements. Ces ossements, dit Ezéchiel, sont la Maison d’Israël. Et ils sont desséchés, et leur espoir est perdu. Confronté à cette scène, il pose la question : Ces os revivront-ils ? Ces os revivront-ils ?

Ezéchiel a posé la question que se sont posés tous ceux qui ont libéré des camps : est-ce que de l’espoir ou de l’humanité peut émerger d’une telle horreur ? Ces os revivront-ils ?

Aujourd’hui, sont ici, avec moi, ceux qui ont donné vie aux os desséchés, des survivants et des libérateurs. Des hommes comme Dov Shilansky, qui a combattu dans le ghetto, et est devenu plus tard Président du Parlement d’Israël, la Knesset. Comme Yossi Peled, qui, après avoir été arraché à la terreur des Nazis, est devenu, par la suite, Général en chef dans les Forces de Défense d’Israël, pour protéger son peuple des horreurs d’une autre calamité. Comme David Grinstein, qui a survécu aux camps de travail, et présidemaintenant une organisation de restitutions aux travailleurs forcés sous le pouvoir nazi. Et des femmes comme Gila Almagor - aujourd’hui reine de la scène et du cinéma israéliens - qui a exprimé ses expériences de fille de survivants de l’Holocauste, avec un art qui a touché des millions de personnes.

Quand nous voyons ce que les survivants sont parvenus à créer, à bâtir, quand nous voyons leur contribution à l’humanité - à des familles, à des carrières, à la littérature, à la musique, et même à des pays - nous ne pouvons que nous émerveiller de leur force et de leur courage.

En même temps, quand nous voyons ce que les survivants ont donné à l’humanité, nous pouvons seulement commencer à imaginer ce qu’auraient pu donner au monde les millions qui n’ont pas survécu. Nous pleurons leur perte, jusqu’à aujourd’hui. Chaque fibre de notre être perçoit leur absence. Chaque famille connaît la souffrance, y compris la mienne - les grands-parents de mon épouse et sept de leurs huit enfants ont été raflés et tués.

M. le Président,

Israël et le peuple juif ont une dette envers les libérateurs des camps de la mort, et c’est aussi le cas de toute l’humanité. Face au mal indicible, ces libérateurs, provenant des nombreuses nations représentées ici aujourd’hui, ont montré l’aptitude humaine à faire le bien. Face à l’accablante indifférence à la douleur des autres, ils ont fait preuve de compassion. Face à la lâcheté, ils ont fait preuve de courage et de détermination.

Nous reconnaissons aussi le courage et l’humanité des Justes d’Entre les Nations, qui ont refusé de détourner les yeux. Des gens, tel Raoul Wallenberg qui a sauvé des milliers de vies juives, et dont la nièce, Nane, est ici, avec nous, aujourd’hui. Ces héros ont aidé nos ossements desséchés à revivre.

M. le Président,

Les ossements desséchés se sont remis à vivre, non seulement dans les êtres qui ont survécu, mais également dans les deux entités qui ont surgi des cendres de l’Holocauste : les Nations Unies et l’Etat moderne d’Israël.

La tragédie de l’Holocauste a donné une impulsion majeure au rétablissement de la patrie du peuple juif, sur sa terre antique. C’est ce qu’Israël proclame, dans sa Déclaration d’Indépendance :

L’Holocauste, qui a englouti des millions de Juifs d’Europe, a prouvé à nouveau l’urgence du rétablissement de l’Etat juif. Un Etat qui résoudrait le problème de l’absence d’une patrie juive, en ouvrant les barrières à tous les Juifs, et en élevant le peuple juif à l’égalité au sein de la famille des nations.

Et, en effet, depuis sa création, Israël a donné asile à des juifs victimes de persécution partout dans le monde. En même temps, il a édifié une société, basée sur les valeurs de la démocratie et de la liberté pour tous ses citoyens, où la vie et la culture juives, la littérature, la religion et l’étude - toutes choses que les Nazis ont cherché à détruire - peuvent s’épanouir et prospérer.

Le fait que tant de survivants sont venus et ont joué leur rôle dans l’édification de l’Etat d’Israël, était en soi une remarquable réalisation de la prophétie d’Ezéchiel. Le prophète dit, en effet : « Ainsi parle le Seigneur : Vois, Ô mon peuple, je vais te tirer de tes tombeaux. Je mettrai mon esprit en toi et tu vivras dans ton propre pays, sur la terre d’Israël ».

M. le Président,

Si Israël représente une tentative héroïque de trouver une réponse positive aux atrocités de la Seconde Guerre mondiale, les Nations Unies en représentent une autre. Les toutes premières clauses de la charte de l’ONU témoignent de la volonté de ses fondateurs de faire de cette nouvelle organisation internationale une réponse du monde au mal, et vienne, je cite : « sauver les générations futures du fléau de la guerre », « réaffirmer la foi dans les droits essentiels de l’homme » et dans « la dignité et la valeur de la personne humaine ».

En nous assemblant ici, aujourd’hui, dans cette Session Spéciale historique, nous honorons les victimes, nous exprimons notre respect aux survivants, et nous rendons hommage aux libérateurs. Nous nous assemblons ici, aujourd’hui, pour ceux qui se souviennent, pour ceux qui ont oublié, et pour ceux qui ne savent pas. Mais nous nous assemblons également pour nous souvenir que la charte de ces Nations Unies, comme la Déclaration de l’Indépendance d’Israël, est écrite dans le sang des victimes de l’Holocauste. Et nous nous assemblons, aujourd’hui, pour nous dédier à nouveau aux nobles principes sur lesquels cette organisation a été fondée.

