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Iqbal Baraka : le niqab est une ruse et Erdogan porte un masque
MEMRI Middle East Media Research Institute
Article mis en ligne le 13 juin 2011

La militante égyptienne pour les droits de la femme Iqbal Baraka : le niqab est une « ruse employée par des voleurs et des voyous pour mener à bien d’autres crimes » ; Erdogan porte un « masque ». 
Ci-dessous des extraits d’une interview de la militante pour les droits des femmes Iqbal Baraka, présidente pour l’Egypte de l’association internationale des écrivains « International Pen ». L’entretien a été diffusé sur la télévision Al-Hayat, le 29 mai 2011.


« Il nous faut quelqu’un… qui croie en la révolution et soit issu des rangs de la révolution »

Iqbal Baraka : J’ai le sentiment que bien que les gens soient satisfaits de Dr Essam Sharaf [Premier ministre égyptien], ce dernier n’est pas assez révolutionnaire, et a un rythme très lent. Il n’a pas [l’envergure] d’un dirigeant révolutionnaire. Un dirigeant révolutionnaire doit être un homme fort et puissant, qui croit avec ferveur en la révolution, et qui n’a pas peur. […]

Ce n’est pas la bonne période pour Essam Sharaf. Il est fait pour des temps plus calmes, pour l’époque où nous pouvions voyager en Afrique, embrasser les gens sur la tête, créer une ceinture verte autour de l’Egypte, etc… [pour la] relaxation. Mais nous traversons une époque dangereuse. Nous nous trouvons à un carrefour terrifiant. C’est impossible [pour lui] à présent.

Interviewer : Vous pensez que notre époque nécessite plus de fermeté…

Iqbal Baraka : C’est évident. Il nous faut quelqu’un faisant preuve de fermeté et de force, qui croie en la révolution et soit issu des rangs de la révolution.

Interviewer : Certains disent que l’attitude du Dr Essam Sharaf correspond bien à nos besoins politiques actuels.

Iqbal Baraka : Personnellement, il ne m’enthousiasme pas. Non. Permettez-moi de vous dire que quand des crimes sont commis et que personne n’a de comptes à rendre, n’est poursuivi ou puni, on ne peut parler de politique. C’est une déception.

Il est inconcevable que des gens, tribus ou groupes s’allongent sur les voies ferrées pour empêcher les touristes d’arriver à Luxor ou Aswan ou revenir du Caire. Ils ont forcé toute l’Egypte à s’interrompre, pour une raison qui atteint le summum de la stupidité et de la bêtise : leur refus d’accepter un gouverneur [copte]. Ils l’ont dit haut et fort. J’aurais aimé qu’ils ne l’admettent pas. Ils auraient dû être immédiatement punis. Ils auraient tous dû être rassemblés et poursuivis en justice.

« Pourquoi le gouverneur devrait-il être officier de police ? Il pourrait être professeur d’université, journaliste, avocat, docteur »

Interviewer : Que pensez-vous de la décision de geler la nomination du gouverneur ?

Iqbal Baraka : Il y avait plusieurs [bonnes] raisons de s’opposer à sa nomination. Il vient de l’agence nationale de la sécurité. Pourquoi ? C’est la première grosse erreur. Pourquoi nous amener l’un de ces individus dont la véritable nature a été révélée au grand jour ? Pour quelles raisons ? Pourquoi le gouverneur devrait-il être un officier de police ? Il pourrait être professeur d’université, journaliste, avocat, docteur… Pourquoi ? Je ne comprends pas. Ce choix était déjà une erreur. Il y a trois ou quatre [bonnes] raisons qui font que cet homme ne devrait pas être gouverneur, mais ils ont choisi [de se focaliser] sur une raison défectueuse et honteuse, sur le fait qu’il soit copte. Qu’est-ce que c’est que cette bêtise ? A mon avis, Dr Essam Sharaf devrait lui-même être poursuivi en justice.

Interviewer : En justice ?

Iqbal Baraka : Tout à fait. Il est responsable, donc comment peut-il les laisser s’en tirer à si bon compte ?

C’est une révolution libérale et démocratique, qui accepte toute personne, du moment qu’elle a été élue par le peuple. Avons-nous élu les salafistes pour nous gouverner ? Que se passe-t-il ? Essam Sharaf et ses ministres n’ont pas le droit de recourir à l’aide de ces gens.

