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Les attentats-suicides frappent des populations innocentes en Israël. Basta !
Pierre Mertens et l’arme des lâches - Le Soir magazine du 22 septembre 2004
Article mis en ligne le 21 octobre 2004

Il a sur les attentats suicides un point de vue tranché. Dans son milieu d’intellectuels de gauche, Mertens ne va pas se faire que des copains. Il n’en a cure.

Intellectuel engagé à gauche, Pierre Mertens l’est certainement. Il préface un livre consacré aux attentats suicides qui frappent depuis des années Israël. Il est rédigé par un collectif de Belges qui entendent dénoncer de manière virulente ces attentats, sans cautionner pour autant la politique de Sharon et sans nier les droits des Palestiniens. Et aussi pour nouer le dialogue avec les musulmans qui récusent ces actions mortifères. Car comment avoir le respect de la vie d’autrui quand on n’en a aucun pour la sienne propre ?

Le Soir : Pourquoi avoir préfacé ce livre rédigé par des inconnus ?

Pierre Mertens : J’ai beaucoup écrit sur le terrorisme tout au long de ma vie et plus autrefois qu’aujourd’hui.J’y suis cependant revenu de façon récurrente en changeant parfois un petit de point de vue. J’appartiens à une génération qui, au moment des agissements des Brigades Rouges, de la Rote Armee Fraktion et des fedayins d’autrefois, sans justifier aucunement le recours à de telles armes, cherchait à expliquer certaines réactions désespérées. Quelque fois, sans s’en rendre compte, nous n’étions pas loin de basculer dans une sorte de fascination pour ce mode d’autodéfense. Comme le problème du Proche-Orient a continué de me hanter et que je suis allé très souvent dans cette région, je me suis rapidement rendu compte que cette deuxième intifada n’était pas à confondre avec la première. Que des points de vue radicaux que nous avons exposés dans les années 1970 ne sont plus du tout pertinents aujourd’hui. Que tout a changé et tout est à reprendre en considération à zéro. Que le terrorisme doit être condamné aujourd’hui avec beaucoup plus de lucidité et de fermeté que naguère.

Je cautionne donc ce livre en pensant qu’il est d’une grande salubrité, d’une grande hygiène. II n’a rien de manichéen, ce qui aujourd’hui est assez rare. Il ne bascule dans aucune simplification, dans aucun sectarisme, il n’ignore pas la complexité du problème palestinien mais il n’admet pas pour autant l’utilisation de « l’arme des faibles ». Je trouve cette expression ridicule car c’est plutôt « l’ arme des lâches ».

Le Soir : Ancien professeur de droit international, vous vous en prenez à la cour de la Haye. Elle détournerait le droit international sur la question du mur de sécurité construit par Israël dans les territoires occupés.

Pierre Mertens : J’ai trouvé le procès réducteur. Je comprends qu’Israël n’ait pas voulu même y comparaître, sachant que la cause était perdue d’avance, que les jeux étaient faits. J’ai horreur de la présomption de culpabilité, que ce soit dans un procès national et devant une justice internationale à plus forte raison. J’avais l’impression qu’il n’y avait guère de chance que des points de vue vraiment antagonistes puissent y être exposés « à armes égales », c’est le cas de le dire. Par conséquent, je trouve qu’on assiste à une dérive un peu triste parce que la Cour de la Haye a un plus beau passé qu’elle n’a un beau présent. Je comprends parfaitement l’attitude de dérobade volontaire d’Israël. En plus, j’ai trouvé d’un symbolisme assez fort le fait d’aller déposer à la Haye, le jour de la première audience du procès, des bus calcinés qui avaient été détruits lors d’attentats suicide quelques mois auparavant dans différentes villes d’Israël : c’était une réplique assez imagée qui s’imposait. Tout en restant un militant du droit international, je regrette vraiment l’évolution récente non pas du droit mais de l’application qu’on prétend en faire et qui n’augure rien de bon.

Le Soir : Vous vous en prenez aussi aux « esprits forts de l’Occident », aux intellectuels qui condamnent insuffisamment ces attentats. Vous en êtes un aussi. Vous crachez pour la deuxième fois dans la soupe ?

Pierre Mertens : Il ne s’agit ni de soupe, ni de cracher, ce n’est pas mon occupation favorite. Mais je m’en prends à une certaine forme d’intellectuels
« despéradistes », grands amateurs de violence pourvu qu’ils restent en charentaises au coin du feu. Ce ne sont généralement pas des hommes de terrain car cela ne les intéresse pas. Ils ne se déplacent jamais et croient tout voir avec discernement mais de très, très loin. Ils sont effleurés par des rêves dostoïevskiens, nietzschéens, dont ils font une application assez navrante, qui n’est pas loin d’une espèce de névrose masochiste ou paranoïaque. Ces grands amateurs de violence entre la poire et le fromage ne sont pas des gens très fréquentables à mes yeux.

Le Soir : Vous allez jusqu’à les comparer à des fascistes.

Pierre Mertens : Ils ont une façon d’approuver le fait de donner la mort de n’importe quelle manière, la fin justifiant les moyens ! On n’est pas loin du « Viva la muerte » des franquistes pendant la guerre d’Espagne. C’est un slogan fasciste qui reçoit chez eux une caution qu’il m’est assez pénible de contempler.


Propos recueillis par Philippe Brewaeys.


Attentats-suicides, Le cas israélo-palestinien, Éd Luc Pire, 140 p.




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