Une telle affirmation est nécessaire aujourd’hui, plus que jamais. La décennie passée a été témoin d’une augmentation effrayante des tentatives de nier la réalité même de l’Holocauste. Aussi incroyable que cela paraisse, il en est qui supprimeraient volontiers de l’histoire six millions de meurtres.
Y a-t-il quelque chose de pire que de détruire systématiquement un peuple, de prendre les fiers citoyens juifs de Vienne, Francfort et Vilna, et même de Tunisie et de Libye, de brûler leurs livres saints, de voler leur dignité, leurs cheveux, leurs dents ; d’en faire des numéros, du savon, des cendres de Treblinka et de Dachau ? La réponse est oui, il y a quelque chose de pire : perpétrer tout cela et le nier ensuite. Perpétrer tout cela et ôter ensuite aux victimes - et à leurs enfants et petits-enfants - la légitimité de leur peine.

Nier l’Holocauste, ce n’est pas seulement profaner les victimes et insulter les survivants. C’est aussi priver le monde des leçons qui en découlent - leçons qui sont aussi capitales aujourd’hui qu’elles l’étaient il y a 60 ans.

Ces leçons sont capitales aujourd’hui, pour trois raisons pressantes.

D’abord, parce qu’aujourd’hui, à nouveau, la peste de l’antisémitisme relève la tête. Qui aurait pu imaginer que, moins de 60 ans après Auschwitz et Bergen-Belsen, le peuple juif et Israël seraient la cible d’attaques antisémites, même dans les pays qui ont été témoins des atrocités nazies ? C’est pourtant exactement ce qui se produit. L’Holocauste nous enseigne que si les Juifs sont les premiers à souffrir de la haine destructrice de l’antisémitisme, ils sont rarement les derniers.

Les leçons de l’Holocauste sont capitales pour une seconde raison : parce qu’aujourd’hui, une fois de plus, nous constatons qu’un processus de délégitimation et de déshumanisation, à l’encontre des Juifs et d’autres minorités, est à l’œuvre, ce même processus qui prépara le terrain à la destruction. N’oublions pas. L’extermination brutale d’un peuple n’a pas commencé avec des fusils ou des chars, mais avec des mots, des mots décrivant systématiquement le Juif - l’autre - comme moins que légitime, moins qu’humain. N’oublions pas cela, quand nous trouvons des journaux et des livres de classe actuels qui empruntent des caricatures et des thèmes au journal nazi Der Sturmer pour décrire des Juifs et des Israéliens.

Et enfin, ces leçons sont capitales, aujourd’hui, parce que nous sommes témoins de nouveau d’un assaut violent contre le principe fondamental de la sainteté de la vie humaine. Peut-être la plus grande idée de base que la Bible ait donnée à l’humanité est la simple vérité que tout homme, toute femme, tout enfant, est créé à l’image divine, et a donc une valeur infinie. Pour les nazis, la valeur d’un être humain était limitée, voire déplorable. L’essentiel était de savoir quelle somme de travail il pouvait accomplir, quelle quantité de cheveux une femme pouvait fournir, combien de dents en or il avait. Pour les nazis, la destruction d’un être humain, ou d’une centaine, d’un millier, de six millions, était sans importance. Elle n’était qu’un moyen pour une fin perverse.

Aujourd’hui encore, nous avons comme adversaires les forces du mal, pour lesquelles la vie humaine - que ce soit celle des civils qu’ils prennent pour cibles, ou celle de leur propre jeunesse qu’ils utilisent comme armes - est sans valeur : elle n’est qu’un moyen pour atteindre leurs buts. Nos sages nous enseignent que « celui qui prend une seule vie, c’est comme s’il avait pris le monde entier ». Aucune vie humaine n’a moins de valeur qu’un monde. Aucune idéologie, aucun ordre du jour politique, ne peuvent justifier ni excuser que l’on prenne délibérément une vie innocente.

M. le Président,

Pour six millions de Juifs, l’Etat d’Israël est venu trop tard. Pour eux, et pour d’innombrables autres, les Nations Unies sont aussi venues trop tard. Mais il n’est pas trop tard pour renouveler notre engagement envers les buts pour lesquels les Nations Unies ont été fondées. Et il n’est pas trop tard pour s’atteler à l’édification d’une communauté internationale qui reflétera pleinement ces valeurs ; qui combattra sans compromis l’intolérance à l’égard des gens de toute foi et de toute appartenance ethnique ; qui rejettera l’indifférentisme moral ; qui appellera le mal par son nom.

Nous ne saurons jamais si l’existence des Nations Unies aurait empêché l’Holocauste. Mais cette Session Spéciale confirme aujourd’hui la nécessité, pour les Nations Unies comme pour chaque Etat membre individuellement, de s’engager à nouveau à ce qu’il ne se produise plus jamais. Dans ce contexte, je voudrais exprimer ma satisfaction au Secrétaire général pour la qualité morale de sa parole et la maîtrise avec laquelle il a mené cette Session Spéciale à bien, ainsi qu’à mes collègues Ministres des Affaires étrangères pour leur présence ici aujourd’hui.

Alors que le nombre de survivants ne cesse de diminuer, nous sommes proches du moment où cet événement terrible se transformera de mémoire en histoire. Tous réunis ici, promettons de ne jamais oublier les victimes, de ne jamais abandonner les survivants, et de ne jamais permettre qu’un tel événement se répète.

En tant que Ministre des Affaires étrangères d’Israël, Etat souverain du peuple juif, je me tiens devant vous et je jure, au nom des victimes, des survivants et de tout le peuple juif : Plus jamais !



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