Interviewer : Nombreux sont ceux qui ont reproché au Dr Sharaf de rechercher l’aide des cheikhs salafistes pour résoudre certains problèmes…

Iqbal Baraka : C’est une faute impardonnable. Malheureusement, les médias d’Etat font un bon accueil à ces gens-là, qu’ils transforment en super stars. Ils s’aplatissent devant eux.

« Nous voulons un Etat civil. C’était l’objectif de la révolution… Erdogan est un homme extrêmement méprisable… qui veut obtenir le soutien des partis religieux »

Interviewer : Etes-vous contre l’accession au pouvoir d’un mouvement religieux ?

Iqbal Baraka : Nous voulons un Etat civil. C’était l’objectif de la révolution. Le slogan disait : « Une révolution civile par des moyens pacifiques ». Tout le monde était d’accord là-dessus. Comment nous, qui appelons à une révolution civile par des moyens pacifiques, pouvons-nous demander à des prédicateurs de nous diriger, de jouer les médiateurs entre nous et le public ? (…)

Interviewer : Que pensez-vous de [l’idée d’adopter] le modèle turc en Egypte ? Comme vous savez, le mouvement religieux est au pouvoir en Turquie, et pourtant le monde s’émerveille du modèle turc. Pensez-vous que ce modèle soit applicable en Egypte ?

Iqbal Baraka : Je ne suis pas du tout éblouie par le modèle turc. Permettez-moi d’exprimer mon désaccord. J’ai le sentiment qu’Erdogan est un homme extrêmement méprisable, qui essaie d’avoir sa part du gâteau et de la consommer. Il se présente au monde comme n’étant pas islamiste et ne voulant pas d’un Etat religieux, alors que son parti politique est religieux…

Interviewer : Mais la société turque jouit de libertés pleines et entières. Chaque citoyen peut agir comme bon lui semble – au niveau aussi bien religieux que politique et social.

Iqbal Baraka : Mais les partis politiques religieux sont interdits, et il fait son possible pour abolir cet article de la constitution. Il veut obtenir le soutien des partis religieux. Erdogan est un homme dangereux. D’ailleurs, l’Occident ne le lâche pas. Il y a, dans les pays occidentaux, des politiciens et des commentateurs qui voient et comprennent tout. Erdogan a mené une campagne totale pour réhabiliter le hijab dans les universités turques, et sa femme porte le hijab. (…)

« Les Frères musulmans ont appris d’Erdoğan comment occulter leurs véritables croyances »

Iqbal Baraka : Les Frères musulmans ont appris d’Erdoğan comment occulter leurs véritables croyances. Ils portent un masque civile pacifique. C’est là l’une de leurs méthodes. Il s’agit d’une forme de propagande, ni plus ni moins... 



Interviewer : Vous n’êtes pas prête à accorder aux Frères musulmans et à leur Parti de la liberté et de la justice le bénéfice du doute, en supposant que leurs intentions soient bonnes ? 


Iqbal Baraka : S’ils sont élus, nous nous plierons [à la volonté générale]. Croyez-moi, je ne m’opposerai pas.


Interviewer : Pensez-vous que le choix d’un copte comme vice-président de leur parti soit une forme de propagande, ou une façon de dissimuler leurs véritables convictions ? 



Iqbal Baraka : Bien sûr. Ce sont des menteurs. Dans leur programme, ils ont dit qu’ils ne permettraient pas à un copte de gouverner l’Egypte. Bien sûr, nous avons fait toute une histoire à ce sujet, et j’ai été la première à réagir sur la base de l’islam et de la charia. Ils disaient : « Non à une femme et non à un copte. » Ils n’ont pas le droit de refuser à qui que ce soit la possibilité de gouverner l’Egypte, ni d’interdire les aspirations politiques de qui que ce soit. Ils n’en ont pas le droit. Quel genre de parti déclare « Ceux-ci peuvent se présenter, ceux-là ne le peuvent pas » ? Comment une nation de 85 millions de personnes peut-elle être dirigée de manière aussi naïve ? [...] 

Le mélange des sexes à l’université est nécessaire. Je le répète : il est indispensable, car il prépare les jeunes hommes et femmes à la vie [...]

Heureusement, les Egyptiens, par nature, sont contre [l’interdiction de cette mixité]. Même au niveau le plus bas, pas seulement les intellectuels, les laïques, etc... 



Interviewer : Nous sommes toujours attirés par le [juste] milieu.



Baraka Iqbal : Le [juste] milieu est l’âme de l’Egypte. L’Egypte n’aime pas l’extrémisme. Permettez-moi de vous raconter une anecdote historique. Lorsque les Fatimides régnèrent sur l’Egypte, ils en firent un pays chiite pour je ne sais pas combien de temps. Le jour qui suivit leur départ, tous les Egyptiens sont redevenus sunnites. [...] 



Les femmes se sont battues pour la libération de la femme égyptienne. Mais maintenant, les Frères musulmans, dont les membres sont les ennemis des femmes, et qui ne voient rien de bon chez les femmes, et qui tentent de les cacher sous des chaises et derrière des écrans, afin qu’on ne les voie pas, et qui les revêtent de niqabs ou de hijabs s’il faut absolument qu’elles sortent de chez elles...

Ces gens-là finiront par remporter des sièges au parlement. Pourquoi ? Parce qu’ils ont amassé de l’argent et qu’ils sont bien organisés. 

Ils prennent une femme et en font une candidate, même si elle ne veut pas, et n’a rien à voir avec la politique. On lui a appris à croire que son rôle est de rester à la maison, de prendre soin de son mari et de ses enfants. Et tout d’un coup, elle est jetée dans l’arène politique, et on dépense de l’argent pour elle. 



Il est très probable que dans le futur parlement, les trois quarts des membres seront des femmes portant le hijab, et les sept huitièmes des femmes portant le niqab, et elles défendront la liberté des femmes, la liberté des Egyptiens. Comment une telle chose est-elle possible ? [...] 



Interviewer : Avant la pause, nous avons parlé d’un ensemble de lois promulguées par Suzanne Moubarak, l’épouse de l’ancien président. Maintenant, on parle d’ôter son nom et son portrait des projets élaborés au temps de l’ancien président Moubarak. Êtes-vous pour ou contre cette idée ? 



Iqbal Baraka : C’est une idée stupide et puérile. Nous commettons cette erreur depuis 4000 ans. Chaque pharaon abolissait tout ce qui avait précédé son règne. [...] 

Tout le monde a le droit de choisir sa religion. En aucun cas ne pouvons-nous nous y opposer, parce que Dieu a dit dans le Coran :« Que celui qui veut croire croie et que celui qui ne veut pas coire ne croie pas. » [...]

Des notions erronées attribuées par erreur à l’islam se propagent. Prenez, par exemple, la peine pour apostasie. Certains prétendent qu’il est permis de tuer quiconque quitte l’islam. Ce décret fait l’objet d’une forte controverse. Je ne veux pas donner mon opinion, parce que je ne suis pas juriste, et que je ne veux pas qu’on me fasse dire des choses, mais il y a controverse à ce sujet. Il n’y a aucune preuve de l’existence d’un châtiment contre l’apostasie. C’est une invention de certains politiciens. 



Interviewer : Vous avez une fois demandé aux salafistes s’ils seraient prêts à abolir cette peine. Vous ont-ils répondu ?

Iqbal Baraka : Précisément, si vous voulez appliquer cette peine, cela signifie que quiconque abandonne sa religion doit être puni.



Interviewer : Avez-vous reçu une réponse des salafistes ? 



Iqbal Baraka : Les salafistes n’osent pas me répondre, parce qu’ils savent que mon éducation religieuse est dix fois meilleure que la leur.
« Je ne soutiens pas le niqab. Je suis pour sa totale abolition, parce que c’est une ruse employée par des voleurs et des voyous pour mener à bien d’autres crimes »

Je ne soutiens pas le niqab. Je suis pour sa totale abolition, parce que c’est une ruse employée par des voleurs et des voyous pour mener à bien d’autres crimes. [...] 

Les gens ne rendent pas service à cette grande religion en supposant qu’ils peuvent forcer une femme, créée par Allah, à se cacher de cette manière derrière un affreux rideau noir. C’est une chose méprisable, qui n’a pas de sens. Nous devons lutter contre cela de la plus claire et la plus courageuse des manières. Il n’y a pas de niqab en islam, et il doit être interdit en Egypte par la loi. [...] 




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